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Le Président du Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM) en garde à vue - blog de Sylvestre Huet le 10-06-2013
mercredi 12 juin 2013, par
L’affaire Tapie fait une victime collatérale, la recherche publique et plus particulièrement le BRGM. En effet son Président, Jean-François Rocchi, est en garde à vue.
Que vient faire le BRGM, Bureau des recherches géologiques et minières, le service géologique national, là-dedans ? Rien du tout. Mais Jean-François Rocchi fut président du Consortium de réalisation (CDR), lors de la faillite du Crédit Lyonnais. Il est donc aujourd’hui en garde à vue, depuis hier, aux côtés de Stéphane Richard, à l’époque directeur de cabinet de Christine Lagarde, ministre de l’économie, et aujourd’hui, PDG d’Orange (lire ici l’article de ma collègue Catherine Maussion sur Stéphane Richard). Ils doivent s’expliquer devant les enquêteurs de la brigade financière sur leur choix en faveur de l’arbitrage dont a bénéficié en 2008 l’homme d’affaires Bernard Tapie dans son conflit avec la banque. Les gardes à vue ont été prolongées mardi 11 juin. Elles s’achèveront au plus tard mercredi matin.
Cette note ne porte pas sur l’affaire Tapie. Même si, comme de nombreux citoyens, je suis vraiment en colère de voir mes impôts participer au cadeau attribué à cet affairiste sans scrupule - dont 45 millions d’euros pour "préjudice moral"... - au lieu de servir à faire fonctionner les laboratoires de recherche ou aider des gens dans la misère.
Le problème posé par la garde à vue de Jean-François Rocchi est autre. Comment expliquer que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche n’ait pas demandé à Mr Rocchi de démissionner afin de le remplacer par une personne apte à remplir la fonction de président du BRGM ? Déjà, la nomination très politique, manifestement décidée à l’Elysée et non au ministère de la Recherche, de Jean-François Rocchi à la présidence de cet organisme aurait pu justifier que Madame Fioraso le remplace sans attendre par un spécialiste des géosciences. En outre, l’épisode relaté ici de ses démêlés avec des journalistes spécialisés en sciences, à propos des gaz de schiste, aurait dû se traduire par une décision en ce sens. Enfin et surtout, la menace judiciaire pesant sur Jean-François Rocchi ne pouvait être ignorée. Aujourd’hui, elle se réalise et le Président du BRGM, au lieu d’être à son travail, répond à des enquêteurs de la brigade financière.
Certes, cette garde à vue cessera. Mais qui peut imaginer que le BRGM ne souffre pas d’une telle situation ? Non seulement pour son image de service public, déjà écornée par la volonté de son Président de contrôler l’expression de ses scientifiques et son mépris pour pour la presse - un courriel interne au BRGM révèle l’incroyable conception que Mr Rocchi a de ses responsabilités. Envoyé par un haut cadre, il expose crument un point de vue brutal : « (...) le président a été très clair en codir (comité de direction, SH). Organisme public ne veut pas dire que l’on est obligé de communiquer au public ». Il est temps de cesser cette mascarade et de nommer à la présidence du BRGM un scientifique compétent et sur lequel ne peseraient pas autant de soupçons et une action de justice.