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Communiqué de presse de "Sauver les lettres" - 25 février 2018
dimanche 18 mars 2018
SAUVER LES LETTRES
Communiqué de presse du 25 février 2018
LE BAC POKER-MENTEUR : LES CINQ COUPS DE BLUFF DE M. BLANQUER POUR FAIRE PASSER SA RÉFORME...
Décryptage de 5 slogans, tirés des annonces ministérielles
Baccalauréat 2021 : un tremplin pour la réussite
http://www.education.gouv.fr/cid126438/baccalaureat-2021-un-tremplin-pour-la-reussite.html
Un bac « plus simple », vraiment ?
Gribouille n’aurait pas fait mieux : au lieu de passer le bac une fois, on le passera cinq fois. Deux fois en Première (en janvier et en avril), trois fois en Terminale (en décembre, en avril et en juin). Cinq mois de « bachotage » et de stress au lieu d’un, qui désorganiseront la vie des lycées, laisseront les élèves de Seconde sur la touche, feront changer l’emploi du temps trois fois dans l’année de Terminale, et diminueront drastiquement les heures de cours, amputant de plusieurs mois le cursus des matières « anticipées ». Il ne s’agit plus d’enseigner, sur un temps long, selon une progression réfléchie, et dans la sérénité, mais d’évaluer en permanence, et de faire entrer les lycéens dans un processus précoce de sélection.
Seul le “bac de français”, passé depuis longtemps en épreuves anticipées (EAF) de fin
juin-début juillet de Première, conserve pour l’instant, heureusement, une stabilité propice aux apprentissages.
Un bac « plus lisible », mais pour qui ?
Les filières L, ES, S sont supprimées au profit de « spécialités ».
Or, si les séries S et ES ressuscitent telles le Phénix, à travers les spécialités « Mathématiques » et « Sciences économiques et sociales », la série L disparaît corps et biens, puisqu’il n’y a plus de spécialité « Littérature » à part entière. La spécialité «
Humanités, littérature et philosophie », objet didactique non identifié, qui pourra être enseigné par des professeurs de trois disciplines différentes, ressemble fort à une voie de garage, que choisiront les non-initiés. La combinaison actuelle « littérature » / « arts » ou « littérature » / « langues et littératures étrangères » sera impossible, la spécialité « langues anciennes » disparaît, réduite à un enseignement facultatif. En réalité, il s’agit de renforcer les bacs « utiles » à l’économie et d’affaiblir ceux qui mènent aux secteurs de la recherche, de l’enseignement et de la création artistique, dénigrés dans le grand magasin libéral.
Un bac « plus juste », sans rire ?
Avec 40 % des épreuves « maison » (organisées et évaluées par les lycées eux-mêmes), dont 10 % de contrôle continu pur, et avec l’explosion des filières et des bacs
« modulaires », les candidats ne seront pas évalués selon les mêmes critères ni sur les mêmes parcours, et ils seront forcément triés à l’entrée des formations supérieures en fonction de la réputation de leur lycée d’origine, ce qui est évidemment inacceptable. De plus, accorder 15 % du diplôme à un « Grand Oral » qui repose, non sur des connaissances acquises selon un programme national officiel, mais sur des dossiers choisis et préparés par les élèves, donc dans des conditions très inégales selon l’environnement social et familial, donnera une prime aux compétences discriminantes - aisance rhétorique, culture générale, maîtrise des codes sociaux... toutes compétences qui ne s’acquerront pas grâce à ce Grand Oral à l’appellation pompeuse, qui n’est autre qu’une version maximisée des TPE (Travaux Personnels Encadrés), déjà actuellement pratiqués en classe de Première. Ce dispositif mis en place par le ministre Allègre peut éventuellement convenir à une minorité qui maîtrise déjà les bases, mais il est néfaste à la majorité, réduite au plagiat sans rime ni raison de sites internet. La préparation chronophage du « Grand Oral », qui singe l’épreuve d’entrée à Science-Po, ne sera qu’une variante de ces « mallettes du petit chimiste » qu’on offre aux enfants qui veulent jouer aux grands et donc une invitation à produire des faux-semblants : semblant de recherche, semblant de connaissances, semblant d’éloquence.
« Un bac réussite », mais pour réussir quoi ?
Deux trimestres de cours en moins pour les matières du tronc commun, un trimestre en moins pour les « spécialités », les langues vivantes réduites à 4 heures hebdomadaires en Terminale, les mathématiques évacuées de la
culture commune, l’invention de fausses matières fourre-tout comme les « humanités scientifiques et numériques », des centaines d’heures consacrées à l’« orientation », autrement dit à l’étude du marché des formations et du travail, etc. Claude Allègre avait rêvé le « lycée light » , Jean-Michel Blanquer l’a réalisé. Il s’agit surtout de diminuer le nombre d’enseignants, de les rendre flexibles et polyvalents... et de renoncer à un enseignement humaniste large, au profit d’une adaptation obsessionnelle au monde tel qu’il va.
« Un bac égalité », vraiment pour tout le monde ?
Le bac n’aura de valeur formatrice que dans les établissements riches de grandes métropoles, qui auront pu offrir aux lycéens toutes les « spécialités » ; les établissements pauvres ou de taille réduite, aux « spécialités » restreintes, dans des déserts scolaires, n’offriront qu’un diplôme de fin de secondaire, bien éloigné des « attendus » de Parcoursup, interdisant de fait l’accès à l’université. Et qu’on ne vienne pas nous dire que le numérique et les structures en réseau, compenseront ces inégalités.
En réalité, il s’agit de faire baisser mécaniquement le nombre de bacheliers admissibles à l’université, pour éviter d’y augmenter les places.
EN BREF, le lycée et les lycéens méritent mieux que la réforme Blanquer. La meilleure préparation aux métiers est le développement préalable des esprits et la formation du jugement, fondés sur des connaissances : nous réclamons donc pour le lycée des horaires conséquents, des savoirs consistants, des méthodes sensées, et pour le bac des épreuves exigeantes et nationales.
Collectif Sauver les lettres