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Quelle est la mission de l’Université ?

par les enseignants de Lettres et Sciences humaines de l’université d’Aix-Marseille I

dimanche 16 décembre 2007, par Laurence

[|Quelle est la mission de l’université ? |]

Les enseignants, chercheurs et personnels BIATOSS de l’Université de Provence, désireux de s’inscrire dans le mouvement national « Sauvons l’université », appellent à un moratoire immédiat sur la loi LRU afin de prendre le temps de la discussion avec l’ensemble des partenaires du monde universitaire en vue d’une réforme sereine, réaliste et réfléchie de l’université.

Parmi l’ensemble des analyses et remises en cause de grande qualité auxquelles a déjà donné lieu cette loi (textes de Rouen, de Paris VIII notamment), en particulier relatives à ses conséquences en termes de recrutement des personnels, de statuts de ceux-ci, de pouvoirs accordés aux CA et aux présidents d’université, ils tiennent à rappeler ce que sont les missions de l’Université publique en général et des Lettres et Sciences Humaines (LSH) en particulier.

-  L’Université répond à une mission de formation générale dispensant savoirs et savoir-faire nécessaires à l’insertion dans la société actuelle. Les outils de décryptage des discours, l’esprit critique, les capacités d’analyse sont ainsi autant de moyens dispensés par la formation universitaire et indispensables à l’éducation du citoyen responsable. En ce sens, les LSH participent pleinement du bagage de compétences nécessaire pour mener une vie professionnelle longue, faite de mobilité et de reconversions programmées.

Confier à l’université un objectif d’insertion professionnelle, c’est favoriser le court terme au détriment de cette formation véritablement « professionnalisante », c’est également faire reposer sur les épaules des universitaires une responsabilité qu’ils ne peuvent assumer, à savoir imaginer les emplois de demain en phase avec un tissu économique local dont ils seraient capables de prévoir l’évolution, alors que les économistes comme les responsables de la prospective des grands secteurs d’activité en sont souvent eux-mêmes incapables ; c’est, enfin, faire porter aux enseignants du supérieur la mission d’orientation des étudiants au détriment des SUIO et des personnels qualifiés comme les conseillers d’orientation-psychologues.

Des expériences en ce domaine ont déjà été tentées : à l’Université de Provence, un département de LSH a été récemment sollicité par de grandes entreprises de la région PACA afin de créer un DU nouveau pour les ingénieurs de ces structures. Cette approche s’est soldée par un échec, car elle reposait sur une conception erronée de ce que sont l’université publique et la professionnalisation des cursus développée par ces entreprises : celles-ci entendaient notamment définir précisément le contenu des enseignements délivrés afin de répondre au mieux aux besoins spécifiques qu’elles rencontraient ; clairement, le secteur public devait être ici au service à court terme des intérêts du privé.

-  L’Université ne doit pas, pour autant, diaboliser le privé et les LSH, en particulier, faire par là même leur le discours dévalorisant que l’on tient généralement sur elles. Oui, nos formations sont de grande qualité et peuvent intéresser des investisseurs privés - sous la forme de fondations par exemple - comme le montre le cas de l’archéologie.
Il convient, cependant, de rester vigilant sur un point essentiel que ne garantit pas la loi en l’état actuel : l’indépendance de la recherche et de l’enseignement. La communauté universitaire doit impérativement conserver la maîtrise du contenu des enseignements et de l’habilitation des diplômes. Dans cet ordre d’idées, le poids trop grand accordé par la loi LRU au CA au détriment du CS et du CEVU est un réel danger, sans parler des risques inquiétants de l’hyper-présidentialisation.
Le maintien du statut de fonctionnaire des enseignants-chercheurs participe également de cette indépendance de l’université. On est donc ici au fondement même du principe d’autonomie ! La « défonctionnarisation » progressive du personnel universitaire, inscrite dans la loi par la multiplication des voies de recours aux emplois contractuels, est un deuxième réel danger. A terme, elle risque de faire coexister statuts et intérêts divergents au sein de l’université et de dissocier enseignement et recherche en réservant cette dernière à quelques « happy few ». S’il semble légitime d’encourager la recherche, il est indispensable, en revanche, que celle-ci conserve son caractère public lorsqu’elle se pratique dans le cadre de l’université.

- Ceci pose la question de l’engagement financier de l’Etat dans l’université. Le discours sur les moyens devient envahissant depuis quelque temps au point de masquer les motivations politiques qui le sous-tendent. Les objectifs affichés par les gouvernements successifs - lutte contre l’échec en premier cycle, 50% d’une classe d’âge doit obtenir la licence - reposent en grande partie sur un leurre : si tout bachelier doit pouvoir s’inscrire librement à l’université, la réussite au diplôme, en revanche, n’est pas un droit. On ne peut pas demander à l’université de pallier les carences du système d’apprentissage (ou le manque d’ambition politique à son sujet), encore moins de masquer la réalité du chômage. Le discours sur la réussite en premier cycle, articulé uniquement sur la question des moyens, est un effet d’annonce. Il faut ouvrir un réel débat à ce sujet, en préalable à toute discussion sur la réforme de l’université et a fortiori sur l’application d’une loi de réforme, en posant les vraies questions, notamment dans trois domaines :

* celui du rapport entre les grandes écoles et l’université

* celui de la mise en place d’un réel tutorat en premier cycle et des modalités de son fonctionnement

* celui de la transparence dans l’affectation et la gestion locales des dotations
financières publiques et privées.

