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Mastérisation : où en sommes-nous ce 28 mars 2010 ? Une lettre du SNESup de Lyon II (28 mars 2010).

dimanche 28 mars 2010, par Laurence

Chers collègues,

Les universités pratiquent en ce moment un round d’observation prolongé, comme en attestent les informations qui nous viennent de diverses universités : Paris 1 attend que Paris 3, 4 ou 10 prennent une décision, pour justifier ensuite de sa remontée des maquettes ; Saint-Etienne attend que Lyon se prononce ; Lyon1-2-3 bougent leurs calendriers et leurs ordres du jour respectifs (conseils d’UFR, CEVU...), une valse-hésitation qu’on peut comprendre comme l’attente que l’une d’entre elles se décide à agir, pour s’engouffrer dans la brèche de l’application. Cette phase de suspens, de "réserve", ne durera que jusqu’au 30 avril, date butoir : c’est alors, et même avant lors du CEVU de Lyon 2 du 9 avril, que nous devrons dire si, oui ou non, nous universitaires, nous voulons être à l’origine de l’application d’une réforme agouante et destructrice comme jamais.

Nous avons connu une telle situation de suspens durant l’automne 2009 : à Lyon, il avait suffi d’une motion, partie d’une faculté, remontée au CA de Lyon 2 et défendue par les élus PAU, pour gagner ensuite le PRES ; ce qui s’était passé à Lyon s’était produit de la même manière ailleurs. "Mais les conditions ne sont plus les mêmes, le rapport de forces a changé", disent certains, après la fin du mouvement du printemps 2009.

Qu’est-ce qui a changé ? Tout ce qui a été prédit dès juin 2008 par les organisations syndicales (SNESup, FO, CGT) et non syndicales (SLU) se réalise, de pis en pis à chaque nouveau texte : élèves du primaire et du secondaire livrés à des enseignants sans formation, allongement des études sans soutien financier pour les étudiants les plus pauvres, enseignants futurs précaires à vie, enseignants-chercheurs sans service et menacés par la loi mobilité, IUFM sacrifiés, essor du chômage par suppression de postes par dizaines de milliers (50 000 depuis 2002, 16000 en 2010 avec la mastérisation), fin des concours en ligne de mire. Sans parler des masters recherche détruits, d’un calendrier de stages ingérable et d’un calendrier des concours inadmissible.

Il n’y a donc rien de nouveau, si ce n’est un passage en force et l’affirmation de plus en plus destructrice à tous niveaux de la politique libérale du gouvernement, que toute la communauté universitaire condamne à présent comme telle. Une raison de redresser la tête pour ne pas accepter dix fois pire que ce contre quoi nous avons lutté en 2009. Ce qui a vraiment changé, c’est notre protestation, transformée pour beaucoup d’entre nous en accablement. La stratégie du "choc et stupeur" l’emporte, au gré des passages en force du ministère et d’une accumulation invraisemblable de textes parfois contradictoires (décrets concours de juillet 2009, documents ministériels de novembre 2009, circulaire sur les maquettes du 23/12/09, arrêtés sur les modalités des concours du 28/12/09, arrêté du 31/12/09 sur le niveau de qualification pour inscription aux concours, circulaire du BO de janvier 2010 sur "agir en fonctionnaire éthique et responsable" ; arrêté à venir sur le cahier des charges de la formation des enseignants). Durant le mouvement de 2009, nous avons dit aux étudiants : "nous sommes enseignants-chercheurs, notre niveau d’études et de qualification est le garant de notre esprit critique, préserver les SHS, c’est préserver l’action citoyenne, la conscience critique, la volonté et l’esprit de résistance". "Nous ne nous coucherons pas", fut-il ajouté lors de la Nuit blanche de l’Université.

Malgré la fatigue, la lutte au quotidien contre des mesures insensées, malgré un sentiment défaitiste, nous ne nous couchons pas. Dès janvier, des universités, à leur plus haut niveau, ont pris la courageuse décision de dire NON (ainsi du CA de Bordeaux 3 et du congrès (CA, CS,CEVU) de Paris 8, parmi les premières). Au-delà des appels à la non-remontée des maquettes, un cap vient d’être franchi depuis dix jours, qui croît de composante en composante (voir fichier joint) :

- une soixantaine de collègues de l’UFR d’histoire-géographie de l’université Paris X- Nanterre se refuse à la quasi-unanimité à préparer au CAPES d’histoire-géographie pour la session 2010 (position votée le 15 mars et confirmée le 25 mars) ;

- les collègues de l’UFR d’études anglophones de l’université Paris 7 se refusent également à préparer au CAPES d’anglais pour la session 2010 (position du 22 mars) ; ceux de l’UFR d’italien de l’université Paris 3 ne présenteront pas de nouveau parcours de master, tout comme ceux de l’UFR Langues et civilisations de l’université Paris 13 (votes du 23 mars) ;

- les collègues de l’UFR Lettres et sciences humaines et de l’UFR d’histoire de l’université de Nantes demandent un moratoire et ne présentent pas de maquette (votes des 24 et 25 mars), tout comme l’UFR de Lettres et Langues de l’université de Tours qui refuse la maquette des masters enseignement (vote du 25 mars), etc.

- des IUFM sont en grève et/ou s’opposent à la mise en place de la mastérisation, du tutorat et du remplacement des enseignants stagiaires par des étudiants stagiaires de master 2 : ainsi des appels et actions lancés par les IUFM de Besançon, Grenoble, Livry-Gargan, Paris, Strasbourg, Toulouse...

- de très nombreux lycées et collèges (Paris, Franche-Comté) refusent également la mise en place des stages.

Le projet d’arrêté sur le cahier des charges de la formation des enseignants n’y est sans doute pas pour rien. Tout comme la LRU qui, sous prétexte d’autonomie, renforce la tutelle ministérielle, ce projet d’arrêté accroît la main-mise du rectorat sur la formation des enseignants, au détriment des universités : fin du cadrage national, fin des formations des futurs enseignants, fin du volume horaire d’enseignements... et fin, définitivement actée, des IUFM.

La CPU elle-même (voir fichier joint) prend conscience que l’université va à la ruine en acceptant la réforme et va jusqu’à formuler des "exigences" ; les organisations syndicales (FSU, SGEN-CFDT, FO) réagissent très vigoureusement contre ce projet, rappelant leur demande de non remontée des maquettes (FSU) ou demandant au ministère des garanties de non représailles pour les personnels optant pour une non remontée (FO) - voir fichier joint.

Regardons les choses en face : voulons-nous dire au ministère que c’est nous qui voulons la réforme en proposant les premiers parcours d’application ? Accepterons-nous, en conscience, en "fonctionnaires éthiques et responsables", de préparer en septembre 2010 les étudiants aux écrits du concours de PE en 0 mois de cours, du CAPES en 2 mois de cours, en cautionnant l’ouverture du chantier précarité pour les futurs recalés aux concours ?

L’action courageuse des collègues historiens, géographes, linguistes, littéraires des universités pré-citées, est celle de collègues qui ne veulent pas se coucher devant l’arbitraire. A nous de relayer, au nom de la solidarité, de notre conscience d’intellectuels engagés (qui nous sommes engagés auprès des étudiants) et de notre volonté de sauver le service public et l’Éducation Nationale en particulier, en préservant le métier d’enseignant et la formation des jeunes, de la maternelle à l’université.

Nous avons à faire le choix du collectif, dans l’esprit du service public, ou de nos carrières individuelles, dans l’esprit de la LRU.

SNESup Lyon-II