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Les femmes sont les grandes perdantes de Parcoursup - Tribune dans Le Monde, 26 février 2018
lundi 26 février 2018, par
Trois sociologues considèrent que la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) risque de renforcer la discrimination contre les étudiantes.
Par Fanny Bugela-Bloch, Marie-Paule Couto et Marianne Blanchard.
Alors que la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE), votée le 15 février dernier, entend " rétablir l’égalité des chances ", tout laisse à penser qu’elle entraînera au contraire une hausse des inégalités d’accès à l’enseignement supérieur, notamment entre les filles et les garçons. Les filles représentent aujourd’hui près de 60 % des étudiants dans les universités, mais sont toujours moins nombreuses à intégrer des filières sélectives comme les classes prépa (42,6 %) et, surtout, les grandes écoles scientifiques (22,2 %). L’enseignement supérieur apparaît plus généralement largement divisé entre des filières " masculinisées " (sciences et techniques) et des filières " féminisées ", comme les formations paramédicales et sociales (85 % de filles) ou les licences en lettres et sciences humaines (70 %). Ces différences d’orientations reflètent les rôles attribués aux hommes et aux femmes, ainsi que la socialisation genrée qui, dès le plus jeune âge, contribue à valoriser des compétences différentes chez les filles et les garçons. L’institution scolaire participe à la perpétuation de certains stéréotypes de genre, comme le montre une enquête récente : à appétences équivalentes pour les matières scientifiques et à notes égales à celles des garçons, les filles sont toujours moins orientées que ces derniers vers la filière scientifique du bac.
Or la loi ORE risque d’entretenir, voire de renforcer, cette différenciation sexuée des orientations, par le biais des " attendus " désormais affichés sur la plate-forme Parcoursup pour chaque formation universitaire. En effet, ces attendus se fondent sur des compétences supposées acquises par les candidats, qui renvoient à des dispositions inégalement valorisées chez les filles et les garçons. Ainsi, pour les candidats en psychologie à l’université de Nanterre (plus de 80 % de filles), il est attendu des élèves " des qualités humaines, d’empathie, de bienveillance et d’écoute ", peu valorisées chez les garçons. Inversement, en sciences de l’ingénieur (plus de 80 % de garçons en sciences et techniques), ce sont des capacités " d’abstraction, de logique et de modélisation " qui sont demandées… qualités davantage attribuées aux garçons.