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Quelle politique régionale pour l’Université « autonome » ? Cinq questions de Sauvons l’Université ! aux candidats

samedi 30 janvier 2010

Voici cinq questions sur la politique régionale que SLU a préparées pour une opération de débat public avant les élections sur les enjeux de la politique universitaire. Ces questions sont en cours d’envoi aux principaux partis.

Nous imaginons un dispositif en trois temps :

1. Opération de publicité (envoi à tous les collègues, communiqué à la presse ou même conférence de presse sur le lancement de l’opération) autour de la remise du texte aux différentes listes politiques de la région (mais aussi de la communauté urbaine...).

Le message important consiste à dire : nous diffuserons systématiquement les réponses écrites ET les absences de réponses écrites, sur nos mailings et sur les sites de mobilisation (dont celui de SLU, vous puvez écrire pour cela à postmaster@sauvonsluniversite.com).

2. Contacts avec les politiques : par rendez-vous pour un débat etc., ou, faute de mieux, par un envoi postal.

3. Attente des réponses écrites !!

En documents joints, vous trouverez le texte en deux versions : pdf, donc, intouchable ; et word, donc "complétable". Dans tous les cas, comme l’opération sera portée par un ou des collectifs, un des syndicats, il convient bien sûr d’ajouter les sigles correspondants !

CINQ QUESTIONS AUX CANDIDATS POUR LES RÉGIONALES

Depuis les lois de décentralisation de 1982, les régions françaises ont développé leurs interventions en matière de recherche et d’enseignement supérieur, alors même que la loi ne faisait que les autoriser à agir « pour promouvoir le développement économique et social, sanitaire, culturel et scientifique de (leur) territoire ».

Ces interventions sont de deux sortes : financière et politique. C’est ainsi qu’en 2008, les conseils régionaux ont dépensé 903 millions d’euros pour la recherche et l’enseignement supérieur, tous postes confondus (bourses, participation à la construction de bâtiments universitaires, subvention à la recherche…). En outre, dans chaque Conseil d’Administration des établissements universitaires, siègent des représentants des régions, qui participent aux votes des décisions les plus importantes et ce faisant entérinent des politiques universitaires.

Aussi souhaitons-nous aujourd’hui interpeller les candidats aux prochaines élections régionales sur les principes de politique d’enseignement supérieur et de recherche qu’ils s’engagent à défendre dans les majorités auxquelles ils participeront, car la situation actuelle des universités rend urgente la clarification de leur position. En effet, alors que la quasi-totalité des régions est gouvernée par la gauche, la manière dont les conseils régionaux entendent réagir aux profonds bouleversements de la politique nationale en matière de recherche et d’enseignement supérieur est rarement explicitée.

1. QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE REGROUPEMENT ET DE FUSION DES ÉTABLISSEMENTS


=> Que constate-t-on aujourd’hui ?

Les décisions prises depuis quatre ou cinq ans (création des PRES, Plan Campus, dépenses affectées au « Grand Emprunt ») tendent à regrouper les établissements, et à diriger en priorité les financements de l’État en direction des pôles ainsi distingués.

Ces choix stratégiques, qui auront des effets structurants sur la carte des formations universitaires pour les décennies à venir, sont faits au nom de différents postulats qu’on interroge bien peu : les deux principaux sont l’utilité des classements internationaux et la prétendue nécessaire taille critique des universités.

Pour ce qui est du premier et alors même que la Ministre elle-même critique sévèrement à l’occasion le classement de Shanghai (et souhaite promouvoir un classement européen), celui-ci est utilisé comme la justification d’une politique de moyenne durée dans son ensemble. Très explicitement, on regroupe et on favorise tel pôle par rapport à tel autre pour « faire remonter les universités dans le classement de Shanghai » sans plus s’interroger sur le degré de validité de ces critères.

Quant à la question de la « taille critique » présumée des universités, taille à atteindre par des fusions et des regroupements dans les PRES, elle laisse perplexe quand on constate que les plus grandes universités américaines, souvent citées en modèles, dépassent rarement les 20 000 étudiants. Elle ne laisse pas d’inquiéter quant à la réalité des facilités de gestion des nouvelles universités « autonomes », pourtant mises en avant par les défenseurs de la loi LRU.

Il est prouvé que le nombre d’universités en France n’est pas supérieur à celui de pays comparables. Il est tout aussi prouvé que la multiplication des centres universitaires a été un des instruments indispensables de l’accès à l’enseignement supérieur d’un nombre croissant d’étudiants (multiplié par 4 depuis 1968).

Ce maillage fin est lui-même la condition, on le sait, d’une recherche de haut niveau et de la pluralité de ses formes. Une université ne reste en outre une université que si une articulation y existe entre formation initiale et recherche (voire entre formation initiale, formation continue et recherche). Si cette articulation est sacrifiée au profit d’une concentration contestable de la recherche dans une dizaine de pôles en France, au nom de l’excellence, on créera à coup sûr des déserts de recherche (la carte du plan Campus est à cet égard édifiante), menaçant par là même tant l’égalité d’accès à l’enseignement supérieur que la qualité de la recherche elle-même.

