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Comment transformer et structurer le système français d’Enseignement Supérieur et de Recherche ? Lettre de la CPU n° 28, 10 décembre 2009

dimanche 13 décembre 2009, par Laurence

Cette lettre figure sur le site de la CPU

Transformer et structurer le système français d’Enseignement Supérieur et de Recherche est désormais un objectif national partagé. La bonne manière d’y parvenir est en revanche un objet de débat permanent, en fonction de la cible que chacun donne à cette transformation.

Tel qu’il est actuellement présenté dans le rapport des Premiers Ministres Alain Juppé et Michel Rocard, le projet de Grand Emprunt constitue une initiative d’ampleur exceptionnelle en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il doit permettre à la France d’atteindre plus rapidement les objectifs de Lisbonne (consacrer 3% du PIB à l’économie de la connaissance), de doter le système d’enseignement supérieur et de recherche de moyens complémentaires programmables à moyen et long termes, indépendamment des fluctuations annuelles du budget du MESR, et de mettre en œuvre les recommandations du Schéma National Stratégique pour la Recherche et l’Innovation. Les moyens dédiés à cette perspective sont considérables au regard de l’enveloppe globale du Grand Emprunt, ainsi que du budget actuel de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ces moyens sont à la hauteur des enjeux de la société de la connaissance que nous construisons tous ensemble et des besoins qui doivent être mobilisés pour y parvenir.

Les différentes actions proposées, et notamment celles consacrées à l’enseignement supérieur et à la recherche, sont présentées comme devant induire de profondes transformations dans les structures, dans leur gouvernance, et dans leurs capacités et leurs niveaux de performance. Les principales missions des universités (recherche, formation, valorisation) sont prises en considération, à l’exception de la plus récente (l’orientation et l’insertion). En l’état, ces propositions visent principalement à l’augmentation radicale de la puissance scientifique, de l’attractivité internationale et de la capacité de valorisation et de transfert de technologies d’un nombre limité de grands sites universitaires français. Mais, si l’on souhaite atteindre l’objectif de 50% d’une classe d’âge diplômée de l’enseignement supérieur, ce grand emprunt devra aussi assurer la transformation et la structuration à long terme de tout le réseau des établissements publics d’enseignement supérieur et de recherche, et pas seulement d’une dizaine de sites.

C’est pourquoi nous préconisons une stratégie qui se fonde clairement sur la complémentarité entre deux « cibles » à atteindre à moyen et à long terme, reposant sur deux logiques de transformation et de structuration de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, qui nous semblent inégalement explicitées dans le rapport sur le Grand Emprunt, et notamment dans la présentation des trois premières actions proposées par MM. Juppé et Rocard.

La première logique est celle de l’excellence dans tous les domaines et pour toutes les missions, sur un petit nombre de sites à périmètre restreint, pour des tailles critiques élevées, et en vue d’une compétitivité effective dans les têtes de séries des classements mondiaux .

La seconde logique est celle de l’excellence par spécialisation fonctionnelle ou thématique des universités ou des groupements d’établissements, sans considération de masse critique ou de site restreint.

L’investissement massif dans les quelques rares sites universitaires français capables de soutenir la comparaison internationale sur tous les plans (sciences fondamentales, sciences appliquées, valorisation et création d’activité économique, pluridisciplinarité complète et à niveau égal dans tous les domaines, attractivité internationale des formations et réussite des étudiants, etc.) n’est que la première moitié d’une politique de transformation du système universitaire, l’autre moitié étant l’encouragement à la spécialisation fonctionnelle et/ou thématique des autres sites et des établissements qui excellent dans tel ou tel domaine bien identifié.

Pour satisfaire à la première logique, il faut à notre sens plus clairement articuler, voire regrouper en un seul appel d’offres, les actuels projets 1 et 3. Pour les quelques « campus » dits « mondiaux », la dimension de l’innovation technologique doit en effet être impérativement articulée avec celle de l’excellence en sciences fondamentales. En l’état, la structure du rapport Juppé-Rocard, qui sépare en deux actions distinctes (1 et 3) deux types de campus (excellence vs innovation technologique), fait la part belle à la coexistence de deux types de gouvernances qui pourraient rester étrangères l’une à l’autre, et de deux types d’acteurs dont la collaboration n’est pas garantie. En l’occurrence, la redondance dans les projets et les appels d’offres n’est pas ici un facteur de cohérence, eu égard aux finalités affichées par ailleurs.

