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Au bout du mouvement des facs, le cadavre du savoir ? - Régis Soubrouillard, Marianne 2, 28 mai 2009

jeudi 28 mai 2009, par Laurence

En phase d’épuisement, le conflit qui opposait depuis trois mois les universitaires au duo Sarkozy-Pécresse s’avère un puissant révélateur des errements médiatiques et politiques qui travaillent la société française, et de l’épuisement de la société de la connaissance, transformée en machine à produire des résultats.

La désastreuse victoire que le duo Sarkozy-Pécresse est en passe de remporter dans le conflit qui l’oppose depuis plus de trois mois aux universitaires et aux étudiants ne laisse pas d’étonner. Comme le jusqu’au-boutisme désespéré, le nihilisme « suicidaire », dont le Figaro crédite le dernier carré des Astérix de la culture. Cette victoire mérite que l’on s’interroge sur les conditions de sa possibilité.

Car en réalité, au-delà de l’affrontement politique, ce conflit gravissime à plus d’un titre et son issue prévisible apparaissent comme de précieux indicateurs des changements qui travaillent la société française, des indices de la mutation civilisationnelle en cours dans les pays développés. Comme l’a été d’ailleurs l’accession au pouvoir de Sarkozy lui-même. Sans ces changements, ils n’eussent pas été possibles.

Un silence assourdissant

De ce travail souterrain, ce sismographe rudimentaire que constitue le monde des médias (presse écrite et audiovisuelle), n’a rien perçu ni rien enregistré. A de très rares et timides exceptions près, un silence assourdissant a enveloppé un mouvement d’une ampleur et d’une durée exceptionnelles. Silence cependant rompu régulièrement par la reprise servile des communiqués ministériels et ponctuellement par la dénonciation éventée du rôle de l’extrême gauche dans la radicalisation du conflit.

Les « raisons » invoquées de ce silence ? La méconnaissance par les médias, censés s’informer pour informer, du monde universitaire et de ses valeurs, de la complexité de la réforme, la lutte pour le pouvoir symbolique entre deux institutions concurrentes mais également déclinantes. Et, réalité ou (et) fantasme, l’auto-censure envisagée comme une conséquence de la complicité politique entre les médias et le pouvoir.

Tout cela a joué, sans aucun doute, mais on ne prendra guère de risques à supposer que les médias ont à leur habitude avancé au feeling. Guidés par une intuition : le pressentiment que l’essentiel se joue désormais ailleurs. Le vieux monde qui n’en finit pas de mourir agace dans son agonie même, mais il serait inélégant d’objecter aux cris du moribond ou de hâter sa fin en l’étouffant sous les oreillers.

Pour le dire vite, domine au fond la conviction que tout le monde s’en fout. Pour la presse, un chien vivant, fût-il écrasé, vaudra toujours mieux qu’un lion mort. Même si le prochain cadavre, comme il est plus que probable, devait s’avérer être celui de la presse elle-même tant elle met de zèle imbécile à se suicider. N’était sa fonction démocratique, on savourerait presque l’application obtuse avec laquelle la presse écrite toujours inspirée, s’efforce de scier la branche sur laquelle elle est assise : naguère elle brocardait ces Cassandre qui alertaient sur le recul de la lecture. Aujourd’hui, elle constate effarée qu’on ne lit plus, ou si peu, les journaux et que l’information elle-même, quel que soit son support, « intéresse » de moins en moins. Amis journalistes, encore un effort ! Le pire est à venir.

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