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Les BIATOSS dans le mouvement - Sylvie Coulmeau (FERC CGT), université de Paris-I Sorbonne, L’Humanité, 10 avril 2009

samedi 11 avril 2009

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Par Sylvie Coulmeau, représentante syndicale (FERC CGT) à l’université de Paris-I Sorbonne

Le personnel non-enseignant victime de la réforme universitaire
Le mouvement de contestation dans les universités, démarré en décembre 2008, ne concerne pas seulement les enseignants-chercheurs. Les personnels BIATOSS (bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers, de service et de santé), qui concourent directement au service public de l’enseignement supérieur, sont aussi touchés par les conséquences de la loi LRU (relative aux libertés et responsabilités des universités), votée le 10 août 2007 après un simulacre de concertation. Déjà depuis plusieurs années, alors que les charges de travail se sont accrues, les services des universités connaissent un manque criant de créations de postes, mais aussi un nombre important de postes non pourvus, les obligeant à recourir à des personnels non titulaires. Le passage à l’« autonomie » complète prévu par la loi LRU au plus tard le 1er janvier 2011 va encore aggraver la situation. Car il signifie, notamment, le transfert de la « masse salariale » de l’État aux établissements : concrètement, les universités devront gérer par elles-mêmes leurs « ressources humaines ». Elles doivent donc, d’une part, respecter un « plafond d’emplois » que l’établissement est autorisé à rémunérer ; d’autre part, elles sont incitées à recruter des contractuels (à durée déterminée ou indéterminée), pour occuper des fonctions d’encadrement seulement.

Par ricochet, cela induit la suppression progressive des emplois correspondant aux tâches d’exécution, qui sont pourtant utiles pour le fonctionnement quotidien… On sera donc obligé de recourir massivement à l’externalisation, dont on sait par des exemples multiples qu’elle est loin d’être efficace, ni économique. De même, le recrutement prévu de moniteurs-étudiants pour des activités de tutorat ou de service en bibliothèque, sous prétexte d’apporter une aide sociale aux plus défavorisés, n’est qu’une façon pour l’État de se dispenser de la création d’emplois statutaires et qualifiés.

Parallèlement, c’est tout un dispositif de rémunérations au mérite, avec mise en concurrence des agents entre eux, qui tend à être mis en place. Au lieu de prôner la coopération entre agents, favorable à un travail d’équipe au service du public, l’État vise des dispositifs d’individualisation des carrières, contraires aux principes sur lesquels repose la fonction publique.

Car il faut bien comprendre ce qui est en train de se passer : nombre de dysfonctionnements quotidiens sont la conséquence concrète d’une politique plus générale de casse des services publics, de suppression des emplois, de déflation des salaires et des dépenses publiques et sociales. Les différentes réformes qui sont en train de bouleverser le paysage de notre société, pour l’hôpital, La Poste, les transports, l’enseignement, sont articulées entre elles. C’est la RGPP (révision générale des politiques publiques), présentée à grand renfort de sites Internet comme « modernisation de l’État » et comme si une large concertation avait été faite auprès des citoyens. L’idée de cette vaste réforme structurelle est d’accroître le champ des activités du privé dans des domaines relevant aujourd’hui de l’État. Parallèlement, il faut réduire les effectifs par le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, voire inciter aux départs volontaires avec le projet de loi « relatif à la mobilité et aux parcours professionnels ».

Quels progrès les citoyens ont-ils à attendre des suppressions massives d’emplois, d’une précarité et d’une flexibilité extrêmes qui altéreront les conditions de travail et la qualité du service rendu ? Quelles garanties d’impartialité, de neutralité et d’égalité sur le territoire pour les usagers ? A-t-on pensé à la fonction régulatrice du service public, en particulier en ces périodes de crise aiguë ? Ne peut-on considérer l’action publique et le service public comme une richesse, notamment pour faire face aux enjeux de la crise et aux besoins de notre société ? Sur ces thèmes avaient été lancés, en avril 2008, l’appel pétition intitulé « Le service public est notre richesse » et, pour l’enseignement supérieur, l’« appel des cordeliers », en juillet 2007, qui montrent qu’il est possible de voir les choses autrement que comme on nous les assène. C’est, enfin, ce qui sous-tend la puissance des grèves, manifestations et actions de toutes ces dernières semaines qui appellent des solutions pour une réforme de fond et de progrès de notre université…