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Un 18 juin de mobilisation universitaire - Sylvestre Huet, blog SCIENCES², 16 juin 2014
vendredi 20 juin 2014, par
La contestation de la politique universitaire du gouvernement suit un double front. Celui de l’emploi, avec l’appel à l’action lancé par le Comité national de la recherche scientifique contre la précarité et pour l’embauche de milliers de chercheurs, universitaires, ingénieurs et techniciens (lire également cet article paru dans Libération vendredi). Et celui des réformes de structures.
A lire sur le site de Libération.
Le gouvernement de François Hollande poursuit en effet la piste des regroupements territoriaux engagée sous Sarkozy… et envisagés sous forme de PRES en 2004. Au-delà des logiques découlant de l’histoire des Universités —un phénomène majeur en Ile de France— ces regroupements et mutualisations posent de nombreuses questions évidentes : quelle offre d’enseignement supérieur, quelles articulations avec les organismes de recherche mais aussi les écoles d’ingénieurs et de commerce, quel effort de recherche ? Mais elles posent aussi des questions souvent cachées : quelle répartition du pouvoir et des moyens dans ces regroupements, quel rôle pour la communauté universitaire dans la gestion des établissements, quelles places pour les différents acteurs - universitaires (maîtres de conférences et professeurs mais aussi PRAG, ATER, vacataires et précaires dont les effectifs ont explosé) ?
L’entremêlement de ces questions est accentué par les effets du sous-financement de l’enseignement supérieur qui persiste malgré les promesses.
L’affaire des COMUE
Dans ce contexte, la situation se tend sur l’un des aspects, celui du mode de regroupement. Le discours officiel du gouvernement —lire ici le texte d’une intervention de Geneviève Fioraso, est de prétendre à une « liberté de choix » des universités. De leur côté, les opposants aux opérations en cours parlent de « marche forcée ». Le fait est que, précise la secrétaire d’Etat, « 20 des 25 » opérations de regroupements se font sur le mode des COMUE, ces communautés d’universités accusées par les opposants de constituer des mammouths ingérables dont le véritable but serait l’affaiblissement de la démocratie universitaire. Le principal lieu de conflit se situe en Ile-de-France reconnaît la secrétaire d’Etat : « Mais partout, malgré quelques résistances locales, souvent parisiennes, on observe le même souci de respecter l’esprit de la loi. ». Avec la proposition alternative d’une « association » de l’ensemble des universités, proposition vivement combattue par Geneviève Fioraso : « En revanche, dans le débat public récent, à Paris surtout, certains ont soulevé, au nom de l’autonomie, la perspective d’une association qui n’identifierait clairement ni projet partagé, ni gouvernance spécifique. Là, ce serait rompre avec l’esprit et la lettre de la loi. »
Comme en 2009, la communauté universitaire est en réalité divisée. Et les opposants n’ont pas réussi à renverser les rapports de forces lors des élections universitaires, malgré quelques succès. Des élections parfois marquées par la prise de pouvoir d’une fraction mieux organisée, en particulier les UFR médicales, facteur de discordes. Toutefois, les votes en cours dans les établissements concernés par ces opérations révéleront les vrais rapports de force.
Voici le texte d’un appel à mobilisation pour le 18 juin :
Journée de mobilisation le 18 juin.
Contre le passage forcé aux COMUE - Avant qu’il ne soit trop tard
L’obligation faite à marche forcée aux universités et aux écoles de se regrouper arrive à échéance en juillet. Mais c’est dans les tout prochains jours que les CA des établissements d’enseignement supérieur doivent voter pour se prononcer pour ou contre les COMUE.
La loi qu’il s’agit de mettre en application a été modifiée de manière subreptice lors de la séance du 14 janvier dernier dans le cadre du débat sur la loi agricole, permettant le suffrage indirect des représentants. Aucune consultation des personnels, encore moins de démocratie dans ces futurs mastodontes pour lesquels nos responsables nous promettent la lune, après avoir tenu le même discours sur les PRES.
C’est maintenant qu’il faut se mobiliser pour soutenir nos élus dans les conseils. Après, il sera trop tard. Clamons haut et fort que nous refusons que l’enseignement supérieur et la recherche soient traités de manière aussi désinvolte. Exigeons un moratoire sur ces regroupements, le temps qu’on nous donne les premiers bilans des réformes déjà engagées. Exigeons que soit retiré le cavalier législatif inscrit dans le texte de la loi agricole en examen à l’Assemblée Nationale, et visant, entre vaches et cochons, à détruire un peu plus la démocratie et la collégialité universitaires.
Nous appelons les enseignants-chercheurs, chercheurs, BIATSS, enseignants, étudiants, tous ceux qui font et qui sont l’Enseignement supérieur et la Recherche, à faire de la journée du 18 juin une première étape décisive dans un mouvement de réappropriation de nos libertés académiques, de nos établissements, de notre avenir.
Retrouvons-nous le 18 juin à 14h00 à Paris (métro Sèvres Babylone)
Groupe du 4 avril
Sauvons l’Université !
