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L’enseignement supérieur français est-il au bord de l’explosion ? - Olivier Monod, L’Express, 16 mai 2014
samedi 17 mai 2014, par
Comment se portent les acteurs de la recherche française ? EducPros et Chercheurs d’Actu ont lancé un baromètre sur le sujet, dont le sociologue François Sarfati analyse ainsi les résultats : tous les ingrédients d’un mouvement social sont aujourd’hui présents.
Le baromètre 2014 du moral des professionnels de l’ESR |
"Il ressort de l’enquête que les enseignants-chercheurs travaillent beaucoup, se sentent peu reconnus et mal rémunérés. Reste à savoir si ce mélange va mener à de la résignation ou à de la révolte", s’interroge François Sarfati, chercheur au Centre d’études de l’emploi.
Sacrifice et passion
Du baromètre sur le moral des professionnels de l’enseignement supérieur et de la recherche, François Sarfati ressort principalement le mal-être des enseignants-chercheurs : "On observe un clivage très net. D’un côté, il apparaît clairement dans les réponses un engagement symbolique et temporel intense. Nombreux sont ceux qui déclarent travailler plus de 60 heures par semaine. Mais cet engagement s’accompagne d’un manque de reconnaissance de la part de leur institution pour 64% des répondants, de la société pour 74% d’entre eux, financier pour 72%."
Dès lors, plus de la moitié des enseignants-chercheurs disent ne pas avoir confiance dans la direction de leur établissement et 70% ne sont pas confiants dans leur avenir et dans celui de leur secteur d’activité. "Très nombreux sont ceux qui ont répondu longuement aux questions ouvertes. Et les verbatim dénoncent de grandes difficultés dans leur travail et leur défiance envers des réformes à l’oeuvre depuis une dizaine d’années", estime François Sarfati.
Chercheurs vs enseignants-chercheurs
Ces résultats sont différents pour les chercheurs et pour les enseignants-chercheurs. "Les enseignants-chercheurs travaillent dans des conditions plus difficiles que les chercheurs, explique François Sarfati. Les politiques de réforme de l’ESR ont mis la pression sur la recherche et les publications, mais aussi sur la pédagogie et l’insertion professionnelle des étudiants. Les chercheurs, qui n’ont pas d’obligation statutaire d’enseignement, sont moins soumis à ces injonctions contradictoires."
Cette pression s’applique dans un contexte de manque de moyens qui augmente le travail administratif. Le manque de personnel de soutien est aussi souvent dénoncé. Les chercheurs ont la sensation d’être débordés. "Les enseignants-chercheurs ont officiellement six heures par semaine decontraintes, mais, de fait, ils effectuent beaucoup de travail le soir et le week-end et durant leurs congés", précise le sociologue.
Une sélection drastique
Malgré ces conditions difficiles, les candidats sont nombreux. "Ils sont très mobilisés pour obtenir un poste de titulaire dans le secteur, explique François Sarfati. Pour devenir maître de conférences, il faut quasiment présenter un dossier de 10 ans d’ancienneté. Pourtant, le système de gestion des carrières est aberrant et fait accepter des choses improbables. Je voyais encore récemment l’exemple d’un couple de jeunes maîtres de conférences. L’un est à Amiens et l’autre vient d’être recruté à Nice, leurs frais ne sont pas pris en charge, pas de possibilité de rapprochement, comme c’est le cas dans d’autres administrations."
Un mouvement de ras-le-bol est-il envisageable ? "Ce ras-le-bol est très perceptible et le ministère est bien conscient des difficultés rencontrées. Mais il ne prendra au sérieux cette menace que si les syndicats étudiants s’emparent du sujet, prédit François Sarfati. Les conditions de travail des uns ont des effets sur le service rendu aux autres. Encore faut-il que les organisations s’en rendent compte..."
A lire sur le site de L’Express.