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À Tolbiac, l’impossible équation du surcroît d’étudiants - Paul de Coustin, Figaro Campus, 19 septembre 2017
dimanche 24 septembre 2017, par
Le centre Pierre-Mendès-France de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne fait face, comme toutes les universités françaises, à l’explosion du nombre d’étudiants qui affluent sur ses bancs.
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Le ciel menaçant ne décourage pas les fumeurs qui s’amassent dans la fosse du centre Pierre-Mendès-France (PMF) de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne. Ce lundi 18 septembre, c’est la rentrée universitaire pour des milliers de bacheliers qui arpentent les 22 étages des tours de « Tolbiac » pour la première fois. Jérémie, Mathieu et Arudhan se retrouvent autour d’une cigarette après leurs cours de la matinée. Amis au lycée, ils sont tous inscrits dans une filière différente cette année et découvrent ensemble les joies de l’université. « On était tellement nombreux en TD (travaux dirigés, NDLR) ce matin que la prof a dû envoyer des étudiants chercher des tables et des chaises supplémentaires », s’amuse Mathieu, étudiant en histoire. Son ami Arudhan, lui, a commencé une licence d’économie, et s’étonne aussi de l’affluence. « Pour le premier cours en amphi, il y avait des étudiants assis par terre ou sur les escaliers », raconte-t-il.
À Paris-I comme ailleurs, il faut composer cette année avec un surplus d’étudiants nés lors du boom démographique de 1999. Ce sont ainsi plus de 30 000 bacheliers supplémentaires qui arrivent dans l’enseignement supérieur, et ils seront plus nombreux encore l’année prochaine. Pour les accueillir, le centre PMF a fait peau neuve. Les amphithéâtres ont été repeints et agrémentés de vidéoprojecteurs, montre fièrement Florian Michel, sémillant directeur du centre et enseignant en histoire. Le 11e étage, dédié au service administratif, a lui aussi été repeint et réaménagé. Mais un simple coup de pinceau ne permet pas de repousser les murs.
40 TD supplémentaires pour la rentrée
Au service du planning, on s’active depuis juillet à gérer au mieux l’afflux d’inscriptions. Leur défi est de créer les cours supplémentaires nécessaires pour répartir les étudiants, tout en jonglant avec le nombre de salles et de professeurs disponibles. Rien que pour les étudiants de première année de licence, « une quarantaine de cours supplémentaires a dû être créée », « dont 28 pour le seul département d’économie ». « En termes de locaux disponibles, ça nous oblige à mettre des cours jusqu’à 21 h 30 le soir, voire le samedi matin », souligne le service planning.
« On a des TD pour lesquels on n’a pas encore d’enseignants » Ariane Dupont-Kieffer, directrice de l’école d’économie de la Sorbonne.
Au 22e étage, dans le bureau d’Ariane Dupont-Kieffer, on comprend l’ampleur de la tâche que représente le flux de bacheliers supplémentaires. La directrice de l’école d’économie de la Sorbonne est en pleine réunion de rentrée avec son équipe. L’équation est facile à comprendre, impossible à résoudre. « Nous avons un budget pour accueillir 900 étudiants en première année. Cela comprend les nouveaux arrivants, les redoublants, les bacheliers des lycées français à l’étranger et les étudiants internationaux », résume l’économiste. Mais pour cette rentrée, « le rectorat nous a imposé 825 bacheliers de l’année, donc nous sommes pour l’instant à 1 100 étudiants inscrits, indique-t-elle. Et on estime qu’il y a encore 300 redoublants non inscrits. »
Pour assurer les cours nouvellement créés, il faut trouver des professeurs. « Dès lundi prochain, on a des TD pour lesquels on n’a pas encore d’enseignants », soupire Ariane Dupont-Kieffer. Une autre difficulté qu’elle illustre à nouveau en chiffres. « Sur environ 700 enseignants, on a 90 enseignants-chercheurs et 85 doctorants, compte-t-elle. Tous les autres sont des vacataires. » Une situation « précaire » qui découle d’années de rigueur budgétaire. « Ça fait des années qu’on se serre la ceinture, on arrive à un point de rupture », explique la directrice d’UFR.
La rentrée 2017 ? « Catastrophique »
Autre conséquence de la démographie exceptionnelle des années 2000 : le fiasco estival de la plateforme Admission post bac (APB). Le système n’a pu attribuer à chacun des candidats la formation de son choix, et certaines licences dites « en tension » ont dû pratiquer le tirage au sort pour déterminer les heureux élus. Selon les derniers chiffres, 3 000 jeunes sont encore sur le carreau à ce jour. Dans la fosse de Tolbiac, Jérémie a le regard noir. Si ses amis ont eu la licence de leur choix, lui, qui voulait étudier le cinéma à Paris-I, a assisté ce lundi à son premier cours de licence... de géographie. « Je n’ai eu aucun de mes vœux sur APB pendant la procédure normale, rage-t-il. En procédure complémentaire, tout ce qu’on me proposait c’était cette licence de géo. C’est sympa, je vais apprendre des choses, mais ce n’est pas ce que je veux faire dans la vie ! » Le jeune homme va suivre le premier semestre en espérant une potentielle réorientation en cours de première année.
« Je suis allé voir l’Unef, pour qu’ils m’aident à plaider ma cause », raconte Jérémie. Dans une grande pièce où les armoires et la grande table centrale sont couvertes d’affiches et de tracts, vestige de luttes passées, les militants actuels du syndicat étudiant de gauche reçoivent depuis plusieurs jours des étudiants paniqués. Cantien, étudiant en master 1 d’économie, dévoile une pile impressionnante de dossiers « de jeunes sans inscription, ou encore sur liste d’attente sur APB ». Lui et ses camarades militants les aident comme ils peuvent à effectuer leurs démarches administratives. La rentrée 2017 ? « Catastrophique, prophétise-t-il. C’est au-delà de tout ce qu’on a pu voir ces dernières années. » Au total, 12.000 étudiants devraient s’inscrire à Tolbiac cette année