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Les étudiants autrichiens revendiquent un enseignement de qualité et gratuit - Joëlle Stolz, Le Monde, 29 octobre 2009

jeudi 29 octobre 2009, par Laurence

"Des parents riches pour tous" : la banderole est accrochée face à l’entrée de l’Audimax, le grand amphithéâtre de l’université de Vienne, devenu en six jours le foyer d’une contestation étudiante contre la dégradation de l’enseignement public, qui gagne peu à peu d’autres villes.

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Graz et Klagenfurt, dans le sud, Innsbruck et Salzbourg, à l’ouest, connaissent à leur tour l’effervescence des assemblées générales et des occupations de locaux, un mode d’action insolite dans un pays attaché au consensus.

Des milliers de jeunes devaient manifester dans la rue, mercredi 28 octobre, pour réclamer le droit à un enseignement de qualité et totalement gratuit, deux exigences que la droite démocrate-chrétienne juge contradictoires.

"En Autriche, faire grève est tout à fait anormal, pas comme en France !", sourit la blonde Katrin, l’une des dizaines de volontaires mobilisés nuit et jour pour organiser une nébuleuse sensible aux messages postés sur les sites sociaux, Facebook ou Twitter, et aux consignes données sur le site Unibrennt.at ("l’université brûle"). Pourtant, hormis des poubelles incendiées le premier soir, l’ambiance reste sage : le cri de ralliement est "étudier sans entraves".

La dernière poussée de fièvre à l’université remontait à février 2000, lors de l’entrée de la droite populiste dans le gouvernement. Cette fois, le malaise naît de l’engorgement de certaines filières, et des incertitudes sur l’avenir.

Augmentation des inscrits

L’une des cibles des protestataires est le bachelor, ce diplôme intermédiaire conforme aux exigences européennes, mais dont beaucoup craignent qu’il ne les empêche d’accéder au master.

Autre sujet de mécontentement : les "blocs de modules" imposés depuis cette rentrée, qui rendent très difficile d’étudier de front deux matières ; et surtout le manque de crédits et d’infrastructures. La chute de l’université de Vienne, tombée de la 115e place à la 132e dans le récent palmarès international du supplément Times Higher Education, a assombri le climat.

"Il manque aux universités autrichiennes 150 millions d’euros, l’équivalent des droits d’inscription - 365 euros par semestre, introduits par la droite en 2000 - supprimés l’an dernier", souligne Werner Ramuszl, du Parti du peuple, l’ÖVP, la droite démocrate-chrétienne qui a formé en 2008 une coalition avec les sociaux-démocrates du SPÖ. Ces derniers avaient promis à leurs électeurs de rétablir la gratuité complète, une initiative que nombre d’experts jugent malvenue dans le contexte de la crise économique et d’une explosion des déficits publics.

Le nombre d’inscrits a soudain gonflé de 15 %, un phénomène aggravé par l’afflux d’étudiants allemands, les "réfugiés du numerus clausus", qui se heurtent aux barrières instaurées chez eux dans les filières les plus demandées, comme la médecine.

Un des seuls pays européens à ne pas restreindre l’entrée à l’université, l’Autriche a cependant instauré un quota en médecine pour limiter le nombre d’étudiants étrangers, et défendu jusqu’alors cette mesure contre la Commission européenne.

Beaucoup espèrent que la crise actuelle va permettre de repenser un système qui ne peut plus compter sur la seule générosité de l’Etat et se trouve aujourd’hui au bord de l’explosion.

Joëlle Stolz