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L’université Versailles-Saint-Quentin ne paye plus ses factures - Blog "Le grand amphi", Le Monde, 13 novembre 2013
jeudi 14 novembre 2013, par
On savait la situation budgétaire extrêmement délicate de l’Université Versailles-Saint-Quentin. C’est encore pire. Elle est en quasi-situation de cessation de paiement et ce dès le premier résultat négatif depuis son passage à l’autonomie (-5,2 millions d’euros pour 2012). Pour 2013, l’établissement devrait afficher un second déficit de 7 millions d’euros et devrait prélever 10 millions d’euros sur son fonds de roulement. "En trésorerie, cela se traduirait par un solde prévisionnel à fin décembre de 4,7 millions d’euros", indique Jean-Luc Vayssière.
Le président de l’UVSQ a envoyé un message à l’ensemble des personnels pour l’informer de l’évolution de la situation budgétaire de l’établissement. Des discussions complexes et très techniques entre le recteur, le contrôleur budgétaire régional (Bercy) et l’université ont eu lieu ces derniers jours.
"Pour les dépenses incompressibles (salaires, sécurité, PPP) jusqu’au 31 décembre 2013, 19 millions de trésorerie étaient nécessaires. Nous en avons 15. Il nous fallait donc une avance de 4 millions d’euros. Dans la négociation, j’ai tenu bon sur les engagements pris auprès de la communauté, à savoir maintenir les salaires des fonctionnaires et contractuels. Je me suis également battu pour maintenir la politique indemnitaire (primes de fin d’année) des BIATSS (bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens de service et de santé) et des enseignants chercheurs. L’avance de trésorerie va donc nous être octroyée", poursuit Jean-Luc Vayssière.
"En contrepartie, indique-t-il, Bercy a demandé la suspension immédiate du règlement des factures et des nouveaux engagements. Cela signifie que certaines actions doivent être reportées en 2014 et que probablement d’autres devront être annulées jusqu’au rétablissement de la situation budgétaire. Vous l’avez compris le dialogue avec la tutelle (le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche) se double depuis quelques jours d’un dialogue avec Bercy."
D’ores et déjà, l’UFR des sciences sociales a voté une motion à l’unanimité. "Nous ne pouvons accepter cette décision, qui a de graves conséquences sur le fonctionnement des services publics et sur le devenir de nos fournisseurs. Le risque est aussi une perte de confiance de nos financeurs extérieurs, qui menace leur engagement futur et l’avenir de notre université à court-moyen terme. Nous réclamons que le paiement des factures en cours soit garanti et que les financements fléchés par les partenaires extérieurs soient respectés et intégralement versés pour les projets pour lesquels l’université s’est engagée".
Augmentation de la masse salariale non maîtrisée
Comment l’UVSQ en est arrivée là ?"Nous avons découvert assez tardivement la situation", concède Jean-Luc Vayssière, élu en avril 2012. Deux raisons à ce déficit : des investissements immobiliers qui "nous coûtent en loyer 1,25 million d’euros et l’augmentation de la masse salariale. Globalement, cela représente une charge supplémentaire de 500 000 euros", nous expliquait le président de l’UVSQ en juillet. Le passage à l’autonomie s’est accompagné pour de nombreuses universités et notamment l’UVSQ de recrutements trop nombreux et trop rapides. Les établissements "pariant" sur le fait que le ministère accompagnerait dans le temps ces embauches.
A cette augmentation de la masse salariale non maîtrisée s’ajoute pour l’université de Jean-Luc Vayssière des projets d’investissements dont le coût est trop élevé ou bien dont le coût d’exploitation a été mal anticipé. "La précédente équipe a été très fière de récupérer un bâtiment de médecine dans le cadre d’un partenariat public privé. Mais le loyer d’exploitation atteint les 750 000 euros pour nous !", lance Jean-Luc Vayssière. Le coût de fonctionnement de l’observatoire de Versailles Saint-Quentin qui accueille des formations d’excellence atteint les 900 000 euros et ne lui rapporte pour l’instant pas un kopeck.
Enfin, l’UVSQ a conclu un contrat de performance énergétique qui lui permet de se conformer aux objectifs du Grenelle de l’environnement. Las ! Ce contrat d’une durée de 25 ans se traduit, financièrement, par un surcoût de... 2 millions d’euros par an.
L’objectif est d’atteindre l’équilibre en 2016. Pour y parvenir un plan de réduction des dépenses de 7 millions d’euros a été mis en place : réduction de la masse salariale, arrêt des créations de poste, gels d’emploi, réduction des charges de fonctionnement...
L’UVSQ n’est pas seule à souffrir. Loin de là. Le président de Paris 1 nous confiait il y a quelques mois que s’il était une entreprise, il devrait mettre "la clé sous la porte". Lors d’une journée intitulée "L’université de toutes les austérités... une fatalité", organisée par le Snesup, le principal syndicat de l’enseignement supérieur, Bernard Tallet, élu Snesup au conseil d’administration et vice-président en charge des moyens a admis que "le fonds de roulement est quasiment à zéro. Il était de 25 millions d’euros lorsque nous sommes passés au RCE". Paris 1 Sorbonne sera pour la troisième année consécutive en déficit. "Nous ne pourrons pas sortir seuls des déficits", a prévenu Bernard Tallet lors de son intervention.
Pour mesurer l’état des universités, le Snesup a mené une enquête sur tout le territoire. L’objectif : "faire l’inventaire de toutes les mesures affectant l’offre de formation et les conditions de travail et de vie des personnels et des étudiants". Au total, une quarantaine d’universités ont répondu. Les économies affectent évidemment l’offre de formation comme à Paris 1 où l’offre a diminué de 10 %, les budgets de fonctionnement (-10% à Bordeaux, -6% à Montpellier 3), gel de postes d’enseignants et de personnels de soutien (60 postes à l’université de Lorraine, pour une durée de 3 ans, 23 postes d’enseignants chercheurs à Paris 1), baisse des dotations pour les laboratoires de recherche en baisse (-4% pour Amiens)...
"Pendant que les conditions budgétaires des universités s’aggravent, le gouvernement sanctuarise le dispositif du crédit impôt recherche, qui, lui, ne cesse d’augmenter depuis 2008. Il atteindra sans doute 6 milliards d’euros en 2014. Or, on peut se poser la question sur un dispositif qui a un effet d’aubaine évident et dont l’efficacité recherche est discutable", s’insurge Claudine Kahane, co-secrétaire général du Snesup.
Le syndicat appelle à la mobilisation dans tous les établissements.
Nathalie Brafman
A lire sur le site du Monde.