RESAU
En regard, voici un extrait du discours de Geneviève Fioraso le 28 mai au colloque de l’AMUE :
[…] « Comme vous le savez, la loi est claire et prévoit trois modalités de regroupements : la fusion, la mise en place d’une COMUE, ou l’association autour d’un établissement.
Je tiens à le souligner : aucun de ces choix ne doit être imposé. Il n’y a pas, parmi ces trois choix possibles, l’un d’entre eux qui serait je ne sais quel modèle idéal que nous voudrions répliquer partout. Ce serait contraire à la fois à la dynamique que nous voulons encourager, et à l’adaptation aux solutions locales que nous souhaitons favoriser.
Ce serait aussi et surtout contraire à la culture universitaire : la loi ne produira d’effet que si elle est appropriée et incarnée par les acteurs de terrain, donc décidée au plus près des territoires.
Que ce soit clair : je n’ai jamais considéré que la fusion doive être la référence d’un idéal à atteindre.
Je respecte profondément et j’apprécie le travail remarquable accompli dans les quelques sites qui y ont procédé mais je sais qu’il s’agissait d’un choix délibéré, longuement mûri par les acteurs locaux et nourri d’une histoire particulière dans les établissements concernés. Bref, le choix de la fusion était l’expression d’une singularité locale irréductible et pas forcément transposable partout.
Ainsi Aix-Marseille Université n’aurait peut-être jamais vu le jour s’il n’y avait pas eu au départ une volonté explicite de ses composantes de se rassembler. L’université de Strasbourg n’aurait également peut-être jamais vu le jour si la ville n’avait pas connu la particularité et l’expérience très riche du Pôle Européen de recherche et d’enseignement supérieur.
L’important pour moi, ce n’est pas le mode de regroupement choisi, mais la dynamique de coopération et de coordination territoriale engagée dans les différents domaines de compétences choisis, ainsi que leur cohérence et avant tout la force du projet partagé.
Le deuxième mode, celui de la COMUE, doit être lui-même rappelé comme un mode fédéral à géométrie très variable dont le rôle est uniquement fonction des compétences que ses membres lui confient librement.
Je peux comprendre qu’au démarrage surtout, et en fonction des situations locales, cette dévolution des compétences soit relativement modeste ou au contraire très large.
L’essentiel est que le projet soit clair et réellement partagé. J’ai suffisamment d’expérience pour savoir qu’une coopération bien conduite peut s’étendre rapidement, dès lors que les acteurs concernés en ressentent les bénéfices.
C’est pourquoi la question de la gouvernance choisie pour conduire ce regroupement est essentielle. La crédibilité du regroupement sous forme de COMUE et son efficacité en dépendent.
Je veux saluer à cet égard le remarquable travail conduit ici, en Bretagne avec la région voisine Pays-de-la-Loire, pour imaginer une COMUE qui dépasse les frontières régionales et qui atteigne une échelle scientifique plus significative.
Je sais à quel point la tâche a soulevé de nombreuses questions et difficultés à résoudre. J’ai intégré à Brest la notion de périphéricité. Mais je constate aussi que vous avez su aborder ces problèmes avec rigueur et sérénité et trouver des réponses pour être prêts sur l’essentiel aux échéances fixées.
Je pourrais m’exprimer dans des termes très voisins pour l’entreprise audacieuse de nos régions et académies voisines Poitou-Charentes, Limousin et Centre, ou encore Bourgogne et Franche-Comté.
Pour les 25 regroupements prévus à ce jour, les COMUE en représentent la plus grande part, près de 20. Mais ce qui me frappe, et je m’en réjouis, c’est leur diversité.
Et je tiens à souligner que cette diversité est au cœur de la loi. C’est l’esprit même de la loi. Il s’agit de diversité dans la taille (de 23 membres par exemple à Saclay, à 76 dans d’autres), de diversité dans les compétences dévolues, de diversité dans les profils scientifiques, ainsi que dans la taille des territoires regroupés.
Mais partout, malgré quelques résistances locales, souvent parisiennes, on observe le même souci de respecter l’esprit de la loi.
J’en viens enfin à l’association. À ce jour, cinq voire six conventions d’association au sens de l’article 62 de la loi sont prévues.
Je les considère non pas comme porteuses d’ambitions moindres, mais comme témoignant le plus souvent de situations singulières liées notamment à la fusion préalable d’établissements. Ainsi en Lorraine, comme en Alsace ou à Aix-Marseille. Ailleurs, au contraire, elles préfigurent des regroupements ultérieurs, comme en Auvergne.
Je le répète : dès lors que le projet partagé est clair et qu’il dote le regroupement d’une gouvernance adaptée et efficace, tous les modes sont recevables, y compris lorsqu’ils se combinent entre eux. Je pense en particulier à l’Aquitaine ou à Grenoble.
En revanche, dans le débat public récent, à Paris surtout, certains ont soulevé, au nom de l’autonomie, la perspective d’une association qui n’identifierait clairement ni projet partagé, ni gouvernance spécifique. Là, ce serait rompre avec l’esprit et la lettre de la loi.
