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Pécresse recule, les manifestations continuent - Sylvestre Huet, Sciences2, Libéblogs, 1er avril 2009

mercredi 1er avril 2009, par Laurence

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Comment reculer sans trop le dire ? Comment manifester encore ? Valérie Pécresse se pose la première question. Les contestataires de sa politique la seconde.

Si les reculs ministériels se précisent, dans la douleur, le mouvement de contestation persiste. Demain, une manifestation doit se tenir à Paris, au Panthéon, à 14h30. A Paris, la Ronde infinie des obstinée en était hier à sa 197 h sans interruption.

Aujourd’hui, des assemblées se tiennent dans des universités, des cours sont toujours non tenus, des cérémonies de non remise des maquettes de formations, meetings... Devant la Sorbonne, un festival culturel et militant organisé par Paris-4 se déroule toute la journée. Sur place, les maquettes pour la mastérisation seront passées au poisson d’Avril. Les universitaires de Paris-1 et Paris-4 organisent une série de débats à Tolbiac, Michelet et à la Sorbonne. Un débat se tient à l’Institut Cochin à 17h30, avec entre autre la Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi. Voir ici la liste des actions du jour. Un peu partout en France puisqu’un correspondant de Martinique me signale que « l’’Université des Antilles-Guyane, malgré un mois de février chargé est mobilisée sous la forme d’une grève active et d’opérations symboliques. Pour le premier avril, nous avons décidé de marquer le coup avec des poissons d’avril QCM consacrés à la réforme et jeudi midi, nous rejoignons pour deux heures la Ronde infinie des obstinés. »

Des occupations temporaires et la plupart de temps pacifiques de rectorats ou de bureaux divers, comme celui de Lionel Collet, président de Lyon-1 et président de la CPU, sont organisées. Les réactions de la police sont de moins en moins mesurées, et virent parfois à la brutalité.

Ainsi, Helène Tison, de l’Université de Tours, relate l’agression policière contre des universitaires venus déposer leur démission de leurs responsabilités adminstratives, avec coups ayant entrainé un arrêt de travail de trois jours, gaz lacrymogènes, garde à vue de 24h. Toujours dans le registre de la perte de sang froid, cette incroyable interdiction faite vendredi par le Directeur général du Muséum national d’histoire naturelle, Bertrand Pierre Galey, à Claude-Marie Vadrot, enseignant à Paris-8, de tenir un cours public dans le jardin du Muséum. Le sujet du cours était pourtant bien choisi en harmonie avec les lieux : « la biodiversité et l’origine de la protection des espèces et des espaces ». Le professeur s’est vu interdire l’entrée dans le jardin du Muséum par des vigiles avertit de sa visite et ayant l’ordre de ne pas le laisser passer. Ubu est au pouvoir, Buffon doit se retourner dans sa tombe.

Brutalités aussi, à Rennes-2, hier, mais provoquées par la mise en situation d’affrontement d’étudiants ayant organisé un blocage des cours sans l’assentiment de la majorité des étudiants et ces derniers, de plus en plus angoissés par l’idée de perdre leur semestre d’étude. Encore une fois, le choix de l’action virulente mais minoritaire se retourne contre le mouvement de contestation. Encore une fois, des présidents d’université tentent de faire reprendre les cours avec des méthodes dangereuses pour la sécurité de tous. Le choix du pourrissement fait par le gouvernement, du refus d’annoncer clairement les reculs après avoir fanfaronné sur tous les tons qu’on ne bougerait pas montre ici toute sa nocivité et justifie sa mise en responsabilité devant ce gachis.

Voici mon papier du jour dans Libération sur les annonces d’hier de Valérie Pécresse et Xavier Darcos sur le rétablissement de 130 postes de chercheurs et la mastérisation :

"La gestion de la crise universitaire et de la recherche par Valérie Pécresse est parfois étrange. Hier, elle a choisi une entrevue avec trois directeurs de laboratoires pour annoncer un recul cent fois réclamé : le rétablissement des 130 postes de chercheurs supprimés en 2009 par un tour de passe-passe nommé « chaires d’excellence ». Ces chaires bien dotées étaient réservées à de jeunes universitaires pour leur permettre de consacrer plus de temps à la recherche… mais avec un mode de calcul pervers qui aboutissait à consommer deux postes –un pour l’université, un pour le CNRS ou l’Inserm – pour une seule personne. Du coup, alors que les chaires auraient dû rallier les suffrages de tous, elles ont concentré l’ire des scientifiques qui y voyaient une astuce de bas étage pour diminuer les effectifs du CNRS.

La manière dont la ministre a mis fin à ce point du conflit est étrange, puisque, la veille au soir, elle recevait – à sa demande – les syndicats de la recherche. Le communiqué final de cette réunion diffusé par le ministère indiquait même que ces chaires ne devaient pas se traduire par une « gestion restrictive des recrutements », formule typique de la novlangue en vigueur au cabinet de Valérie Pécresse.
Pourquoi ne pas avoir annoncé clairement qu’elle accédait à cette revendication partagée par de nombreux acteurs ?
Même interrogation quant à la réforme de la formation des enseignants. Hier, Valérie Pécresse a enfin tiré les conséquences inéluctables du recul de Xavier Darcos sur les concours de recrutement des professeurs du primaire et du secondaire. En 2009-2010, si les concours sont les mêmes, la formation ne saurait être différente. Il a fallu dix jours pour que cela soit clairement avoué dans un communiqué des deux ministres. Comme si chaque recul devait être masqué afin d’en alléger le prix politique. Au risque d’alimenter le soupçon de vouloir réintroduire par la fenêtre ce qui était sorti par la porte. L’analyse serrée du décret sur le statut alimente lui aussi de tels soupçons.

Quel but est ainsi poursuivi ? Affichage politique de fermeté, pions avancés dans la perspective de la remise sur le chantier des réformes repoussées d’un an ? Ces questions agitent les milieux organisateurs de la contestation. Les trois directeurs de laboratoire qui ont eu la primeur de l’annonce sur les 130 postes sont à la tête d’un collectif de directeurs de laboratoires qui menacent de démissionner. Quant aux syndicats et collectifs –Sauvons l’Université et Sauvons la recherche–, ils se demandent comment engranger le maximum de concessions avant les vacances de Pâques qui risquent de rendre leur contestation discrète. Elle prend des formes nouvelles comme ces occupations temporaires –le rectorat d’Orléans, ou hier celui de Bordeaux, et le bureau du président de Lyon-I, Lionel Collet–, mais la classique manifestation de jeudi constituera un moment fort de ce mouvement."