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Les Idex, instruments d’un dirigisme borné- Henri Audier et Christophe Blondel, SNCS Hebdo 15 n°7 du 31 mars 2015
jeudi 2 avril 2015, par
Dans un rapport tout récent, les députés Patrick Hetzel (UMP) et Alain Claeys (PS) distillent les effets bénéfiques des programmes d’investissements d’avenir (PIA) pour l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), qualifiés "d’instruments de structuration des sites" et de "leviers pour l’excellence de la recherche" aux "effets dynamisants".
Ces louanges ne sont qu’à moitié surprenantes quand on sait que P. Hetzel a été le collaborateur zélé de Valérie Pécresse, qui a mis en place ces PIA.
On pourra, si l’on veut, trouver dans ce rapport quelques timides idées positives. Mais sa béatitude vis-à-vis de tous les « -EX » inventés depuis 5 ans n’est qu’une mascarade, au regard de leur impopularité. Ce rapport consacre un cadre d’avenir que nous avons toujours dénoncé : un MESR réduit au rôle d’exécutant docile des décisions du Commissariat aux PIA. La transformation est déjà entamée : on crée des doublons aux structures scientifiques de l’ESR, on substitue des jurys nommés aux instances scientifiques des établissements, on contraint les équipes à quêter, pour survivre, aux lotos de l’ANR et des PIA, on laisse croître la précarité et, pour bien verrouiller le système, on arrime les organismes à des COMUE-IDEX faites pour imposer une politique « de site » aux UMR.
Restera-t-il encore une place pour des idées nouvelles ? S’il en apparaît encore, leur prise en compte sera subordonnée au bon vouloir d’aréopages à qui la remise en question de leurs plans préétablis paraîtra insupportable … Voilà le programme.
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On peut bien nous jurer qu’on choisira pour les nouvelles « gouvernances » de ces usines à gaz des gens « excellents », peu importe. Ce sont bien les structures, non les personnes, qui posent problème. On ne peut faire fonctionner la recherche comme le marché des primeurs ou comme une chaîne de restauration rapide. La liberté nécessaire à la découverte scientifique, le foisonnement sans contrainte des sciences, l’apport sans cesse renouvelé du numérique et des technologies nouvelles, les rencontres imprévues entre les disciplines, l’informalité du passage entre l’idée et son application sont les conditions d’épanouissement des idées novatrices et des inventions. Ce n’est pas en coiffant tout par des bureaucraties tentaculaires et dirigistes qu’on préparera correctement l’avenir. Il n’a pas cessé d’être vrai que « la découverte ne se programme pas ». Que, par opportunisme ou par instinct de survie, une partie de notre milieu se soit plus ou moins adaptée à la situation actuelle ne change rien à l’affaire : tout ce fatras mis en place par Pécresse doit être démantelé pour réintégrer dans les procédures normales les actions financées par les PIA.
Est-ce à dire qu’avant tout allait bien ? Sûrement pas. Nos propositions restent :
- assurer un développement équilibré entre progrès des connaissances et retombées de la recherche ;
- baser la politique de recherche publique sur les organismes, les universités et sur leurs coopérations ;
- faire du laboratoire une entité responsable de coopération scientifique et de solidarité humaine ;
- financer par des crédits réguliers les projets bien évalués de ces laboratoires ;
- appuyer les partenariats organismes-universités sur des établissements forts, responsables et véritablement autonomes. Ces partenariats doivent être équilibrés, équitables et reposer sur le cadre naturel des unités mixtes de recherche.
- Construire des réseaux coopératifs, pour assurer le maillage territorial et la cohérence nationale de l’ESR. Invités des instances territoriales, les organismes nationaux ne sauraient leur être subordonnés ;
- organiser la coopération inter-organismes autour de programmes thématiques ou pluridisciplinaires ;
- recourir à une instance mixte entre la représentation nationale (OPECST) et les chercheurs pour décider de programmes finalisés et les faire gérer par l’un des organismes impliqués.
- Faire fonctionner les programmes avec du personnel statutaire et non des CDD.
Le rapport se demande quand même, dans un instant de grâce, si « l’importance volumique du PIA n’a pas mis certains domaines dans une impasse ». Mais ce n’est qu’un instant. Le premier éléphant dans la boutique a-t-il un peu piétiné la porcelaine ? Invitons-y donc encore deux éléphants : bienvenue au PIA2 et au PIA3 !
Emprunter n’est pas un problème. Emprunter, pour équilibrer le budget de l’État et renforcer les moyens de l’ESR, alors que les taux sont bas, serait plutôt une bonne idée. La question est celle de l’utilisation de l’emprunt. Pour le prochain PIA, le rapport préconise que vu les "déséquilibres géographiques" de l’actuelle carte des Idex, "une meilleure répartition des Idex passera par une seule solution : un accroissement du nombre d’Idex de façon à ce qu’ils maillent mieux le territoire". Hélas cette proposition, sur laquelle nous aurions pu négocier si elle incluait l’emploi, vient de subir le veto de ce monarque absolu qu’est le commissaire aux IA ...
Alors revenons aux fondamentaux : "Ce n’est pas la peine de mettre des milliards dans les Idex si, en même temps, on réduit les postes dans les établissements", affirme avec raison François Cansell, président des écoles françaises d’ingénieurs. Car l’emploi scientifique est le vrai investissement d’avenir. Et il ne suffit pas de construire des bâtiments neufs (comme ceux qui poussent comme des champignons actuellement sur le plateau de Saclay au bénéfice premier des bétonneurs ...) s’ils ne doivent rester que des coquilles vides. La recherche est faite par des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des ingénieurs, des techniciens, à qui il faut offrir des postes, des carrières décentes et les moyens de travailler. Maintenant.
Avec ou sans emprunt, c’est prioritairement sur ce sujet que nous voulons négocier.