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Etudiants étrangers, fuites d’eau et cafards : plongée dans un « ghetto » du Crous - Khedidja Zerouali, Médiapart, 3 février 2020
lundi 3 février 2020, par
Dans une résidence du Crous de Villeneuve-d’Ascq, des étudiants sont logés dans des chambres infestées de cafards, mal isolées, aux sanitaires condamnés. Tous (ou presque) sont étrangers. Dans un enregistrement, le directeur du Crous concède « une forme de ségrégation ».
Villeneuve-d’Ascq (Nord), envoyée spéciale.– Pieds nus sur le palier, David* ouvre timidement sa porte. À peine a-t-il poussé le battant qu’un cafard apparaît. Étudiant de 20 ans en mécanique, il vit au deuxième étage d’une résidence du Crous à Villeneuve-d’Ascq (Nord), dans neuf mètres carrés peu habitables. Sur son bureau, les cahiers s’amoncellent ; sur le mur, des gouttes d’eau font la course. C’est que le voisin du dessus fait le ménage : « Je suis obligé d’éponger comme je peux, ça fuit de partout », se désole David.
En 2015, un jeune homme originaire de Mayotte, Abdallah El Anfani, autorisé à garder sa chambre malgré ses retards de loyer, en grande précarité, déscolarisé, a été retrouvé mort ici, des semaines plus tard, par des employés chargés d’une opération de désinsectisation. L’autopsie a juste certifié l’absence de coups et de blessures. Pour sa mère, il est mort « de faim ».
Pour atteindre cette résidence Évariste-Galois (du nom d’un célèbre mathématicien français), la balade est agréable, le chemin presque bucolique, bordé de bâtiments universitaires et de terrains de sport, de grands arbres comme d’espaces verts en friche. Puis, un grand ensemble rose pâle surgit : vide, défraîchi, condamné. Le bâtiment E est fermé depuis septembre 2018, ses fenêtres barrées de panneaux de bois au rez-de-chaussée.
« Le bâtiment E, c’est devenu une légende, une mauvaise légende », sourit Ahmed*, 20 ans, inscrit en médecine. Cet étudiant étranger est un nomade de cette résidence d’un millier de chambres. « Je me souviens d’un jour où je travaillais dans le bâtiment E, raconte-t-il. Un vieil homme est passé dans le couloir qui visitait les lieux de sa jeunesse. Je me souviens très bien de ce qu’il a dit : que rien n’avait changé, que tout s’était dégradé. »
Ahmed habite aujourd’hui dans le bâtiment d’en face, le D, où l’on rentre comme dans un moulin, sans badge ni code, en l’absence de gardien. Il décrit le manque de pommeaux de douche et d’eau chaude, les toilettes fermées, la cuisine où les plaques ne fonctionnent pas toujours. Il ponctue chacune de ses phrases d’un « hamdoullah, ça va, au moins j’ai un toit ». Ahmed n’est pas du genre à se lamenter, il ne se le permettrait pas : « Ici, tous les locataires sont des étudiants étrangers. Dans nos pays d’origine, les infrastructures ne sont pas très développées. Alors, on n’a pas de quoi se plaindre. »
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