Pour satisfaire à la seconde logique, il faut concevoir une action structurée en projets fonctionnels ou thématiques complémentaires, permettant à tous les autres sites universitaires de concourir pour valoriser leur spécialisation, leurs domaines d’excellence et leur capacité d’innovation sectorielle. Parmi ces projets, certains pourraient concerner l’innovation pédagogique et le développement de nouveaux outils d’ingénierie pédagogique, d’autres de grands domaines d’excellence scientifique originaux, et d’autres enfin des projets de valorisation et de transferts de technologie articulés sur des Instituts Carnot, des pôles de compétitivité et des sociétés régionales de valorisation. Dans cette seconde logique, il doit être également possible, à travers chacun des trois types de projets évoqués, de soutenir des outils numériques de dimension nationale, tant pour la formation que pour la recherche, ainsi que des actions en réseau régional ou inter-régional.

L’architecture du Grand Emprunt se dessinera dans les arbitrages politiques en cours, mais aussi dans la conception des appels à projets à venir. Dans la perspective des positions ici définies, la CPU souhaite activement participer à l’élaboration de leurs objectifs et de leurs cahiers des charges.
Vers des « cycles préparatoires universitaires »

Vers des « cycles préparatoires universitaires »

Lors d’une intervention au congrès de l’association des proviseurs de lycées à classes préparatoires le 17 janvier 2009, Valérie Pécresse a appelé de ses vœux la création de « classes préparatoires aux grandes écoles dans les universités ». Ces parcours auraient notamment pour objectif d’accroître l’attractivité des 1ers cycles des universités. Cette proposition figure de plus dans le rapport de Christian Philip remis à la Ministre le 7 novembre 2008 et portant plus généralement « sur les partenariats à construire entre les universités et les grandes écoles ».

Le bureau de la CPU a demandé à un groupe de travail interne1 à la CPU de faire des propositions de cadrage sur ce que pourraient être « ces classes préparatoires intégrées » aux universités.
Ce groupe de travail s’est réuni à plusieurs reprises et, conformément à sa lettre de mission, a réalisé un bref état des lieux des expériences qui existent déjà dans des universités, principalement dans les filières « des sciences exactes ».

La mise en place de ces « cycles préparatoires », dont le nom lui-même fait débat (« parcours renforcés », « classes préparatoires », « cycles préparatoires », etc.), amène obligatoirement à réfléchir à l’ensemble du premier cycle universitaire, et en particulier à l’articulation entre les Ecoles et les universités, ou aux rapports et aux différences entre CPGE, IUT et licences renforcées.

A l’aune de nombreuses expériences menées dans les universités, le groupe de travail de la CPU préconise que les cycles préparatoires universitaires obéissent aux principes généraux suivants :

1. Une forte intégration dans le cycle licence

Le cycle préparatoire universitaire n’est pas à côté des licences comme les CPGE ou les BTS. Adossé à une mention de licence, il en complète les enseignements par des UE disciplinaires ou d’ouverture et bénéficie de l’environnement universitaire, notamment sous la forme de la mobilité dans un cadre international.

2. Des effectifs maîtrisés

Parce qu’ils visent des débouchés spécifiques et exigent un investissement personnel important, il est indispensable d’accueillir dans ces cycles préparatoires universitaires des étudiants dont la probabilité de réussite est en rapport avec la spécificité du parcours et dont le projet personnel et professionnel est affirmé.

3. Des types de parcours diversifiés

Dans un souci d’égalité des chances et de richesse des profils, ces cycles préparatoires universitaires doivent être l’occasion de construire différents types de parcours adaptés à différents types de bacs.

4. Des modalités de fonctionnement innovantes

Ces cycles préparatoires universitaires peuvent être l’occasion de construire des équipes pédagogiques issues de composantes différentes, de favoriser l’interdisciplinarité et d’adopter des méthodes pédagogiques innovantes, profitant par diffusion à l’ensemble des licences.

5. Des débouchés variés

Les objectifs de ces cycles préparatoires universitaires sont d’une part l’accès direct ou via des concours à des écoles d’ingénieur, de commerce ou autres et d’autre part, la poursuite directe d’études en L3, avec la possibilité de viser un master d’excellence de l’université.


6. Des moyens appropriés

Pour pouvoir assumer les charges liées à la mise en place d’une pédagogie appropriée, il est important que la mise en œuvre de ces cycles préparatoires universitaires soit accompagnée de la mise à disposition de moyens humains et financiers comparables à ceux des CPGE. S’agissant d’accueillir des publics diversifiés, ces cycles préparatoires universitaires nécessitent des moyens humains et financiers adaptés. Une des solutions pourrait être la mise en place d’échanges de services pour des enseignants du second degré au sein de ces cycles préparatoires universitaires pour des durées limitées.

Ces premières propositions ne sont qu’une étape d’un travail qui devra faire l’objet d’échanges approfondis et être enrichi par les contributions des diverses conférences qui seront invitées au groupe de travail telles que la conférence des directeurs d’UFR sciences (CDUS), la conférence des UFR lettres et sciences humaines (CDUL), la CDEFI et toute autre conférence intéressée par le sujet.

1 Animé par Alain Brillard, Président de l’université de Haute Alsace