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La crise ralentit le développement des fondations universitaires - Philippe Jacqué, Le Monde, 10 juin 2010

vendredi 11 juin 2010, par Mathieu

Pour lire cet article sur le site du Monde.

Cergy-Pontoise, Rennes-I, Toulouse-III et même Paris-VIII. Depuis le début de l’année 2010, ces quatre universités ont créé leur fondation, une possibilité offerte par la loi d’autonomie de 2007.

Depuis trois ans, près d’une trentaine d’universités ont sauté le pas et réussi à lever environ 62 millions d’euros, dont 30 millions pour la seule fondation de l’école d’économie de Toulouse (Toulouse-I). Une trentaine d’autres institutions peaufinent leur projet de fondation, malgré la crise économique.

"La crise, nous ne la sentons pas beaucoup du côté des entreprises avec lesquelles nous travaillons, car leur intérêt pour la recherche est très vif. Elles l’ont inscrite dans leurs priorités stratégiques. Donc, crise ou pas, elles investiront tôt ou tard dans des chaires de recherche ou des projets spécifiques...", explique Patrick Llerena, directeur de la fondation de l’université de Strasbourg.

A Toulouse-III, "il y a en revanche un effet crise incontestable, les entreprises prennent leur temps… Quant aux donateurs individuels, il n’existe pas encore de culture de don aux universités. Sur différents tests menés auprès de nos anciens, nous avons obtenu un nombre ridicule de dons", relève Marc Boyer, en charge de la fondation Catalyses.

Ce n’est donc pas anormal si les premières levées de fonds des fondations restent modestes, de quelques milliers d’euros à quatre millions d’euros pour les universités les plus ambitieuses.

CONCURRENCES ABERRANTES

"Ce n’est pas plus mal", juge Louise Giroux, du cabinet Philanthrôpia, qui conseille entre autres l’université de Strasbourg. "Il vaut mieux commencer petit, développer sa stratégie et mettre en place ses structures, avant de se lancer dans de grandes levées de fonds de 100 millions d’euros à l’image d’HEC". D’autant plus que "la crise a changé un peu la cartographie de la collecte de fond. Les décisions de se lancer sont plus lentes. 2010 et 2011 seront encore des années difficiles, mais la France a déjà fait un grand pas, elle doit désormais faire un très grand pas... ", poursuit la spécialiste canadienne.

Au-delà, la démultiplication des fondations d’universités crée des concurrences aberrantes. "Dans les salles d’attentes des grandes entreprises, mes confrères d’autres fondations font la queue...", explique Rodolphe Guoin, en charge de la fondation de l’université de Bordeaux, qui coiffe l’ensemble des établissements de la ville.

En revanche, à Lyon, au moins une quinzaine de fondations d’universités, de centres de recherche, etc. coexistent pour l’instant, ce qui fait dire à Lionel Collet, président de l’université Lyon-I, qu’il va falloir "rationaliser" l’organisation des fondations. L’idée serait de créer une fondation abritant, au niveau du pôle de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) de l’université de Lyon, l’ensemble des fonds de dotation et fondations du site.

Reste une chose de sûre, les fondations doivent être envisagées comme des sources de financements complémentaires pour des projets d’intérêt général, et non comme une source de substitution aux financements de l’Etat. "S’il se désengage, explique Yael Aferiat, de l’Association française de fundraiser [leveurs de fonds], le privé ne financera pas à sa place les universités…"

Paris-VIII Saint-Denis s’engage dans une fondation

C’est une petite révolution. L’université Paris-VIII a décidé mi-mai de créer sa propre fondation universitaire en s’appuyant sur son très important réseau d’anciens. "Notre université a un atout qui fait à la fois sa force et sa faiblesse : elle dispose d’une identité très forte.", explique son président Pascal Binczak.

En sollicitant ses anciens et des entreprises, la fondation Paris-VIII souhaite financer des bourses ou compléments de bourses sociales ou de mobilité. "Sans cela, à terme, ce sont les capacités de l’université à recruter et à faire réussir des publics défavorisés qui risquent d’être remises en cause", prévient le président d’université, qui ne s’attend pas non plus à voir pleuvoir les billets de banque : "Ouvrir une fondation est une entreprise au long cours. Au départ, cela coûtera plus cher. Il faut donner du temps au temps."


Lire également, dans le pdf ci-dessous, les deux autres articles de Ph. Jacqué paru dans la même édition du Monde, "La France universitaire se convertit aux fondations" et "La turbulente Paris-VIII Saint-Denis parie sur ses anciens".