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Le CIR, arme efficace contre la fuite des cerveaux - Aymeric Avisou et Florent Riou, Les Echos, 17 novembre 2014
lundi 17 novembre 2014, par
L’ "excellence académique française" enfin "mondialement reconnue" ... quand il s’agit de défendre l’intérêt du crédit impôt recherche (CIR ; un quart du budget de l’état consacré à l’enseignement supérieur et à la recherche ...)
D’après les chiffres du ministère de l’Education nationale, le Crédit impôt recherche, qui s’est stabilisé depuis 2010, a facilité l’embauche de jeunes docteurs.
Le ministère de l’Éducation nationale de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR) a récemment rendu son rapport d’analyse annuel sur le développement et les impacts du Crédit d’impôt recherche (CIR) 2012.
Les chiffres mis en avant par l’administration mettent en lumière un début de stabilisation de la créance de CIR depuis 2010 et une baisse légère du nombre de déclarants. En effet, même si les données restent provisoires en raison des déclarations rectificatives et rétroactives, la tendance semble bien présente : 5,33 milliards d’euros de CIR pour 15 280 bénéficiaires.
Trois enseignements à contre-courant des idées reçues
Une analyse précise des données du CIR par le MENESR permet une fois de plus de couper court à de nombreuses idées reçues qui mènent la vie dure à ce dispositif largement plébiscité par les entreprises :
• L’industrie financière et bancaire est loin de bénéficier largement et massivement du dispositif. Sa part est limitée à 1,7 % du dispositif ;
• Il apparait que la fameuse part à 5 % pour les dépenses allant au-delà des 100 M€ ne contribue pas à l’explosion du coût du dispositif puisqu’elle pèse moins de 0,2 % du coût du dispositif à 87 M€ ;
• Loin d’être déséquilibré, le dispositif profite autant aux PME, aux ETI qu’aux grands groupes avec une répartition relativement équitable de la créance de CIR de l’ordre de 1/3 pour chaque catégorie.
Il est patent que, rapportée au nombre de grands groupes déclarants, la créance de CIR individuelle de ces entités est sans commune mesure avec celle des PME et ETI. Cette situation à priori déséquilibrée conduit à de nombreuses critiques sur une mauvaise orientation de la dépense publique. Cependant, la question fondamentale est de connaître la réelle part d’incitation du CIR dans les décisions structurelles d’investissement en R&D de ces géants économiques.
Elle est forcément présente comme un élément de décision, sans pour autant être prédominante. En effet, les sociétés internationales telles Renault, Total… doivent, quel qu’en soit le prix, mener des activités de R&D importantes pour assurer leur avenir face à une concurrence toujours plus rude.
Se pose en outre la question de leur localisation : leurs autres pays d’implantation offrant des conditions sociales (éducation, infrastructures) législatives (droit du travail) et fiscales (impôts et crédits d’impôt) différentes et contribuant toutes à la décision d’investissement. En ce sens, si le CIR n’est pas moteur de la décision, il reste malgré tout un élément important de décision pouvant faire pencher la balance en faveur d’un investissement en France.
Le secteur des services très dynamique
La répartition de la créance de CIR accordée aux différents secteurs d’activité est représentative de la structure du tissu économique français. Les industries du service sont largement présentes avec notamment 12 % de la créance de CIR déclarée par le secteur du conseil et de l’assistance informatique. Cette représentation est significative surtout en regard de la part d’autres secteurs présentés comme les fleurons du modèle industriel français : l’automobile (6,5 %) Construction Navale Aéronautique et ferroviaire (6,3 %).
Cette répartition met en lumière le dynamisme de la recherche et du développement en France dans les domaines du service. En ce sens, il est injuste de limiter leur accès au dispositif du CIR par l’imposition de contraintes fiscales trop restrictives telles que celles apportées par les dernières modifications doctrinales sur le recours au CIR des sous-traitants agréés.
Les partenariats publics privés favorisés par le CIR
À la lumière des données chiffrées du MENESR sur la conséquence des mesures relatives aux déclarations de CIR en faveur des partenariats public/privé, le bilan apparait très positif :
La proportion d’entreprises déclarant un CIR et qui sous-traite une partie de leur recherche à des organismes publics a bondi de 159 % entre 2007 et 2012. Les organismes publics sont donc de plus en plus sollicités par les entreprises. De cette collaboration accrue, on peut espérer un double avantage :
• Les entreprises françaises peuvent bénéficier de l’excellence académique française, mondialement reconnue ;
• De leur côté, les organismes publics et universités tendent à investir, en plus de leurs activités historiques, le champ des entreprises commerciales, avec leurs contraintes spécifiques, et donc à mieux comprendre ces contraintes pour orienter le partenariat en conséquence et créer ainsi un cercle vertueux.
Le CIR bénéfique pour l’emploi scientifique
Les chercheurs du collectif "Science en Marche" proposaient le 17 octobre dernier à Geneviève Fioraso un "plan d’urgence" de 20 milliards sur dix ans à destination des universités et ses organismes de recherche pour endiguer ce que le collectif considère être "la situation catastrophique de l’emploi scientifique et de la recherche en France". Si la secrétaire d’État à la Recherche a de son côté estimé que ce budget n’était "pas réaliste", elle a admis que le chômage des docteurs est deux fois supérieur à celui des ingénieurs.
Or, le renforcement du partenariat entre le monde de la recherche académique et les entreprises privées permis par les évolutions successives du CIR a également comme conséquence l’augmentation de l’embauche, par les entreprises, de jeunes docteurs. Deux mesures particulièrement incitatives ont été mises en place :
• Les factures émises par des organismes de recherches publics et des universités sont prises en compte dans l’assiette du CIR pour le double de leur montant ;
• Les salaires et charges patronales des Jeunes Docteurs sont pris en compte pour le double de leurs montants (à condition que l’entreprise emploie ce personnel en CDI). À cela s’ajoutent des frais de fonctionnement égaux à 200 % des salaires et charges des Jeunes Docteurs.
Les embauches de jeunes docteurs n’ont rien moins que triplé entre 2007 et 2012 grâce à ces nouvelles mesures. Le rapport du MENESR souligne que ces embauches sont surtout le fait des petites entreprises, précision porteuse d’espoir : d’une part, l’augmentation des embauches de Jeunes Docteurs favorise les partenariats publics-privés et jugule, autant que possible, la fuite des cerveaux.
D’autre part, cet accroissement de personnel à haut niveau scientifique est symptomatique, espérons-le, d’une tendance des PME à prendre le risque d’investir massivement dans des activités de recherche fondamentale et appliquée, préparant ainsi la croissance de demain sur un socle technologique différenciant.
Bien que le CIR prouve son efficacité dans le rapprochement entre le monde académique et les entreprises, il est fondamental de poursuivre les efforts entrepris, par des mesures complémentaires. Au lieu de déchainer les débats autour de son efficacité, le CIR doit être considéré comme un moyen de faire converger ces deux mondes qui restent souvent trop éloignés malgré leur complémentarité essentielle.