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Les risques de la future réforme du bac et du lycée - Faiza Zerouala, Médiapart, 26 janvier 2018
vendredi 26 janvier 2018, par
Le ministre de l’éducation nationale veut rénover le bac et, par ricochet, le lycée, d’ici à 2021. Plusieurs pistes sont envisagées. Il veut laisser davantage de liberté à l’élève pour fabriquer son propre parcours. Mais certains enseignants craignent de voir leur matière se dévaloriser et des cursus à double vitesse se créer.
Pour le moment, le projet de la mission Mathiot, censé proposer des pistes pour simplifier le baccalauréat, n’est pas d’une limpidité folle. L’universitaire missionné par Jean-Michel Blanquer a réalisé depuis trois mois une centaine d’entretiens avec différents acteurs de la communauté éducative afin de déterminer la meilleure voie à emprunter pour dépoussiérer l’examen bicentenaire, selon la volonté ministérielle et présidentielle (lire son rapport en intégralité ici).
Sur cette base, se dessine en réalité une refonte plus prononcée et complexe du lycée (lire notre article). « Rien n’est acté aujourd’hui », a promis le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer lors d’une conférence de presse organisée le 24 janvier, jour de la remise officielle de ce rapport. « C’est une réforme attendue par les lycéens et la société », a martelé le ministre, promettant « une modernisation » de l’examen.
Pour Michel Fize, sociologue de l’éducation, plutôt partisan d’une suppression totale du bac, « le plus tôt sera le mieux ». Il considère que le ministre fait preuve de « lâcheté politique » en refusant de mettre fin, une bonne fois pour toutes, à cet examen, devenu selon lui « un rituel républicain jugé indépassable ». Il ne trouve que des défauts au baccalauréat qui est ici, dit-il, simplement vidé de sa substance. La part belle donnée à l’écrit favorise à ses yeux le bachotage. Sa notation est sujette à caution car elle l’objet de « tripatouillages » et d’harmonisation des notes qui le dévalorisent. Michel Fize estime que « la suppression du bac » doit être le « préalable à la réforme de notre système. Car les parents y pensent depuis la maternelle ».
La mise en œuvre de la réforme complète est prévue pour 2021. Jusque-là, quelques changements « minimes » auront lieu. Dès la rentrée 2018 d’abord, les élèves de seconde passeront un « test de positionnement », sur ordinateur, destiné à évaluer leur expression écrite et orale en français afin de déceler d’éventuelles lacunes. Des évaluations similaires ont déjà été mises en place à l’entrée du CP et de la 6e depuis la rentrée 2017.
L’accent sera aussi mis sur leur orientation, sujet désormais crucial sur lequel le ministre de l’éducation nationale veut insister, en articulation avec son homologue en charge de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal. L’objectif de cette réforme étant de mettre fin aux 60 % d’échec en première année de licence, même si ce chiffre est à prendre avec des pincettes puisqu’il ne dit rien des réorientations réussies.
En tout cas, tout dans cette réforme, toujours à prendre au conditionnel, démontre cette volonté de créer une continuité entre le lycée et l’enseignement supérieur. Par exemple, 75 % des matières seront intégrées dans Parcoursup, sauf la philosophie et le grand oral, alors qu’actuellement, le baccalauréat n’a aucun poids dans le choix des études et dans l’affectation.
Pierre Mathiot propose encore de créer un supplément au diplôme. Il s’agirait ainsi de valoriser des engagements associatifs ou la pratique d’une langue étrangère, autant d’atouts qui seront ensuite pris en compte dans Parcoursup, où un C.V. est réclamé aux élèves. Ceux-ci étant alors âgés de 17 ou 18 ans, difficile d’imaginer qu’il sera très garni.
Sans compter que ceux qui viennent de milieux sociaux fragiles n’auront pas forcément de cours de saxophone, de piano ou des séjours linguistiques à inscrire. Claire Guéville, responsable des questions liées au lycée au Snes-FSU, le premier syndicat du secondaire, déplore ainsi que, dans l’accès au supérieur, l’accent soit mis sur le portefeuille de compétences plus que sur le baccalauréat. Elle craint que l’examen ne devienne qu’un « accessoire ».
Jean-Michel Blanquer va saisir le Conseil supérieur des programmes afin d’avoir son avis sur l’un des risques pointés par les associations disciplinaires, qui craignent une mise en concurrence des matières induite par la future réforme. Le tout dans un calendrier contraint. Il doit trancher le 14 février, jour où il présentera l’architecture de la réforme telle qu’il l’a choisie. Dans l’intervalle, il aura consulté les syndicats, dans le cadre d’une concertation éclair de trois semaines. Reste à savoir si ceux-ci vont avoir une marge de négociation ou ce que le ministre va choisir de conserver de ce rapport purement consultatif.
Pour lire la suite (la fin de l’article sera mise en ligne sur le site de SLU dans deux jours).