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Les universités tentent d’arracher au gouvernement une rallonge budgétaire - Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 29 septembre 2014

mardi 30 septembre 2014, par Hélène

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C’est l’union sacrée entre présidents d’université et syndicats, notamment le Snesup, qui joignent leurs voix pour arracher au gouvernement une rallonge budgétaire pour l’exercice 2015, une gageure en temps d’austérité des finances publiques. La pression se fait forte à la veille de la présentation du budget en conseil des ministres, mercredi 1er octobre.

Dès le 18 septembre, la Conférence des présidents d’universités (CPU) pointait, dans une motion, « un risque financier majeur pour une partie des établissements, qui les met en situation très périlleuse », et réclamait un supplément d’au moins 200 millions d’euros pour 2015, sur un montant global de 12,8 milliards d’euros. « Nous demandons seulement que l’Etat prenne en charge les conséquences de ses propres décisions, sur lesquelles nous n’avons aucune prise », explique Gérard Blanchard, vice-président de la CPU, chargé des moyens.

MASSE SALARIALE

Depuis l’accession à l’autonomie, entre 2009 et 2012, chaque université gère son budget avec ce que l’Etat lui alloue. M. Blanchard égrène la liste de ces nouvelles dépenses contraintes : 60 millions d’euros pour 980 nouveaux postes, 60 autres millions pour couvrir la progression des salaires due aux évolutions de carrière et à l’ancienneté, ce que l’on appelle « le glissement vieillesse-technicité » (GVT) qui fait gonfler ce poste en dépit du gel du point d’indice des rémunérations des fonctionnaires.

Le dynamisme de cette masse salariale est un point crucial dans la mesure où elle absorbe 80 % des budgets des universités : la simple revalorisation des traitements de certains personnels administratifs des catégories B et C – conséquence d’un accord national – la fait enfler de 25 millions d’euros ; la titularisation des personnels en vertu de la loi Sauvadet du 12 mars 2012 ajoute encore 40 millions d’euros.

Les pénalités pour non-respect du seuil de 6 % d’emplois confiés des personnes handicapées va, en 2015, coûter 15 millions d’euros, et trois fois plus en 2016 ; jusqu’à lors les universités échappaient à ces sanctions.

Lors de leur conférence de rentrée, mercredi 24 septembre, Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, et Geneviève Fioraso, secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, ont défendu leur budget, qui a grimpé de 600 millions d’euros entre 2012 et 2014, « ce qui est déjà beaucoup  », a fait remarquer la ministre.

RÉSERVES RÉDUITES À ZÉRO

Mais « à l’heure où l’on boucle les lettres de cadrage pour la loi de finances 2015, c’est de bonne guerre de réclamer plus », tempère Geneviève Fioraso, qui promet un effort, avec une enveloppe d’augmentation de l’ordre de 45 millions d’euros pour le ministère.

«  Sur un budget de 12,8 milliards d’euros, cela ne couvre même pas l’inflation  », critiquent Claudine Kahane et Marc Neveu, secrétaires généraux du Snesup. Mais pour Mme Fioraso, «  la situation financière des universités est bien meilleure car nous les avons accompagnées par des audits, parfois des avances de fonds exceptionnelles ». Sur 103 établissements, écoles et universités, 16 étaient en déficit en 2012, mais seulement 8 en 2013.

L’UNIVERSITÉ DE VERSAILLES SAINT-QUENTIN, PAR EXEMPLE, QUI A FRÔLÉ LA CESSATION DE PAIEMENT AVEC UNE PERTE DE 5,2 MILLIONS D’EUROS FIN 2012, A BÉNÉFICIÉ D’AVANCES, EN PRINCIPE REMBOURSABLES, DE 800 000 EUROS EN 2013 ET 2,6 MILLIONS EN 2014. « NOUS SOMMES SUR UNE EXCELLENTE TRAJECTOIRE, AVEC LA PERSPECTIVE D’UN LÉGER EXCÉDENT FIN 2014 QUI VA NOUS PERMETTRE DE RÉALIMENTER NOTRE FONDS DE ROULEMENT », SE FÉLICITE SON PRÉSIDENT, JEAN-LUC VAYSSIÈRE. MAIS CE RÉSULTAT EST ACQUIS AU PRIX D’IMPORTANTS EFFORTS, PUISQU’IL A FALLU FERMER LA PREMIÈRE ANNÉE DE LICENCE EN SCIENCES ET TECHNIQUES DES ACTIVITÉS PHYSIQUES ET SPORTIVES (STAPS), RENONCER À RECRUTER 63 PERSONNES, RESSERRER LES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT…

Après trois années de pertes, l’université Paris-I devrait quant à elle parvenir à l’équilibre fin 2014, « mais c’est une vision comptable car, en réalité, nous sommes en déficit structurel  », déplore son vice-président, Bernard Tallet. « Notre fonds de roulement est réduit a néant, nous n’avons aucune capacité d’investissement, ne serait-ce que pour réparer nos bâtiments qui fuient », l’embauche de 23 enseignants a été différée… « Résultat, 40 % des 33 000 heures de cours sont assurées par des vacataires, ce qui n’est pas normal », explique M. Tallet.

« SALE BOULOT »

L’université Toulouse-III Paul-Sabatier, va, en 2014, devoir prélever 3,7 millions d’euros sur sa trésorerie, et peut-être le triple en 2015. «  Ce n’est pas de la mauvaise gestion : cela correspond au glissement vieillesse-technicité, et je n’ai pas un sou de plus pour des effectifs d’étudiants qui, pourtant, augmentent de 7 %. L’Etat doit assumer ses responsabilités », insiste Bertrand Monthubert, son président.

« Au moment où nous voyons affluer des étudiants dans certaines filières, notamment en sciences, nous ne pouvons les accueillir décemment : c’est rageant », expliquent Mme Kahane et M. Neveu, du Snesup. Ce syndicat a recensé les groupes de travaux dirigés surchargés, les heures de cours, voire les cursus entiers supprimés et le gel des recrutements. « Nous retrouvons la logique de la loi sur l’autonomie : faire faire le sale boulot aux présidents d’université ! », estiment-ils.

L’avenir est d’autant plus inquiétant que les autres sources de financement se tarissent : la taxe d’apprentissage s’annonce en forte baisse dès 2015, comme les crédits des contrats de « Plan Etat Régions » pour la période 2014-2020. Les sept universités de Bretagne et des Pays de la Loire s’alarment, dans une lettre adressée le 24 septembre au premier ministre Manuel Valls, d’une chute annoncée des crédits de 70 % à 75 % par rapport à ceux du contrat de plan 2007-2013.