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Quand l’Histoire au collège oublie ceux qui l’ont faite - par Bernard Girard, enseignant, Rue89, 8 février 2010

mardi 9 février 2010, par Laurence

« Mais, monsieur, pourquoi le pharaon était-il si riche ? » A cette question posée ingénument mais néanmoins légitimement par un élève de 6e, il n’y aura pas de réponse, du moins pas de réponse officielle dans un cours d’Histoire en collège : les nouveaux programmes d’Histoire de collège (en doc joint) sont muets sur la crue du Nil et le travail des paysans, sans lesquels les pyramides n’auraient pourtant jamais vu le jour.

Mais un élève de 11 ans n’est pas censé comprendre qu’avant le pouvoir du souverain et les œuvres d’art, il y a toujours le travail du « petit » peuple et les richesses qu’il dégage.

Pas de paysans au programme

Chose curieuse : alors que dans l’histoire des hommes, le travail de la terre est, jusqu’à une époque récente, la source principale -quand ce n’est pas quasi-unique- de l’accumulation des richesses, les paysans sont totalement ignorés des programmes scolaires. Jugés peu dignes, sans doute, de compter au nombre des « acteurs de l’Histoire », titre que les auteurs des programmes réservent sans l’ombre d’une hésitation aux « grands personnages », comprenez les chefs politiques et militaires.

Durant toute leur scolarité en collège, les élèves n’auront droit qu’à une fugitive apparition du monde rural, en classe de 5e, dans le cadre de la seigneurie féodale.

Simple négligence ou choix idéologique ? On penchera plus volontiers pour la seconde hypothèse si l’on veut bien considérer que les travailleurs manuels sont totalement absents des programmes, comme si l’on voulait les faire disparaître de la mémoire collective. Les « ouvriers et ouvrières de la Belle Époque » sont rapidement mentionnés en classe de 4e, parce qu’il est effectivement difficile de faire autrement, mais c’est tout.

Si les travailleurs se font discrets au point d’en être invisibles, il n’en va pas de même pour l’entreprise qui fait une entrée remarquée dans les programmes : parmi les capacités demandées aux élèves de 3e -âgés de 14 ans-, il est demandé de « décrire et expliquer l’évolution des formes de production, de la dimension familiale à la firme multinationale ».

Les élèves de 5e, quant à eux, doivent se glisser dans la peau d’une « famille de banquiers ou de marchands ». On peut se demander si la volonté de gommer toute dimension sociologique des programmes de SES, en lycée, n’est pas déjà à l’œuvre avec les programmes d’histoire de collège et si, comme on a pu l’écrire, « le chômage disparaît du programme de SES », l’histoire des travailleurs ne connaît pas le même sort.

Les « grands hommes » valent mieux que le petit peuple

Les nouveaux programmes de collège -applicables depuis la rentrée 2009- font la part belle à l’Histoire étroitement politique : les régimes politiques de la France jusqu’en 1914 ou tout au long du XXe siècle, à décliner impérativement comme une longue litanie, occupent une place extravagante dans le cursus des élèves, sans qu’on se préoccupe sérieusement de ce qu’ils en maîtriseront.

Le socle commun de compétences et de connaissances, joint à la loi d’orientation de 2006, insiste pourtant sur « la volonté de donner du sens à la culture scolaire fondamentale, en se plaçant du point de vue de l’élève ».

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