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Des forces de l’ordre pas si maltraitées ! Sylvain Mouillard, Libération, 17 mai 2016.
mardi 17 mai 2016, par
Effectifs et salaires en hausse, nouveau matériel… Dans un contexte de rigueur, l’exécutif a quand même débloqué des centaines de millions d’euros après les attentats de Paris.
Ils ne manifesteront pas tous ensemble ce mercredi sur la place de la République contre la « haine anti-flics » mais, au fond, ils sont d’accord. « Le gouvernement a fourni des efforts pour la police depuis 2012, c’est incontestable », reconnaît Christophe Rouget, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI, majoritaire chez les officiers). Même constat de la part de Nicolas Comte, porte-parole d’Unité SGP-FO, deuxième organisation chez les gardiens de la paix : « Le quinquennat Hollande a été marqué par un rattrapage important après le sabrage des crédits de fonctionnement entre 2008 et 2012. »
Dans un contexte de rigueur budgétaire pour la plupart des ministères, la Place Beauvau n’est pas mal lotie. En dépit de quelques désaccords sur les chiffres, syndicats comme pouvoirs publics évaluent à 9 000 le nombre de postes qui seront créés en cinq ans dans la police et la gendarmerie. De quoi revenir, en 2017, aux effectifs de 2007. La tâche n’a pas été aisée. « Au cours des premières années du quinquennat Hollande, les recrutements ne permettaient guère plus que de boucher le trou naturel des départs », éclaire Luc Poignant (Unité SGP-FO). La bascule s’est opérée l’an passé, après les attentats de janvier 2015, puis de novembre. Le 16 novembre, devant le Congrès, François Hollande annonce le recrutement de 5 000 policiers et gendarmes en deux ans, un coup d’accélérateur inédit. Bien sûr, en raison du temps de formation nécessaire, ces nouvelles recrues ne seront pas à pied d’œuvre avant deux ans. Mais la machine est lancée. Un concours exceptionnel de gardien de la paix a ainsi été annoncé le 10 mars.
Plan.
D’autres chantiers ont été initiés pour répondre aux revendications récurrentes de la profession, notamment sur l’obsolescence du matériel (armes à feu, gilets pare-balles, véhicules), mais aussi sur la fatigue de troupes surmobilisées par l’actualité (terrorisme, migrants, COP 21, loi travail et bientôt Euro de football). A grand renfort de communication, Bernard Cazeneuve, le ministre de l’Intérieur, a dévoilé début 2016 un plan destiné aux brigades anticriminalité (BAC) de la police nationale et aux pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG). Objectif : doter ces unités du fusil d’assaut allemand HK G36 et de gilets pare-balles résistant aux impacts de kalachnikovs. D’un montant total de 16 millions d’euros, ce programme est notamment destiné à « figer » - voire neutraliser - d’éventuels commandos terroristes en attendant l’arrivée des unités spécialisées. Mais la mise en place de ce plan n’échappe pas à quelques difficultés pratiques. Nicolas Comte (Unité SGP-FO) souligne par exemple le manque de stands de tir d’entraînement capables de supporter le calibre du HK G36.
D’autres investissements ont également été lancés : 53 millions d’euros seront engagés d’ici à 2017 pour l’achat de matériel, avec notamment près de 1 200 véhicules neufs, plus de 3 000 armes et près de 5 000 gilets pare-balles lourds. « Tout cela a été acté, payé, commandé. On commence à en recevoir les fruits », salue Luc Poignant (Unité SGP-FO). Au total, sur l’ensemble du quinquennat, les crédits de fonctionnement alloués à la police (hors masse salariale), auront augmenté de 16 %.
Fenêtres.
Le dernier dossier, celui de la rémunération des forces de l’ordre, a abouti le 11 avril, à l’issue de longues négociations et de plusieurs manifestations, notamment une en octobre sous les fenêtres du ministère de la Justice. Baptisés « protocoles pour la valorisation des carrières », les documents ont été paraphés par Alliance, la première organisation chez les gardiens de la paix, pourtant à droite. Son secrétaire général, Jean-Claude Delage, salue alors un « accord exceptionnel dans un contexte budgétaire contraint ». Montant de l’enveloppe : 865 millions d’euros pour les policiers et gendarmes entre 2012 et 2020. Seul un syndicat, Unité SGP, refuse d’apposer sa signature. Nicolas Comte, son porte-parole, salue quelques « avancées indiciaires », mais regrette la faible revalorisation de la prime de risque, l’indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) en jargon policier. « Deux points sur quatre ans, ça représente 7 euros par mois en plus sur la fiche de paie. »
Sylvain Mouillard