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La "gestion par la performance" et la politique des primes : enquête de l’OCDE, rapport du ministère de la Fonction publique, et note de la DGAFP présentés par Pierre Gervais, Mcf en histoire à Paris VIII

mercredi 11 novembre 2009, par Elie

Vous trouverez ci-dessous la note de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique intitulée La politique indemnitaire, parue en 2006, explicitant ce qu’est la rémunération à la performance aux yeux des inspecteurs des finances qui nous gouvernent. Il est particulièrement instructif de comparer cette note avec les préconisations de l’OCDE dans un rapport de 2005, dont vous pouvez consulter un résumé ci-dessous, et avec la note du Ministère de la Fonction Publique de juillet 2005 intitulée GRH et LOLF. Gestion et reconnaissance de la performance, également à télécharger.

L’ensemble de ces documents donne les attendus de la politique des primes actuellement mise en place dans l’Enseignement supérieur et la recherche. En voici l’historique pour ceux qui n’ont pas la patience de tout lire, par Pierre Gervais, maître de conférence en histoire à Paris VIII et membre de la section 33 du Comité National du CNRS.

Le véritable enjeu des réformes actuelles est de nous placer sous l’autorité étroite de chefs hiérarchiques nommés, en particulier grâce à la "gestion par la performance", qui permettrait auxdits chefs de récompenser les bonnes volontés - et de punir par contrecoup les récalcitrants. A partir d’une enquête de l’OCDE de 2005, un groupe de travail du Ministère de la Fonction Publique a produit, la même année, un rapport sur le même sujet, rapport intitulé intitulé GRH et LOLF : Gestion et reconnaissance de la performance. En troisième lieu, les conclusions dudit rapport ont donné lieu à une note de synthèse de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique au Ministère du Budget (les gens qui nous gouvernent vraiment, tous inspecteurs des finances formés avant tout aux finances publiques). Cette note éclaire ce qui me semble être le coeur des réformes actuelles.

Ci-après, une brève analyse : les numéros de page sont celles du rapport.

- Commençons par le rapport d’origine de l’OCDE, dont les conclusions sont résumées dans le Rapport LOLF 2005. Ces conclusions sont prudentes, et incluent des éléments comme la modestie de la part d’intéressement (p. 13), son impact pratique limité (p. 13-14), la priorité à donner à l’intéressement collectif plutôt qu’individuel (p. 14), le caractère essentiel de la réflexion sur les processus d’évaluation, qui doivent être strictement encadrés par des indicateurs objectifs (p. 14), la nécessité de la concertation et du dialogue social, ainsi que d’une enveloppe budgétaire conséquente (p. 14). A noter que c’est ce que n’importe quel manuel de 1e année de BTS contrôle financier dirait aussi...

- Les conclusions du rapport du Ministère de la Fonction publique, qui font déjà disparaître une partie de ces réserves (p. 10-11 du Rapport 2005) : la performance individuelle prend le dessus chez les cadres, il n’est plus fait mention de la concertation ou du dialogue social. Reste quand même la nécessité d’indicateurs aussi objectifs que possible (même si le processus d’évaluation n’est plus mentionné en tant que tel, et on notera l’affaiblissement de la formule "aussi... que possible"), l’incertitude sur les effets pratiques (en 3 lignes de conclusion), et la nécessité d’une enveloppe budgétaire.

- la note du Ministère du budget reprend les conclusions du rapport sus-cité, mais en fait disparaître toute mention d’évaluation objective, et insiste sur la libre appréciation du manager ; la performance collective est réduite à 1/3 de l’enveloppe quel que soit le rang de l’employé ; il n’y a plus mention d’incertitudes sur les effets pratiques, ni d’enveloppe budgétaire en augmentation. Le résultat, j’en suis sûr, serait considéré comme une monstruosité par des cadres du privé, puisqu’aucune des précautions que n’importe quel DRH prendrait pour ce genre d’exercice, et qui sont mentionnées encore une fois par le moindre manuel de contrôle de gestion, n’apparaît chez ces inspecteurs des finances évidemment peu au fait de ce genre de subtilités.