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Le Mouvement Démocrate propose un « contre-décret » pour l’Université (19 février 2009)

jeudi 19 février 2009, par Laurence

Préambule

L’université tient un rôle majeur dans le développement d’un pays et l’évolution de la société, parce
qu’elle répond au besoin profond d’éducation à long terme de notre pays. Ses missions sont
multiples et ont évolué avec le temps. A l’acquisition de connaissances et à leur transmission se sont
ajoutés la formation de l’ensemble de la population (et non des seules élites), la délivrance de
formations et diplômes à vocation professionnelle, le développement d’une recherche de pointe, le
transfert de technologies vers le monde de l’entreprise etc. Maintenir et développer un système
universitaire de qualité, organisé autour des missions précitées, est devenu de par le monde un
attribut essentiel de l’influence et du développement des grands pays. Malgré un sous-financement
chronique, notre Université a jusqu’ici réussi à assumer l’essentiel de ses missions, comme en
témoigne la notation excellente de la majorité de ses formations et de ses laboratoires par l’Agence
d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Mais l’insuffisance de moyens
adaptés au développement de ses responsabilités, et l’absence de vision sur son rôle essentiel dans
la société ont conduit à une situation de crise dont il faut maintenant sortir par le haut.

Le « contre-décret »

Le décret instituant notamment la transformation du statut des enseignants-chercheurs, et les
propos méprisants du président de la République, ont provoqué une mobilisation massive de la
communauté scientifique et universitaire. Alors que la réponse du gouvernement consiste en une
mise sous tutelle du ministre de la recherche par l’intermédiaire d’un médiateur, le Mouvement
Démocrate propose un projet de contre-décret destiné à assurer le succès d’une adaptation devenue
indispensable de l’Université française.

La loi sur la réforme de l’Université, bien que largement imparfaite, avait le mérite de lancer le
chantier de la modernisation de notre système universitaire. Mais l’absence de consultation des
acteurs concernés, l’attitude du président de la République, les réductions d’effectifs envisagées et
le projet de décret déposé par le gouvernement, sont venus réduire à néant toute possibilité de
réforme consensuelle.
Le projet actuel contient quelques éléments positifs non contestés : une amélioration des carrières,
en particulier pour les jeunes enseignants-chercheurs, la confirmation du rôle du CNU (Conseil
National des Universités) comme instance paritaire d’évaluation des enseignants, la possibilité de
décharger des enseignants-chercheurs d’une partie de leur service d’enseignement au profit de leur
activité de recherche. Une adaptation du statut des enseignants-chercheurs peut se révéler utile
pour permettre une autonomie fonctionnelle des Universités et les rendre plus efficaces. Mais cette
autonomie ne doit pas être synonyme de privatisation ou de formation de fiefs régionaux : l’échelon
national doit absolument être maintenu pour l’évaluation mais aussi pour certaines décisions
stratégiques afin d’éviter une dérive vers une politique universitaire purement gestionnaire ou
clientéliste. Cela est vrai pour sa dimension pédagogique et scientifique, pour permettre de
maintenir l’excellence française de la recherche fondamentale et de la recherche en sciences
humaines, ou le caractère national des diplômes, condition d’une libre mobilité des étudiants. Ces éléments sont nécessaires pour tenir compte du changement récent de statut des présidents
d’université : rééligibles sur 8 ans, ils quitteront de fait le statut d’enseignant-chercheur, pour
devenir de bons politiques et de bons gestionnaires ; ceci est peut-être nécessaire pour assurer un
meilleur fonctionnement de leurs établissements, mais exige en contrepartie un contrôle de leurs
décisions pédagogiques et scientifiques. La réforme de l’université actuelle présente donc une série
de points inacceptables en l’état :

* Près de mille suppressions de postes sont prévues pour l’université cette année. Le
Mouvement Démocrate considère que non seulement une réforme de l’autonomie de
l’université ne peut pas se traduire par des postes en moins, mais que l’encadrement est
insuffisant dans de nombreuses disciplines, notamment comparé aux grandes écoles. Si des
ajustements peuvent être réalisés suivant les domaines, de telles suppressions sont
inacceptables.

