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La grande mise en marché de l’école - Jérôme Debrune, Questions de classe, 4 mars 2018
mardi 6 mars 2018
La mise en place de Parcoursup et la réorganisation du lycée général ont au moins le mérite de la cohérence : celle de la dérégulation et de la soumission réelle de l’éducation publique à l’idéologie libérale. Cela veut dire l’introduction de la concurrence à toutes les échelles.
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Concurrence entre les universités d’abord. Car seules les universités les plus prestigieuses ou les formations les plus demandées seront en mesure de sélectionner les meilleur.es élèves, ceux et celles issus des classes sociales les plus favorisées le plus souvent. En réalité, personne ne s’y est trompé et les familles ont bien compris que dorénavant la seule obtention du BAC ne donnerait plus automatiquement droit à une place dans l’établissement ou la formation souhaités. Et comme le service public d’orientation est notoirement insuffisant, ce sont les boîtes privées qui se frottent les mains [1].. Mais le vieux rêve libéral d’une université au service du marché refait surface dans un contexte favorable puisqu’il s’est même trouvé un sénateur pour définir les places dans le supérieur (et demain, le contenu des enseignements ?) en fonction du bassin d’emploi.
Projet de société contre projet de société
Dans les lycées généraux, la fin des filières et le système des enseignements sous forme de spécialités vont accroître les inégalités dans la mesure où tous les établissements ne pourront pas proposer toutes les formations. Sous le prétexte de laisser le choix aux familles, on institue en fait une véritable loi de la jungle où seules les familles les plus à l’aise avec le système scolaire sauront élaborer les meilleures stratégies d’orientation.
On n’a pas assez insisté sur l’introduction d’un « grand oral » en classe de terminale qui semble faire l’unanimité. Il s’agit d’une épreuve individuelle qui remplacera les dispositifs donnant lieu à des recherches collectives. Si bien que là encore, on renforce la concurrence et l’individualisme au détriment des pédagogies coopératives, basées sur l’entraide et l’interaction, chacun et chacune devant apporter sa singularité à une création commune.
Les attaques répétées contre l’emploi à vie dans l’enseignement comme ailleurs laissent en outre augurer d’une volonté de détruire les collectifs de travail qui ne manquera pas d’avoir de graves répercussions sur le fonctionnement du service public d’éducation.
Est-ce vraiment cette école, faite de concurrence et de soumission à la morale du plus fort que nous voulons ?
Des collectifs enseignants/parents existent ou se constituent pour réclamer plus de moyens éducatifs pour celles et ceux qui ont moins. Des assemblées générales locales appellent même à la grève en Seine-Saint-Denis du 19 au 22 mars. On parle beaucoup d’une crise généralisée de la démocratie. Et s’il était possible de ré-ancrer celle-ci autour d’une école édifiée sur le principe de solidarité collective ?
Jérôme Debrune
[1] Le Canard enchaîné raconte ainsi qu’une société propose des entretiens à distance et une aide à la rédaction de CV et lettre de motivation moyennant 420 euros. Voir "Parcoursup et marchands de soupe", Le Canard enchaîné du 21 février 2018, p. 4