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Les universités incitées à miser sur la formation continue - Adrien de Tricornot, Le Monde, 7 novembre 2015
L’ESR ? Un marché comme un autre ...
samedi 7 novembre 2015, par
Le gouvernement lance, vendredi, un appel à candidatures pour développer ce gisement de revenus
Le gouvernement devait donner le coup d’envoi, vendredi 6 novembre, de la montée en puissance des universités sur le marché de la formation continue. [rouge]L’objectif : atteindre 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires dans la formation continue d’ici à 2020[/rouge]. Le chemin est prometteur, mais il s’annonce long à parcourir. Et cette activité ne constituera pas avant longtemps une " poule aux œufs d’or " pour les établissements d’enseignement supérieur, alors que le système universitaire, étranglé financièrement, cherche des solutions pour diversifier ses ressources. Aujourd’hui, les universités ne réalisent pas plus de 400 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel dans la formation continue, dont 90 millions pour le seul Conservatoire national des arts et métiers : " Les universités les plus actives en formation continue pèsent environ 10 millions d’euros chacune - Strasbourg, Dauphine, notamment - quand les écoles de commerce les plus performantes sur le sujet enregistrent 20 millions d’euros ", constate François Germinet, président de l’université de Cergy-Pontoise.
M. Germinet remet, vendredi, un rapport de mission sur le développement de la formation continue dans les universités à la ministre de l’éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem, et au secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la recherche, Thierry Mandon. M. Germinet, qui a commencé sa mission en mars 2015, fixe l’objectif de passer à un milliard d’euros de prestations en 2020.
Le marché de la formation continue est estimé à 13 milliards d’euros. Les 600 millions d’euros supplémentaires représentent un chiffre d’affaires et non un bénéfice. Or cette activité n’est souvent qu’apparemment rentable pour les universités, souligne le rapport, puisqu’elles facturent uniquement le prix des heures complémentaires de leurs intervenants (42 euros hors taxes). Le rapport suggère d’augmenter les prix de certaines formations, qui passeraient à 150 euros de l’heure, " voire plus pour de l’expertise très poussée ", sur le marché concurrentiel des formations courtes et numériques pour lequel il existe une forte demande des entreprises.
Ce développement de la formation continue fait partie du " nouveau modèle économique " prôné par M. Mandon pour l’université. La formation continue apportera cependant une contribution modeste.[rouge] Avec le taux de marge de l’ordre de 5 % prêté aux organismes de formation privés, un chiffre d’affaires de 1 milliard en 2020 ferait gagner 50 millions d’euros, à terme, aux universités[/rouge]. Soit le même ordre de grandeur que ce qu’apportent aux universités les fondations d’entreprises – quelques millions d’euros annuels dans le meilleur des cas, au mieux 1 % de leur budget.
7 000 postes créés
Mais la perspective n’en est pas moins intéressante, notamment parce qu’elle permettrait de resserrer les liens avec les entreprises – pour l’insertion professionnelle des diplômés ou les contrats de recherche. Et surtout pour les emplois : environ 7 000 postes pourraient ainsi être créés au sein des universités grâce aux ressources propres dégagées, selon le rapport. Dans le détail : 3 000 enseignants-chercheurs, 1 500 enseignants agrégés et 2 400 personnels techniques, administratifs et de bibliothèques.
Le président de Cergy-Pontoise compte notamment sur l’appui de l’Etat. Alors que les facs assurent la quasi-totalité de la formation initiale des étudiants en médecine et en droit, elles sont aujourd’hui complètement exclues des dispositifs de formation continue dans ces domaines. Il recommande une démarche active de recensement des cursus universitaires, notamment professionnels, pour constituer une base de données numériques et promouvoir ces formations auprès des multiples registres et référentiels de formation, ainsi que des organismes acheteurs. M. Germinet suggère que ces activités soient portées et promues par des filiales privées des universités : des sociétés d’accélération de la formation continue – sur le modèle des actuelles SATT pour le transfert de technologies – qui emploieraient des professionnels spécialisés. Des guichets publics comme le Programme d’investissement d’avenir (PIA) ou des bailleurs tels que la Caisse des dépôts et consignations pourraient soutenir leur démarrage.
Le rapport propose de procéder par étape et suggère une expérimentation dans 10 à 15 établissements labellisés " pépite formation continue ". Mme Vallaud-Belkacem et M. Mandon devaient d’ailleurs annoncer vendredi un " appel à manifestation d’intérêt " auprès des établissements d’enseignement supérieur publics. Une expérience pilote démarrerait au 1er janvier 2016, dans le but de la généraliser un an plus tard. Les expérimentateurs recevraient une partie des 1 000 créations de postes dans le supérieur prévues l’an prochain.