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Éducation : la stratégie du choc - texte de Philippe Boursier, blog de Jean-Pierre Anselme, Médiapart, 10 février 2018
dimanche 11 février 2018, par
Souvent dissimulés mais nombreux et dramatiques, quels sont les enjeux de la réforme gouvernementale pour les familles d’origine populaire, pour la qualité des enseignements, pour le travail des enseignants… et au-delà, pour la formation même de l’esprit critique ? Philippe Boursier, professeur de Sciences économiques et sociales, syndicaliste et membre du CA de la Fondation Copernic, éclaire de façon limpide les dégâts qui s’annoncent.
La stratégie du choc pour casser les lycées, museler la jeunesse et baisser les salaires
Le démantèlement du bac et la disparition des filières au lycée visent à réduire encore les dépenses publiques consacrées à l’Education et à créer de nouveaux marchés tournés vers les familles solvables, du marché du coaching en orientation à celui des formations payantes de l’enseignement supérieur, en passant par celui du prêt étudiant. La cause est entendue : depuis une trentaine d’années les gouvernements libéraux s’attachent avec constance à défaire l’Etat social et à frayer une voie à l’expansion du capital. Mais la vague des contre-réformes qui frappe l’enseignement secondaire et supérieur - largement inspirées par le Medef et par les cercles de réflexion libéraux qui sont à sa main - procède d’une stratégie du choc qui a une visée plus large et moins immédiatement visible : baisser les salaires dans les entreprises comme dans les administrations et assujettir plus encore la force de travail à la volonté de ceux et celles qui en extraient du profit.
Il s’agit d’abord de baisser les salaires concédés aux enseignant.e.s des lycées. La semestrialisation de l’emploi du temps des élèves et l’annualisation des services programmés par le rapport Mathiot, allongent le temps de travail effectif des professeur.e.s sur l’année – tout en réduisant le nombre d’heures supplémentaires comptabilisées - entraînant ainsi une baisse des salaires horaires réellement perçus. Dans le même temps, la contraction des horaires des disciplines enseignées, a pour effet d’augmenter le nombre de groupes, et donc d’élèves, suivis par chaque enseignant.e et d’alourdir les tâches qui doivent être accomplies et la charge mentale qu’elles génèrent.
La baisse des salaires des enseignant.e.s est également induite par l’effondrement des postes aux concours – la baisse est de 35 % pour les postes aux concours externes 2018 du second degré ! - et par le recours aux salarié.e.s précaires qui s’ensuivra. Pour tenir son engagement de supprimer 120 000 postes de fonctionnaires sur le quinquennat « l’exécutif souhaite étendre « largement » dans la fonction publique le recours aux contractuels ne bénéficiant pas de l’emploi à vie, et développer davantage la rémunération au « mérite ». » Réduire le nombre de titulaires dans l’éducation participe donc bien d’une vaste offensive contre l’emploi stable - et le plus souvent l’emploi stable des femmes - visant à défaire le statut de fonctionnaire et à détériorer le rapport de forces entre les salarié.e.s stables et le patronat.
Dans le même temps, la fermeture de l’accès à l’université déstabilise aussi les étudiant.e.s d’origine populaire qui occupent des emplois précaires pour financer leurs études. En les privant des protections que procure le statut d’étudiant, on réduit leurs marges de jeu dans la négociation pour mieux les contraindre à accepter des conditions d’embauche et de rémunération toujours plus dégradées. Les projets de réforme qui se dessinent du côté des lycées professionnels procèdent d’ailleurs également d’une même volonté de domestiquer la jeunesse des classes populaires puisque le gouvernement prévoit simultanément d’étendre la précarité en encourageant l’apprentissage et d’assujettir les filières au bassin d’emploi, c’est-à-dire aux intérêts immédiats du patronat.
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