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Retraites : les syndicats étudiants jouent la pédagogie pour mobiliser, Le Monde, 12 octobre 2010

mardi 12 octobre 2010, par Martin Rossignole

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Expliquer pour convaincre : la méthode des syndicats étudiants, qui veulent intégrer largement les universités à la protestation nationale contre la réforme des retraites, a été particulièrement rodée avant la rentrée universitaire. Dans les couloirs des facs, où les affiches appelant aux assemblée générales (AG) ont fleuri sur les murs à côté des nouveaux emplois du temps, l’heure est, de l’avis de tous, à la "pédagogie".

"Notre but, en ce moment, c’est de multiplier les rendez-vous pour démontrer quel sera l’impact de la réforme sur les milieux étudiants" explique Ichem, membre de l’UNEF Paris-IV Sorbonne, pour qui le mot d’ordre est simple : "Le retrait du texte d’Eric Woerth."

LE 12 OCTOBRE : UNE JOURNÉE DE TEST

Dans l’antenne de Paris-IV, à Porte de Clignancourt, lundi matin, 150 personnes ont participé à l’assemblée générale. Suivant l’appel de l’Unef, les élèves présents votent sans difficulté la journée "fac morte", et la création d’équipes qui iront mardi matin à la rencontre des étudiants pour les convaincre d’aller manifester avec eux. Une journée de test pour les organisations syndicales qui verront à quel point elles sont suivies dans les universités.

Beaucoup sont déjà convaincus de la nécessité d’actions fortes destinées à relancer rapidement la contestation nationale. "Faut se rendre compte que les salariés de la SCNF, de la RATP ou des raffineries vont, eux, perdre une ou plusieurs journées de salaire dans les jours à venir pour défendre le morceau. Si on se contente d’aller en manif’, on a l’air de rien", s’époumonne Claire de l’UNEF, suivie d’applaudissements nourris.

"TRAVAILLER L’ARGUMENTATIF"

Pour introduire le débat, des membres du syndicat Sud ont présenté, au rétroprojecteur, un document retraçant les principaux points de la réforme : évolution de l’âge de départ à la retraite, du montant des salaires, des pensions... Une présentation aux allures de cours magistral, graphiques et chiffres à l’appui.

Le ’comité de mobilisation’ promet également de distribuer rapidement un document explicatif de quatre pages, s’appuyant sur les travaux du collectif "Retraites, une affaire de jeunes" qui s’est associé au mouvement lycéen. "La priorité, c’est de travailler l’argumentatif, pour ramener les gens qui ne sont pas du tout mobilisés" rabâchent les coordinateurs de l’UNEF à l’attention des rédacteurs, désignés après l’assemblée générale.

Raison pour laquelle est mis en avant un thème fédérateur : la précarité étudiante et le taux de chômage à la sortie des études, au cœur des débats de l’assemblée générable. "La réforme, c’est un million d’emplois en moins sur le marché qu’on enlève directement aux jeunes, et ce seront autant de cotisations en moins pour financer les caisses de retraites" détaille l’un des syndiqués devant les étudiants.

"UN LEVIER ÉNORME POUR LA SUITE"

Les arguments font mouche chez ceux venus "sans avoir forcément conscience de la portée du débat", comme le dit Baptiste, qui a pris des notes sur son cahier de cours. "C’est comme ça qu’on y arrivera vraiment. Sarkozy a dit qu’il fallait nous surveiller ’comme le lait sur le feu’. Nous savons que nous sommes potentiellement un levier énorme pour la suite de la contestation", expliquent les jeunes syndiqués de Sud et de l’UNEF.

Raison pour laquelle les organisations étudiantes travaillent actuellement main dans la main, en marge de ces rendez-vous d’information. Une "coordination francilienne "a ainsi vu le jour le 5 octobre, et doit prochainement rassembler des délégués de chaque université d’Ile-de-France. Ils décideront, par la suite, de l’opportunité d’organiser des solutions plus radicales, comme les blocages et les grèves à répétition, réclamés par de nombreux participants de l’assemblée.

Une éventualité encore loin de faire l’unanimité : "laissez-nous avoir cours" piaffent un groupe d’étudiants de Paris IV, déjà furieux que l’assemblée générale déborde sur leur cours magistral. Invités par les syndicats à entrer dans l’amphi, ils refusent de participer à la réunion, sauf pour demander si les emplois du temps de la semaine seront modifiés.

"Ce qu’on veut d’abord réussir notre année et travailler, les retraites, c’est pour plus tard" résume une jeune fille, classeur sous le bras. Ne baissant pas les bras, les membres de Sud et de l’UNEF l’invitent à se joindre à eux lors de la prochaine assemblée générale, prévue pour jeudi. Et affuteront ensuite tout l’après-midi les arguments destinés à la faire changer d’avis.

Michaël Szadkowski