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Le classement de Shanghai des universités : une pernicieuse addiction médiatique - Jean Pérès, ACRIMED, 6 novembre 2017
mardi 21 novembre 2017, par
En l’an de grâce 2003 fut inauguré par l’honorable Nian Cai Liu et son équipe de l’université de Jiao Tong le désormais célébrissime « Classement de Shanghai des universités du monde ». Chaque année depuis lors, au cœur de l’été, autour du 15 août, les médias, toutes catégories confondues, célèbrent le palmarès chinois, singulier « marronnier » parmi les incendies de forêts et autres festivals. Pourtant, selon quelques avis compétents, ce classement ne vaudrait pas grand-chose, voire rien. Mais il en faut davantage pour décourager la gent médiatique et quelques acteurs associés, qui ont d’autres intérêts en jeu.
Shanghai est partout
S’il y avait un classement des classements, celui de Shanghai serait fort bien placé pour ce qui est de la notoriété médiatique. À peine est-il publié par les bons soins de l’université Jiao Tong qu’il est repris partout, par exemple en France. Ainsi, pour le seul 15 août 2017, jour de sa publication, nous trouvons entre autres :
Le Parisien : « Comme en 2016, seules trois universités françaises sont dans le Top 100 du très regardé classement mondial de Shanghai. »
Le Monde : « Les universités américaines dominent une nouvelle fois le classement de Shanghai. Seize établissements états-uniens sont dans le top 20 de ce palmarès mondial. L’université Pierre-et-Marie-Curie (40e) reste la meilleure française. »
Les Échos : « La France continue de reculer dans le classement de Shanghai. Septième en 2016, l’Hexagone arrive huitième cette année dans le Top 100 »
Europe 1 : « La première université française, Pierre et Marie Curie, pointe à la 36e place alors que les universités américaines occupent huit des dix premières places. »
Médiapart : « Les universités françaises se maintiennent au classement de Shanghai. Avec 20 universités classées parmi les 500 premières, la France reste à la sixième position du classement de Shanghai publié mardi, une liste encore largement dominée par les États-Unis qui placent seize établissements dans les vingt premiers. »
Le Figaro : « Le très prestigieux classement des universités consacre une nouvelle fois les établissements américains, qui sont 16 à apparaître dans le top 20. En France, on compte 20 universités au total et 3 établissements dans le top 100. »
Libération : « Les universités américaines raflent huit des dix premières places du classement publié vendredi par l’université Jiaotong (communications) de Shanghai, avec l’université de Harvard en tête pour la 13e année consécutive. »
LCI : « Le palmarès des meilleures universités du monde a été publié ce mardi. Et comme chaque année, il ne met pas la France à l’honneur. De nombreuses critiques s’élèvent toutefois contre les critères pris en compte pour établir ce classement ».
Le lecteur attentif aura noté que le pays de Descartes n’est pas franchement à l’honneur dans le palmarès chinois. Les médias hexagonaux auraient pu mettre en valeur d’autres classements moins désobligeants pour leurs compatriotes, comme le classement de l’École des mines, classement français et favorable aux universités françaises, ou le classement anglais du Times Higher Education (THE), inspiré du précédent, qui publie chaque année THE Alma Mater Index, favorable aux Anglais et un peu aux Français. Eh bien non, c’est au classement de Shanghai que les médias français s’obstinent à accorder une quasi exclusivité.
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En lisant la suite… vous verrez la belle continuité de V. Pécresse à F. Vidal :
« La fusion des universités d’Aix-Marseille est un très bon projet », affirme Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ce jeudi 17 avril 2008, à l’occasion d’un déplacement à Marseille […] « La fusion, c’est encore mieux car elle donnera une vraie visibilité au plan international », insiste-t-elle […] « Le classement de Shanghai est très critiquable, mais il existe. Si vous arrivez à réaliser cette fusion, ce sera un acte fort en direction de ce classement », poursuit la ministre. » (Dépêche AEF, 17 avril 2008)
« Les résultats du classement de Shanghai plaident pour une politique de regroupement de nos forces dans le cadre des pôles de regroupement de l’enseignement supérieur (PRES) » (Le Figaro, 26 février 2008)
La ministre fera même le voyage en Chine pour rencontrer les auteurs du classement et promouvoir sa réforme.
Ainsi, la loi LRU sur l’autonomie des universités se fixe clairement parmi ses objectifs l’amélioration de la place des universités françaises au classement de Shanghai et encourage les regroupements d’universités susceptibles de contribuer à cette amélioration. La mauvaise place des universités françaises dans ce classement lui sert d’excellent prétexte pour faire passer une réforme libérale qui a rencontré bien des oppositions. Les gouvernements ultérieurs, sous diverses formes, n’auront pas d’autre politique. Sans grand succès jusqu’à présent si l’on en croit la ministre en exercice :
« "L’effet des regroupements n’est pas visible puisque les classements continuent de classer les établissements un par un et ne prennent pas en compte les regroupements", a regretté Frédérique Vidal, ajoutant, que "cela va faire partie du travail des prochaines semaines pour que ces regroupements soient représentés dans le classement de Shanghai". » (France Info 15/08/2017)