=> Question n° 1 :

Les régions doivent-elles accompagner, voire favoriser la constitution des pôles universitaires, laissant aux établissements qui n’en font pas partie un enseignement coupé de la recherche ? Quelles mesures envisager pour lutter contre les dérives de l’inégalité territoriale alimentée et renforcée par le plan Campus, le plan de relance et le Grand Emprunt ?

2. QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE SUR APPEL D’OFFRE

=> Que constate-t-on aujourd’hui ?

Alors que, depuis le pacte pour la Recherche et l’institution de l’A.N.R., une part majeure de la recherche universitaire en France est financée sur appels d’offre dont le contenu est déterminé par des agences gouvernementales, les régions ont souvent imité les nouvelles procédures étatiques et recourent massivement au financement sur concours ciblé

Ce type de financement accentue la mainmise du pouvoir politique sur la recherche. Il favorise les grosses équipes, le gonflement artificiel des budgets, le développement technologique au détriment de la recherche fondamentale, le gaspillage entraîné par l’absence de continuité des projets ainsi que la précarisation des personnels, des jeunes en particulier.

La poursuite des projets nécessite au contraire des structures stables, dotées de fonds pérennes et suffisants pour permettre une prise de risque véritable.

=> Question n° 2 :


Quelle contribution les régions peuvent-elles apporter au développement du financement pérenne des structures de recherche ? Comment les régions comptent-elles réagir au développement, souhaité par le Ministère, des fondations universitaires ?

3. QUESTIONS SUR LA POLITIQUE DE PROFESSIONALISATION DES ETUDES

=> Que constate-t-on aujourd’hui ?

« L’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants » font partie, depuis la loi Pécresse du 11 août 2007, des missions principales des Universités. De nombreuses régions ont aussi cherché à encourager le développement de formations directement utiles aux bassins d’emploi locaux.

Mais un danger se profile ici : il ne faut pas confondre une politique d’aide aux étudiants au moment de leur accès au marché du travail, avec une politique de professionnalisation des enseignements, ni une formation approfondie avec un processus favorisant l’« employabilité ».

Cette dernière n’est absolument pas souhaitable, au moins en premier cycle, tant la formation des étudiants dépend de leur maîtrise de savoirs fondamentaux, indépendants de la demande – par définition changeante – des entreprises locales.

En revanche, des formations professionnelles qui se situent après les formations généralistes et disciplinaires peuvent souvent compléter celles-ci.

=> Question n° 3 :

Comment les régions peuvent-elles s’engager à garantir cette nécessaire articulation entre formation et professionnalisation, entre formation disciplinaire et formation professionnelle ?

4. QUESTION SUR LA POLITIQUE DE GOUVERNEMENT DES UNIVERSITES

=> Que constate-t-on aujourd’hui ?

Alors que la loi Pécresse concentre les pouvoirs de décision à l’Université dans les mains du Président et du Conseil d’Administration resserré, les représentants des régions ont souvent été invités à siéger dans ces conseils, au titre des personnalités extérieures, et à participer aux délibérations et aux votes.

Depuis deux ans, dans de nombreux cas (fusions, restructurations internes visant la « performance » et la « visibilité », création de fondations universitaires …), ils ont appuyé les opérations pilotées par les Présidents, alors même que la communauté universitaire était très réservée, voire opposée à ces décisions et alertait les CA sur leurs conséquences.

Nous mettons ici en garde les élus contre cette dérive qui tourne le dos au débat démocratique : les représentants du conseil régional dans les conseils universitaires doivent être attentifs à ces différences de positions, et éviter de favoriser le pilotage managérial des universités qu’institue la législation.

=> Question n° 4 :

Lorsque des décisions importantes sont en jeu, les conseils régionaux acceptent-ils d’organiser en leur sein des délibérations où les enjeux sont posés, et de demander à leurs représentants de suivre l’avis de l’assemblée ?

5. QUESTION SUR LES MENACES PESANT SUR LE STATUT DES PERSONNELS UNIVERSITAIRES

=> Que constate-t-on aujourd’hui ?

L’un des effets de la loi LRU est d’induire une modification importante au sein des universités en termes de gestion des personnels, aujourd’hui appelés « ressources humaines », comme dans les grandes entreprises.

Les établissements sont désormais en mesure, beaucoup plus que par le passé, de recruter des personnels contractuels (personnel administratif, enseignant, chercheur), et d’établir des modes de rémunération qui, notamment par le biais des primes (de fonction et de résultats, d’excellence scientifique, etc.), font voler en éclats la grille indiciaire de la fonction publique, ouvrant la voie à une individualisation des carrières et des rémunérations.

Ce qui est ainsi engagé, c’est un processus de précarisation, lequel va non seulement provoquer une contractualisation massive dans les universités, mais aussi introduire en leur sein un principe de concurrence entre individus et entre structures gravement dommageable à la collégialité et à l’esprit d’équipe, indispensables à la poursuite et au renforcement des recherches et des enseignements de haut niveau.

=> Question n° 5 :

Comment les régions, notamment par le biais de leurs représentants aux conseils d’administration, peuvent-elles veiller à la défense du statut de fonctionnaire d’Etat de la majorité des personnels universitaires ? Comment peuvent-elles lutter contre la précarisation des statuts dans l’enseignement supérieur et la recherche ?


Sauvons l’Université !
20 janvier 2010.