* Le décret propose de confier entièrement aux présidents d’universités la promotion des
enseignants-chercheurs, le CNU n’ayant plus qu’un rôle d’évaluation sans pouvoir
décisionnaire. Pourquoi changer un système qui marche et qui ne limite pas l’autonomie ?
A
l’exception de quelques promotions « spécifiques » selon des charges d’administration
universitaires ou d’organisation de la recherche, les promotions sont actuellement décidées,
pour moitié par les présidents d’université, pour moitié par le CNU. La solution proposée par
le Mouvement Démocrate consiste à ce que, d’une part, le président ne puisse promouvoir,
outre quelques promotions « spécifiques », que des enseignants-chercheurs évalués
positivement par le CNU, l’évaluation ayant lieu tous les quatre ans ; d’autre part, que les
enseignants-chercheurs évalués positivement deux fois de suite, et non promus par la
présidence, soient promus automatiquement, par décision ministérielle. Le dossier de
l’évaluation individuelle des enseignants-chercheurs mérite d’autre part d’être approfondi,
afin que la CNU puisse définir des critères transparents par filière.

* Le décret actuel prévoit une modulation des services entre enseignement et recherche,
décidée par le président. La crainte légitime des enseignants-chercheurs est de deux ordres :
d’une part que le président privilégie un point de vue purement gestionnaire au détriment de
l’évaluation du CNU. D’autre part que soient accentués les déséquilibres entre les disciplines
qui comptent un sureffectif étudiants, et celles où déjà les enseignants-chercheurs peinent à
assurer leur service, faute d’étudiants.

Le Mouvement Démocrate propose de réhabiliter la fonction d’enseignement du personnel
universitaire. De même qu’un « bon chercheur » bénéficie d’une prime d’encadrement et de
recherche (PEDR), un enseignant effectuant un service complémentaire important
d’enseignement doit bénéficier d’une prime pédagogique équivalente (entre 4000 et 6000
euros annuels). La nouvelle formulation du décret fixe un minimum d’heures
d’enseignements. Il est d’abord nécessaire qu’il fixe aussi un maximum équivalent (par
exemple 2/3 en plus, soit un maximum de 320h éq. TD). Ce principe serait ainsi transposé :

1) Les enseignants-chercheurs dont les missions seraient évaluées correctement sans plus
(service pédagogique réalisé et publications minimum) pourraient, sauf volontariat, en
rester au service actuel d’enseignement.

2) Les enseignants-chercheurs avec un excellent dossier pédagogique (supérieur au service
légal), quel que soit leur dossier recherche, pourraient demander à bénéficier d’une
prime pédagogique, si l’Université leur propose de privilégier l’enseignement. Dans le
cas d’un service complémentaire au service normal, cette prime se substituerait au
paiement d’heures supplémentaires. Cette surcharge, d’une durée limitée (4 ans
maximum par exemple), serait accompagnée de l’octroi systématique, à terme, d’un
congé pour recherche (un semestre par exemple).

3) Pour les enseignants-chercheurs avec un excellent dossier recherche, pourrait être
associée à la PEDR, sur décision du président, ou à l’IUF de droit, une décharge partielle
des charges d’enseignement.

Ainsi les présidents d’universités auront à concilier leurs choix gestionnaires avec une
évaluation impérative des personnels, puisqu’ils ne pourront proposer de modulation que
selon l’évaluation du CNU et le volontariat. D’autre part, il ne s’agirait plus de pénaliser les
« mauvais » chercheurs, mais de valoriser les « bons » enseignants. Ces mesures pourront
être adaptées pour des cas particulier, comme au sein des IUT (Instituts Universitaires de
Technologie) ou des IAE (Instituts d’Administration des Entreprises) où les charges
d’enseignement sont traditionnellement plus importantes.


Conclusion : reprendre une véritable concertation

Indéniablement, si la réforme de l’Université appelle à des évolutions nécessaires des carrières et du
fonctionnement des structures actuelles, la démarche de concertation essentielle à la fois à leur
amélioration et à leur acceptation par le monde universitaire a été totalement escamotée. La
déclaration de la présidence de la République a cristallisé l’ensemble des oppositions et constitue la
condition exactement opposée à celle d’une réforme pourtant réclamée par la communauté
universitaire. Ce n’est en effet que par une concertation aussi approfondie que possible que peut se
construire un accord durable entre ceux qui exercent la responsabilité au quotidien dans les
Universités et l’échelon exécutif.

Le Mouvement Démocrate appelle donc à l’annulation des projets de décrets actuels et à leur
refonte sur la base de ses propositions et de celles de la communauté universitaire.