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Les mémoires d’outre-tombe de Valérie Pécresse aux éditions Fioraso. SNCS-Hebdo 14 n°8 du 16 juillet 2014.
mercredi 16 juillet 2014, par
Alors que le Comité national de la recherche scientifique lançait, le 11 juin dernier, son appel pour l’emploi scientifique, la secrétaire d’État Fioraso se lançait dans une série de déclarations totalement erronées, dans le plus pur style pécressien, sans doute pour excuser par avance le fait que le gouvernement ne répondra pas à l’appel des scientifiques.
Dans la crise actuelle, on aurait pu imaginer que la secrétaire d’État rappelle qu’en une dizaine d’années la droite a plombé la recherche publique, plongé l’enseignement supérieur dans la difficulté extrême et conduit au délitement de notre appareil productif. Que le déficit record de notre commerce extérieur résulte notamment de la faiblesse de l’investissement des entreprises dans leur propre recherche et dans l’innovation, trop contentes de profiter du crédit impôt-recherche (CIR) pour alimenter leurs profits …
La secrétaire d’État aurait dû aussi expliquer notre recul dans les secteurs technologiques où nous fûmes jadis forts. Ainsi, c’est la Corée du Sud qui emporte les appels d’offre internationaux dans le nucléaire civil, la Chine pour le TGV du futur. Comment ne pas voir le lien entre l’héritage de la droite en matière de recherche et de tissu productif et l’impossibilité « d’inverser en un an la courbe du chômage » ? Mais non, tout va très bien madame la marquise …
1 - Sur son blog, Geneviève Fioraso affirme : "L’État, tous ministères confondus, investit chaque année 16,5 milliards d’euros d’argent public dans la recherche. Plus de 50 % financent la recherche fondamentale. Cette part publique représente 36 % de l’investissement global (public et privé) dans la recherche et le développement (contre 33 % en Allemagne et 23 % au Japon). C’est donc un effort important et nous allons continuer à investir pour l’avenir."
Passons sur le fait que ces chiffres montrent que, tel l’éléphant dans le placard, le CIR pèse presque autant sur le budget que le financement public de la recherche fondamentale. Passons aussi sur le fait que si l’Allemagne et le Japon ont un ratio financement public/financement total plus faible que le nôtre, c’est simplement parce qu’ils font beaucoup plus de recherche industrielle que nous. Il serait bien que la secrétaire d’État s’habitue à utiliser des indicateurs qui aient un sens. Les comparaisons internationales basées sur la « recherche fondamentale » n’en ont aucun tant le concept est flou et son champ variable suivant le pays. À titre d’exemple, selon les données de l’OCDE (Tableau 6, OCDE, 2011/2012), la « recherche fondamentale » française représenterait 0,59 % du PIB et celle des Britanniques 0,21 % ... alors qu’ils ont un PIB plus faible et un taux de publication plus fort. Bref, à prendre ces données au sérieux on pourrait en déduire que le scientifique français est quatre fois plus crétin, borné ou fainéant que le scientifique britannique. Stupide ! D’autant plus stupide qu’un autre tableau OCDE indique que France et Grande-Bretagne consacrent la même part du PIB à la recherche universitaire (0,48 %) …
2 - Dans la presse, on peut lire (AEF, etc.) : « Selon les chiffres du ministère, le nombre de chercheurs dans les établissements publics est passé de 58 718 en 2009 à 59 298 en 2013, soit une augmentation de 1 %. Il y a donc bien, affirme [la ministre], un maintien du nombre d’emplois de chercheurs dans les organismes publics. Ce qui, dans la période actuelle, ne serait déjà pas si mal ! ». Fioraso nous fait du pur Pécresse, en ce qu’on ne sait même pas de quoi on parle : des personnels des EPST ? Des chercheurs des EPST ? Ceux des EPST et des EPIC ? Des seuls personnels statutaires ou aussi des CDD ? Cette information n’a aucun sens, si ce n’est qu’on a enfin trouvé un indicateur qui ne baissait pas. Contrairement à ces chiffres pipés, la réalité est que le CNRS, par exemple, a perdu 800 emplois de toutes natures en une dizaine d’années. Comme dans les autres organismes, beaucoup de postes statutaires ont disparu en raison du non-remplacement des départs autres que ceux en retraite.
3- On lit aussi dans la presse (AEF, Les Échos, La Recherche, etc.) « qu’en matière d’emploi scientifique, la France "se situe plutôt dans la moyenne haute des pays développés", a également relevé Mme Fioraso, avec 250 000 chercheurs publics et privés, soit 8,8 chercheurs pour 1.000 actifs. La France se place derrière les États-Unis et le Japon, mais avant le Royaume-Uni et l’Allemagne. ». Miracle des indicateurs trop bien choisis !
Pourtant l’Allemagne fait mieux que la France pour le financement de la recherche universitaire (0,52 % du PIB contre 0,48 %), pour le financement de la recherche des organismes d’État (0,42 % contre 0,32 %). L’Allemagne fait beaucoup mieux que la France pour la recherche dans les entreprises (1,94 % du PIB contre 1,42 %). Elle forme 27 000 docteurs par an et nous 12 000. Et l’Allemagne aurait moins de chercheurs que nous pour 1000 actifs !!!
La réalité est hélas simple et bien connue : la France ne consacre que 2,25 % du PIB à la recherche et reste loin de l’objectif européen des 3 %. Pour ce qu’on appelle « recherche publique » dans les autres pays (universités, organismes, agences i.e hors activités militaires ou industrielles), la France ne consacre que 0,6 % de son PIB et non 1 %. Pour atteindre ces objectifs en 10 ans, c’est d’un tiers qu’il faudrait augmenter l’effort de recherche global (public + privé) du pays et de 5 % par an pendant 10 ans qu’il faudrait accroître le nombre des emplois publics dans l’enseignement supérieur et la recherche - sans même prendre en compte les besoins spécifiques de l’enseignement.
L’objectif des 3 % du PIB en 10 ans est pourtant modeste. A ce terme, une dizaine de pays dépasseront non pas 3 % mais 4 %. L’Allemagne vient d’annoncer avoir franchi ces 3 %. C’est dire que la seule « sanctuarisation » du budget de l’ES-R n’aura pour conséquence que de consacrer notre recul …