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L’école libre -J-F. Pécresse, Editorial des Echos, 14 février 2018
mardi 20 février 2018, par
Ils en rêvaient depuis si longtemps… Enfin Blanquer vint.
Avec la réforme Blanquer, les lycéens vont construire leur parcours. Aux enseignants de s’adapter et de renoncer à bon nombre d’acquis.
Des murs vont enfin tomber dans l’Education nationale.
Annoncée mercredi par le ministre Jean-Michel Blanquer, l’ambitieuse réforme du baccalauréat et de l’enseignement dans le second degré suppose, en effet, une vague d’assouplissements sans précédent des règles rigides qui nuisent à l’efficacité de notre système éducatif.
La première des barrières à être abattue, la plus visible et la plus immédiate, est celle qui sépare encore le lycée de l’université. De part et d’autre du baccalauréat, deux mondes s’ignorent, deux mondes agencés selon leur logique propre, et cette impréparation organisée est pour beaucoup dans le taux d’échec très élevé en licence.
Avec des enseignements de première et de terminale bientôt structurés en spécialités - autour d’un tronc commun -, recentrés sur des matières plus proches des filières du supérieur, la réforme Blanquer instaure, entre lycée et faculté, ce continuum qui fait ses preuves dans bon nombre de pays. Logiquement, le nouveau baccalauréat, cette épreuve de révision intensive qui monopolisait l’énergie des lycées, va devenir ce qu’il aurait dû être depuis bien longtemps : une porte d’entrée vers le supérieur.
Mais les effets de cette réforme seront nécessairement plus profonds, pour les enseignants et les établissements, comme pour les élèves. Puisque ceux-ci vont désormais pouvoir construire leur parcours de première et de terminale, c’est la demande d’enseignement qui va déterminer l’offre des enseignants, donc leur volume horaire. Un renversement complet du modèle actuel, dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences. Temps de travail des professeurs, pluridisciplinarité, nombre d’élèves par classe, organisation des établissements : c’est un vaste maelström qui se prépare dans l’Education nationale.
Car, même si Jean-Michel Blanquer semble avoir renoncé à organiser l’année du second degré en semestres, il est hautement probable que le découpage en semaines ne permette pas de constituer des emplois du temps combinant matières de tronc commun et spécialités. Alors, c’est l’annualisation du temps de travail des enseignants, sujet tabou depuis 1950, qui a enfin une chance d’être inscrite au tableau. Faute d’enseignants suffisants pour répondre à la demande, notamment dans les nouvelles disciplines voulues par le ministre de l’Education nationale, c’est la question de la bivalence des professeurs qui va devoir être posée, autrement dit leur capacité à enseigner deux matières. Enfin, puisque tous les lycées ne pourront pas assurer l’intégralité de l’offre nouvelle, l’Etat risque fort de devoir regrouper plusieurs établissements en « petites universités » dans lesquelles les lycéens devront se rendre pour suivre différents cours.
C’est un immense chantier qu’ouvre Jean-Michel Blanquer, celui d’une école plus libre qu’aujourd’hui. Le soutien de l’opinion lui est pour le moment acquis, ce ne sera pas de trop pour affronter les résistances syndicales.
Jean-Francis Pécresse [1]
[1] Le beau-fère de qui vous savez.