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Frédérique Vidal ante senatum : Hæc decies repetita placebit - 17 janvier 2018
jeudi 17 janvier 2019, par
« Quelle politique d’attractivité de la France à l’égard des étudiants internationaux ? »(C’est le titre de la séance du 16 janvier au Sénat. Qui vaut presque "Bienvenue en France").
Morceaux choisis.
En toute partialité.
[…]
Mme Mireille Jouve : Madame la ministre, vous lancez une concertation en indiquant qu’elle n’a vocation à mettre en cause ni le principe de la majoration ni son calendrier. La CPU demande une discussion au cadre élargi. Y êtes-vous prête ?
Mme Frédérique Vidal, ministre : Le Premier ministre a annoncé dès le départ [rouge]une concertation mais non pour revenir sur une décision [1][/rouge]…
M. Stéphane Piednoir : La hausse des frais d’inscription, qui n’est pas la seule du plan « Bienvenue en France », suscite beaucoup d’émotion. Je partage le souhait de renforcer l’attractivité de la France [rouge]mais je m’interroge sur la méthode de calcul qui a conduit à une multiplication par seize de ces frais[/rouge]. Pour être acceptée, la hausse des droits d’inscription doit être comprise et expliquée et, dans l’idéal, y compris à la Représentation nationale...
Mme Frédérique Vidal, ministre. : Le calcul n’a rien de compliqué : chaque année, l’investissement moyen par étudiant est calculé par l’OCDE et par l’État. Nous avons choisi de demander aux étudiants extracommunautaires de financer un tiers de cet investissement. [2]
M. Pierre Ouzoulias : Madame la ministre, votre définition de la concertation est sidérante : vous prenez une mesure, nous discutons ensuite. Nous l’avions déjà constaté pour Parcoursup.
Les universités seront soumises à un barème national, elles ne pourront renoncer à percevoir ces droits que dans la limite de 10 % des étudiants, à l’exclusion des boursiers et des étudiants accueillis dans le cadre des conventions bilatérales. Or le Gouvernement a, pour des raisons budgétaires évidentes, intérêt à limiter au maximum les exonérations. [rouge]Les universités qui ne voudront pas appliquer votre politique seront-elles obligées de s’y plier ?[/rouge]
Mme Frédérique Vidal, ministre : Certains pays ont fait le choix de différencier les droits en fonction des disciplines, ce n’est pas le nôtre. Nous voulons un système redistributif.
L’attractivité de nos établissements doit avant tout reposer sur la qualité de leur formation, le taux d’insertion professionnelle de leurs diplômes. Tout cela est vrai mais les difficultés que les étudiants étrangers rencontrent à leur arrivée en France découragent. La caution Visale étendue à tous les étudiants extracommunautaires est un élément de réponse.
M. Pierre Ouzoulias : [rouge]Merci pour la clarté de votre réponse [3] ! J’ai bien compris : le Gouvernement a pris l’engagement ferme d’accorder aux universités toutes les exonérations qu’elles souhaitent.[/rouge]
Mme Claudine Lepage : L’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers fait l’unanimité contre elle. Nombre d’universités, Rennes 2 est la dernière en date, ont annoncé qu’elles ne l’appliqueraient pas.
Mme Frédérique Vidal, ministre : Les universités, opérateurs de l’État, doivent porter les politiques publiques décidées par l’État. Comme tous les fonctionnaires, les professeurs, les maîtres de conférences et le personnel administratif et technique ont un devoir d’obéissance et de loyauté, sauf délit qu’il conviendrait alors de dénoncer. [4]
M. Serge Babary : Paradoxalement, on espère gagner en attractivité en faisant payer davantage ! Dans les faits, un décret du 30 avril 2002 permet déjà de faire payer certaines formations. [rouge]Votre initiative est-elle à mettre en relation avec le courrier annonçant aux universités une dotation moindre compte tenu de cette nouvelle ressource ?[/rouge] Cette réforme serait-elle essentiellement budgétaire ? Je regrette que le ministère des Affaires étrangères et les acteurs sociaux et économiques des territoires d’accueil soient absents de la concertation. Y a-t-il un cap politique ?
Mme Frédérique Vidal, ministre : Résumer le plan « Bienvenue en France » à l’augmentation des frais d’inscription est un raccourci hasardeux.
Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain : Merci, madame la ministre, de vous être prêtée au jeu de ce débat. Il était important de l’avoir. À vous entendre, on croirait qu’il n’y a aucun problème, que tout va bien se passer. Pourtant, la conférence des présidents d’universités, les étudiants, les acteurs de la recherche expriment des questionnements, des doutes, des craintes. Nous avions besoin de comprendre les motivations du Gouvernement - pour ma part, je ne les ai toujours pas bien comprises.
Il aurait été intelligent que nous puissions, en amont de cette mesure, en discuter. Nous aurions pu nous demander quels sont les facteurs d’attractivité pour les étudiants étrangers. La concertation annoncée portera uniquement sur les modalités d’application de votre arrêté.[…]
[rouge]Il me semble que vous ne voulez pas tant augmenter le nombre d’étudiants étrangers que changer leur provenance.[/rouge]
Je crains que les universités qui vont supporter le coût d’une politique de sélection des étudiants étrangers ne voient certaines formations fragilisées.
Madame la ministre, je vous demande un moratoire, le temps de réellement examiner les incidences de cette mesure sur laquelle il serait sage de revenir, ne serait-ce que pour préserver la francophonie !
(L’intégralité du débat ici )
Débat suivant (tout aussi intéressant !) :
« Après un an d’application, bilan et évaluation de Parcoursup. » à la demande du groupe CRCE.
M. Pierre Ouzoulias : […] Vous nous avez longtemps expliqué, madame la ministre, que les algorithmes locaux n’existaient pas. On apprend, à la page 14 du cahier des charges de Parcoursup, qui vient d’être rendu public, qu’ils servent à faire un préclassement automatique. M. Frédéric Dardel, président de l’université Paris-Descartes les a jugés indispensables en raison du nombre de dossiers, et a déclaré avoir pondéré les notes selon le taux brut de réussite du bac, confirmant en tous points nos craintes concernant ce que vous aviez qualifié de « légende urbaine ».
Le règlement général européen sur la protection des données personnelles proscrit tout traitement automatisé des données personnelles. Le Sénat, à l’unanimité, vous avait demandé la publication des algorithmes, vous l’avez refusée ! C’est inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR) Vous avez remplacé le tirage au sort par l’opacité.
M. Max Brisson : […] Quand beaucoup de Français crient leur inquiétude de voir leurs enfants ne pas pouvoir prendre l’ascenseur social qui s’est déjà grippé pour eux-mêmes, Parcoursup suffit-il ? Les connaissances des codes et des règles, le recours aux réseaux, véritables marqueurs de différenciation sociale, ne sont-ils plus nécessaires ? Parcoursup n’assure-t-il pas qu’une affectation quantitative au lieu de proposer un accompagnement adapté ? Il faut davantage qu’une mécanique mieux huilée.
Madame la ministre, vous avez choisi de lancer Parcoursup avant la réforme du bac. Or la réforme du bac bouscule un système de filières que chacun avait intégré et ravive les inquiétudes des familles. Je conviens qu’il était nécessaire de relier études suivies et orientation, mais les élèves et leurs parents ne savent plus quelles options choisir pour intégrer la formation de leur choix. En conséquence, ils composent souvent un bouquet d’options qui ressemble étrangement à la filière S.
Le pont entre enseignement secondaire et enseignement supérieur est virtuel ou enveloppé de brouillard - en fait, il reste à construire. Lycéens et parents s’interrogent. Les mieux avertis s’en sortiront, pas les autres, c’est déplorable !
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation : La loi ORE et la mise en place de Parcoursup ont fait l’objet d’un dialogue nourri avec le Sénat, en séance comme en commission. La procédure connaîtra cette année de nouvelles évolutions. Le bilan de la première année de mise en oeuvre s’entend au regard de trois engagements qu’avait pris le Gouvernement - mettre fin au tirage au sort, remettre de l’humain dans les procédures et réduire le coût de la rentrée étudiante - qui ont été tenus : le tirage au sort a été supprimé, chacun le sait ; les futurs étudiants ont bénéficié d’un niveau d’accompagnement inédit ; le coût de la rentrée a été diminué de 100 millions d’euros, avec la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante. Zzzzz…
[1] On commence à s’habituer
[2] Enfin ! Une réponse à notre billet « Petite histoire de l’augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers ». Ou presque, parce que 11 510 (coût moyen 2016 source MEN-DEPP-MESRI) divisé par 3 ça tombe pas juste.
[3] insolent !
[4] Elle avait dû se tromper de fiche pour répondre à la question précédente