L’association, telle qu’elle est définie par le texte de loi et la convention approuvée par décret qui lui est associée, doit en effet se faire autour d’un établissement chargé de la coordination de l’ensemble. Cet établissement est donc garant du portage et de l’avancement du projet partagé. C’est ce que l’on appelle un « chef de file ».
Ce « chef de file » ne représente pas je ne sais quelle hiérarchie nouvelle que l’on inventerait dans un monde de pairs, mais tout simplement un « primus inter pares », garant du projet commun et de son accomplissement. Il en est aussi en quelque sorte son ambassadeur auprès des différents partenaires de l’association, dont l’État avec lequel un contrat sera établi.
Vous l’avez compris. Il ne peut y avoir de bon regroupement que si nos établissements s’y engagent délibérément, après s’être librement entendus entre eux sur le contenu du projet partagé.
C’est à ce titre seulement que le regroupement sera efficace, porteur de valeur ajoutée pour nos étudiants, pour la recherche, pour le développement de nos territoires, pour le rayonnement de notre pays et la visibilité internationale de notre système d’enseignement supérieur et de recherche.
À propos de l’offre de formation, des écoles doctorales, des mutualisations de services ou de recherche, je souhaite respecter vos choix dès lors qu’ils correspondent à une véritable avancée dans vos modes de coordination et de coopération, et surtout dès lors qu’ils amélioreront l’offre de formation pour les étudiants ainsi que les services d’accompagnement vers la réussite et l’insertion professionnelle.
Les contrats qui régissent vos relations avec mon ministère porteront la marque de ce respect total de votre autonomie. Ainsi le contrat de site signé avec la COMUE ou l’association ne portera que sur les éléments du projet partagé, ceux que vous avez choisis et décidé de mutualiser.
Mais il sera accompagné de volets spécifiques à chacun des établissements pour les autres éléments, ceux qu’ils continuent à assumer en compétences propres.
En tant qu’élue locale, je sais à quel point le signal que vous déclenchez ainsi est bien perçu par tout votre environnement. Non seulement parce que vos activités en seront mieux connues et donc mieux accessibles, mais aussi parce que vous montrez les vertus du travail collectif, coopératif qui se substitue à la compétition frontale, les avantages d’une démarche partagée d’intérêt général.
Vous montrez que l’autonomie n’implique pas le repliement sur soi, mais qu’elle est au contraire la condition d’une ouverture plus grande, dans la démarche scientifique et ses ambitions propres, comme dans les réponses aux défis sociétaux affrontés aux différents niveaux territoriaux. Surtout en ces temps de crise et d’incertitude quant à l’avenir, c’est un point essentiel, capable de restaurer la confiance de beaucoup.
Je le répète : un cap clair, une souplesse absolue dans les modes de regroupements, le respect de l’autonomie des établissements, tout cela est essentiel.
Mais cela ne saurait suffire si le projet porté n’est pas réellement partagé et approprié.
Je crois, partout où des critiques et des craintes se font entendre, que c’est surtout le fruit d’un manque d’information et de concertation dans les établissements.
Nos collègues semblent souvent inquiets parce qu’ils ne voient pas clairement le contenu du projet en cours et qu’ils n’en perçoivent que la trace organisationnelle. Il est important, pour lever ces inquiétudes, que la réflexion ne se déroule pas seulement au niveau des états-majors ou des seuls cadres dirigeants, mais qu’elle pénètre en profondeur, auprès de tous les agents.
La démocratie c’est aussi cela. Cela prend parfois un peu plus de temps au début, mais c’est ensuite beaucoup de temps gagné ! Et surtout, cela permet ensuite de rendre le projet plus efficace car mieux partagé, loin d’une construction technocratique aux conséquences d’autant plus menaçantes qu’elles paraissent obscures.
Mesdames et Messieurs, vous l’avez compris, nous sommes aux portes d’une nouvelle étape décisive de l’histoire de nos universités et plus généralement de notre enseignement supérieur et de notre recherche.
Je veux une nouvelle fois remercier, à travers vous, tous les acteurs, de tous niveaux de responsabilité, qui ont conduit un travail absolument remarquable pour préparer et construire cette nouvelle étape.
Je sais avec quel enthousiasme, malgré les difficultés nombreuses, vous l’avez conduit. Cet enthousiasme, c’est la meilleure réponse à tous les conservatismes, quels que soient les habits dont ils se parent.
La réussite que j’entrevois, c’est celle d’un nouveau paysage universitaire et scientifique français, autour des 25 regroupements qui auront été constitués, dans la clarté d’un projet et dans un débat approfondi sur l’avenir de nos sites. Nous y gagnerons évidemment en visibilité internationale comme en lisibilité et en efficacité internes.
Mais nous y gagnerons aussi en exemplarité. À l’heure de la réforme territoriale et de la réflexion qui s’engage sur le dessin optimal de nos régions, plus généralement de nos collectivités locales, le travail qui s’achève fait figure d’exemple dans la démonstration de ce qui est possible.
Vous démontrez ici les vertus d’une métropole, là, celles du rapprochement des régions, ailleurs, une autre organisation infra-régionale possible. » […]