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« On cherche plus, on bricole », par Cordélia Bonal, Libération, 2 avril 2009

jeudi 2 avril 2009, par Elie

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Reportage. Les enseignants chercheurs, rejoints par des étudiants et des professeurs des écoles, ont a nouveau manifesté aujourd’hui à Paris, alors que la fin du semestre se profile.

Les t-shirts ont remplacé les manteaux, les jupes et les lunettes de soleil ont fait leur apparition. Les slogans, eux ne changent pas. Si l’air s’est radouci, les enseignants sont toujours aussi remontés. Cet après-midi à Paris, deux mois après le début du mouvement des enseignants-chercheurs, ils étaient encore plusieurs milliers (7.000 selon la police, 25.000 selon les organisateurs, soit un peu plus que le 24 mars) à défiler pour réclamer, entre autres, l’arrêt des suppressions de postes et l’abandon de la réforme du statut des enseignants-chercheurs. Essentiellement des universitaires et des personnels universitaire et des étudiants, mais aussi des instits venus de la région parisienne.

Pourtant, chez ces enseignants dorénavant rompus à la « grève active » (cours hors les murs, manifestations, envoi des cours par mail et correction des copies par le même biais, actions diverses et variées impliquant généralement des caméras et un mégaphone...), la fatigue guette. « On tient, mais ça devient épuisant », reconnaît au détour d’une phrase Nathalie, enseignante-chercheuse en microbiologie à Paris VI. Postée devant le Panthéon en attendant le départ de la manif, elle s’élève avant tout contre le « désengagement financier de l’Etat ». Comme l’année dernière et comme celle d’avant.

« Ça va vous coûter cher »

« Il y a dix ans, j’avais l’équivalent de 15 000 euros par an pour mes travaux. Je n’en ai plus que 3 000. Autrement dit en deux mois je n’ai plus rien. On ne cherche plus, on bricole. » Conséquence directe, elle a dû renvoyer tous les stagiaires et ne compte plus les candidatures qu’elle a dû refuser. Elle dit passer aujourd’hui 90% de son temps à chercher des financements plutôt qu’un nouveau vaccin. Et quand l’argent est là, c’est pour des « projets soumis à des effets de mode, qui intéressent les industriels six mois, alors que le recherche suppose une vision à long terme ».

Un peu plus loin, passé quelques pancartes « non au tri sélectif » ou « ça va vous coûter cher » (sans plus de précisions tant il semble évident que la menace s’adresse au gouvernement) puis un tintamarre de casseroles et cuillères, trois « instits désobéisseurs » discutent sur un bout de trottoir. Thomas, Djaouida et Mireille, professeurs des écoles en Seine-Saint-Denis, ne désespèrent pas de lancer un grand mouvement commun de la maternelle au supérieur, mais portent des revendications propres : le maintien de tous les postes de Rased, ces maîtres spécialisés pour accompagner les élèves en difficulté, l’abandon des nouvelles heures de soutien nées de la suppression du samedi, « inapplicables sauf à faire sortir les mômes à 20 heures », la révision des nouveaux programmes, jugés « réactionnaires », l’abandon totale de la « base élèves », qu’ils estiment être un « fichier »...

« Faudrait qu’on sache »

Certains universitaires ont repris cette semaine une partie de leurs cours, « pour ne pas trop pénaliser les étudiants », même si la plupart continuaient à dispenser des apprentissages sous une forme ou une autre. Car à quelques semaines de la fin du semestre (entre fin avril et fin mai selon les facs), la question des partiels est dans toutes les têtes. « Certains étudiants sont très inquiets, voire agressifs. D’autres nous pressent au contraire de continuer le mouvement », expliquent deux jeunes doctorantes à Paris IV.

Depuis quelques jours, les réunions se multiplient dans les facs pour trouver une issue au problème. Plusieurs scénarios sont possibles du « semestre blanc » (tout le monde valide son semestre) à un rattrapage intensif avec contrôle continu en mai-juin. « On est dans le mouvement, mais faudrait quand même qu’on sache », soupirent des étudiants en queue de cortège.