Liste des signataires

Nacira Abrous, MMSH-Valorisation Europe et Activités RAMSES2 —
Henri Amouric, CNRS-LAMM —
Gérard Amy, Psychologie —
Valérie André, Etudes du monde anglophone —
Anne-Marie Arborio, Sociologie —
Jean Arnaud, Arts plastiques et Sciences de l’Art —
Jean-Luc Arnaud, CNRS-TELEMME —
Chantal Aspe, Sociologie —
Paul Aubert, Etudes hispaniques —
M. Avanço Geremias, Portugais —
Arnaud Bartolomei, Histoire —
Mireille Bastien, Psychologie —
Nicolas Berjoan, Histoire —
Anne-Marie Bernardi, Sciences de l’Antiquité —
Jean-Luc Bonnefoy, Géographie —
Damien Boquet, Histoire —
Anne Borzillo, ITARF Informatique —
Danièle Nanouk Broche, Théâtre —
Sylvain Brocquet, Sciences de l’Antiquité —
Mathieu Brunet, Littérature française —
Anne Carol, Histoire —
Ernestine Carreira, Portugais —
Elena Chamorro Plantevin, Etudes hispaniques —
Georges Chiron, Histoire —
Déborah Cohen, Histoire —
Salvatore Condro, Sociologie —
Annelise Coquillon, Lettres modernes —
Cécile Cottenet, Etudes du monde anglophone —
Christine Cullioli, Musique —
Jean-Claude De Crescenzo, Master de négociation internationale —
José Deulofeu, Linguistique française —
Renato Di Ruzza, Ergologie —
Louis Dieuzayde, Théâtre —
Gilles Dorival, Sciences de l’Antiquité —
Sébastien Douchet, Littérature française —
Aline Durand, Histoire et archéologie —
Aurélia Dusserre, Histoire —
Pierre Fournier, Sociologie —
Véronique François, CNRS-LAMM —
Hélène Franconie, CNRS-Ethnologie —
Edith Galy-Marié, Psychologie —
Ghislaine Gallenga, Anthropologie —
Maud Gaultier, Etudes latino-américaines —
Annie-Paule Gauthier, BIATOS —
Alain Giacomi, Linguistique —
Pierre-Yves Gilles, Psychologie, SUIO —
Joëlle Gleize, Littérature française —
Isabelle Grangaud, Histoire, IREMAM —
Boris Grésillon, Géographie —
Andreas Hartmann-Virnich, Archéologie —
Hélène Hawad-Claudot, CNRS-IREMAM —
Jean-Marie Jacono, Musique —
Richard Jacquemond, Etudes moyen-orientales —
Michèle Janin-Thivos, Histoire —
Marianne Jover, Psychologie —
Xavier Lafon, Archéologie —
Guy Lambert, Etudes cinématographiques —
Stéphanie Latte Abdalah, CNRS-IREMAM —
Jacques Lautman, Sociologie —
Danièle Léostic , Responsable administrative —
Carmela Lettieri, Italien —
Jean-Luc Lioult, Etudes cinématographiques —
Isabelle Luciani, Histoire —
Anne Mailloux, Histoire —
Elisabeth Malamut, Histoire —
David Marcilhacy, Etudes hispaniques —
Sabrina Marlier, Histoire —
Sylvie Mazzella, Sociologie —
Jean-Marie Merle, Anglais —
Thierry Millet, Cinéma —
Stéphane Mourlane, Histoire —
Mohamed Ouerfelli, Histoire —
Mireille Pagèes, Sociologie —
Thierry Pécout, Histoire —
Benito Pelegrin, Espagnol —
Philippe Pergola, CNRS-LAMM —
Isabelle Pernin, Histoire —
Hugues Plisson, Préhistorien —
Nelly Rajaonarivelo, Etudes hispaniques —
Céline Régnard-Drouot, Histoire —
Caroline Renard, Etudes cinématographiques —
Isabelle Renaudet, Histoire —
Pascal Roméas, Sciences du langage —
Richard Roux, Portugais —
Catherine Rouyer, Psychologie, SUIO —
Sophie Saffi, Italien —
François Siino, CNRS-IREMAM —
Christian Tamisier —
Catherine Teissier, Allemand —
Mathieu Tillier, Histoire/ Etudes moyen-orientales —
Michel Tuscherer, Etudes moyen-orientales —
Martine Vasselin, Histoire de l’Art —
Laure Verdon, Histoire —
Georges Daniel Véronique, Français-Langue étrangère —
Claire Vialet-Martinez, Etudes hispaniques —
Lucien Victor, Lettres modernes —
Alexandre Vincent, Histoire —
Robert Vion, Sciences du langage —
Philippe Vitale, Sociologie —
Alice Vittrant, Linguistique —
Marc Weinstein, Littérature russe —
Isabelle Widmer, Démographie —
Charles Zaremba, Etudes slaves —

Anne Béroujon, Histoire, Grenoble —
Philippe Bourmaud, Histoire, Lyon III —
Chantal DOMPMARTIN-NORMAND, Français Langue Étrangère (DEFLE), Toulouse —
Hervé Reculeau, Assyriologie (Oriental Institute, Moscou)