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Une loi pour limiter les abus des stages en entreprise - Isabelle Rey-Lefebvre - Le Monde - 18.02.2014
mercredi 19 février 2014, par
1,6 million de stagiaires
Surtout des étudiants Le rapport 2012 du Conseil économique, social et environnemental estime le nombre de stagiaires à 1,6 million, dont 900 000 étudiants. Ils étaient 600 000 en 2006. Le Centre d’études et de recherche sur les qualifications juge que seuls 38 % des stages sont formateurs et rémunérés. Selon l’Association pour l’emploi des cadres, 20 % des bac + 4 qui ont décroché un emploi dans l’année suivant la fin de leurs études l’ont trouvé sur leur lieu de stage.
Convention obligatoire Depuis une loi de 2006, une convention entre le stagiaire, l’école et l’employeur est nécessaire, la durée du stage est limitée à six mois et la rémunération est obligatoire pour les stages de deux mois et plus, fixée à 436,05 euros par mois.
L’Assemblée nationale doit examiner, mercredi 19 février, une proposition de loi présentée par la députée socialiste Chaynesse Khirouni (Meurthe-et-Moselle), visant à mieux encadrer la pratique des stages en entreprise, des collégiens aux étudiants. La tâche du législateur est délicate : il doit contenir les dérives, encore fréquentes malgré la réglementation touffue, sans décourager une pratique qui place les jeunes en situation professionnelle. Une étape utile puisque, selon l’enquête annuelle de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC), 20 % des diplômés ont trouvé leur emploi à la suite d’un stage.
Signe de la difficulté à trouver cet équilibre, c’est la cinquième loi sur ce thème en huit ans, après celle de 2006 sur l’égalité des chances, les deux lois dites « Cherpion » (du nom du député UMP) de 2009 et de 2011, sans oublier la loi Fioraso de juillet 2013 et d’innombrables décrets, des chartes et un accord interprofessionnel de 2011, étendu en octobre 2012. Le texte soumis aux députés ne comporte que six articles, mais une centaine d’amendements ont été déposés, et les débats risquent de se prolonger tard dans la nuit.
Un des apports majeurs de la proposition de loi soutenue par Michel Sapin, ministre du travail, et par Geneviève Fioraso, chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche, est de fixer un nombre limité de stagiaires, en pourcentage de l’effectif de l’entreprise. Par exemple, pas plus de 10 % de stagiaires pour les sociétés comptant plus de cinquante salariés. Les chiffres exacts seront précisés par décret.
UNE LISTE DES STAGIAIRES DANS LE REGISTRE DU PERSONNEL
« Nous devons, trop souvent expliquer aux employeurs que les stagiaires ne sont pas une main-d’oeuvre bon marché à utiliser pour remplacer un absent », explique Amaury Montmoreau, créateur de AJ Stages, plate-forme de mise en contact des candidats et des offres.
Le tuteur du stage désigné par l’entreprise ne pourra, en outre, encadrer en même temps qu’un nombre limité de jeunes, à définir lui aussi par décret. La liste des stagiaires présents dans l’entreprise devra donc être consignée et tenue à jour dans les registres du personnel. Une mesure qui inquiète le Medef : « Cette nouvelle loi ajoute une couche de complexité aux nombreux textes existants », juge un porte-parole du syndicat patronal. « Ces nouvelles contraintes font peser de lourdes charges de gestion, des menaces de contrôle, avec amendes à la clé, alors que nous croyions être dans un climat de confiance ! C’est en contradiction avec le pacte de responsabilité et le choc de simplification, Cela va clairement freiner l’accueil des stagiaires », craint-il.
Cette menace, le gouvernement ne la redoute guère, faisant valoir que les précédentes réglementations n’ont pas, loin de là, découragé le développement des stages. Mme Fioraso souhaite même en généraliser la pratique aux cursus universitaires pour tous les étudiants, dès la licence. La proposition de loi réaffirme l’obligation, pour les établissements d’enseignement, d’aider leurs élèves à décrocher des stages et même d’assurer l’égalité d’accès à ceux qui n’ont pas de réseau personnel, une intention louable qui n’est toutefois pas assortie d’obligations.
PAS PLUS DE 48 HEURES HEBDOMADAIRES
Diverses mesures protectrices des jeunes sont prévues, comme l’encadrement des horaires qui ne doivent pas outrepasser quarante-huit heures hebdomadaires. Si ces amendements sont votés, les stages de deux mois et plus donneront droit à des congés, à raison de 2,5 jours par mois comme pour un salarié, à l’accès au restaurant d’entreprise et au remboursement de la moitié des frais de transport. Les gratifications accordées seront, elles, intégralement défiscalisées.
« Il manque un point essentiel : le droit à une gratification. Son montant, reste désespérément à 436,05 euros mensuels, seulement si le stage est d’au moins deux mois, souligne un porte-parole du collectif Génération précaire, nous aurions aimé un barème aligné sur celui des apprentis, progressif suivant l’âge et la qualification. »