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"Choisir d’être payé moins pour chercher plus…"

"L’Humanité" du 5 mars 2008

vendredi 7 mars 2008, par Laurence

Chapeau :
Recherche . Les scientifiques manifestaient contre l’avenir étriqué réservé à la recherche française et la précarité des emplois, nuisibles à l’attractivité du métier.

"Avions, boulettes et grêlons : de glace ou de papier, les projectiles sont tombés dru, hier, sur le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Soutenue par la météo, une grosse centaine de chercheurs, étudiants ou enseignants, a bombardé le bâtiment pour dénoncer l’avenir étriqué réservé à la recherche française. D’autres rassemblements devaient se tenir à Toulouse, Lyon ou Strasbourg, à l’appel d’une quinzaine de syndicats. Parallèlement, près de 600 directeurs de laboratoire se réunissaient au Collège de France afin de cogiter sur le même thème (lire l’Humanité d’hier). En cause : les coupes claires opérées dans les crédits de fonctionnement, qui font chuter les budgets des laboratoires de 15 % en moyenne, ainsi que le récent discours de Nicolas Sarkozy, qui entend favoriser la recherche appliquée au détriment de la fondamentale.

Mais c’est aussi contre la précarité des emplois que les scientifiques s’exprimaient. Parmi eux, de nombreux thésards ou jeunes doctorants, dont l’avenir immédiat se voit subordonné à des bourses en nombre insuffisant ou à des CDD. À vingt-trois ans, Pablo, en première année de thèse d’immunologie, fait partie de ceux qui ont eu de la chance. Il ne devrait plus tarder à recevoir sa bourse doctorale, accordée par le ministère : 1 340 euros net par mois, pendant les trois ans que nécessiteront ses travaux. « Je sors de l’ENS. Obtenir une bourse est plus facile pour nous que pour ceux qui étudient à l’université », explique-t-il. Plus de postulants à la fac, donc proportionnellement moins d’élus. Pour ceux qui se font blackbouler, c’est la fin du voyage. Pas de bourse, pas de thèse.

Titularisation en quatre ans

« Or sans la thèse, un bac + 5 ne vaut rien, explique Hélène, en master 2. Beaucoup sont obligés de se retourner vers des emplois de niveau bac + 3. » Autre possibilité : décrocher une bourse privée auprès d’organismes tels que la Ligue contre le cancer. « Mais leur montant est plus faible et ne permet pas de cotiser pour la retraite. »De plus, elles ne sont accordées qu’aux jeunes dont les travaux répondent à un besoin ciblé par le donateur.

Une fois la thèse en poche, la course n’est pas finie. Elle ne fait même que commencer. Il faut en moyenne trois à quatre ans à un jeune chercheur avant d’être titularisé. En attendant, il saute d’un CDD à l’autre, sommé de choisir, parfois, entre un salaire honnête et l’avancée de ses travaux. C’est ce que vit Élie, vingt-cinq ans, docteur en physique depuis qu’il a soutenu sa thèse, en septembre. Il a obtenu un poste d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche : 190 heures par an. « Cela n’était pas compatible avec la poursuite de mes recherches. » Il a donc opté pour un mi-temps. Avec son bac + 8, il touche 1 180 euros net par mois. Le choix d’être moins payé pour pouvoir chercher plus, quand le temps passé dans son labo, lui, n’est ni compté, ni rémunéré. Il n’hésite pas à le dire : s’il pouvait trouver mieux à l’étranger, il partirait. D’ailleurs, il cherche, il cherche…"

Marie-Noëlle Bertrand

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