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Le doctorat, c’est l’excellence / l’excellence, c’est ce qu’il y a de mieux : c’est sûr, le nouvel âge d’or de la recherche française est là. "Faire du doctorat le diplôme-phare", discours de V. Pécresse, 17 novembre 2010

jeudi 18 novembre 2010, par Chabadabada

Pour lire ce discours sur le site du MESR.

A l’occasion du 30ème anniversaire de l’Association Bernard Grégory, Valérie Pécresse a rappelé le contrat doctoral a permis d’améliorer le statut des docteurs, de renforcer leur formation et de transformer enfin les conditions de leur insertion professionnelle, en faisant du doctorat une véritable expérience professionnelle. Elle a ajouté qu’il était nécessaire de renforcer les pouvoirs des Pôles de recherche et d’enseignement supérieur dans le domaine de la diplômation.

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie très sincèrement, Madame la Directrice, de votre invitation à célébrer aujourd’hui avec vous les 30 ans de l’ABG. Je dis un peu familièrement l’ABG, car c’est ainsi que tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche désignent communément votre association, preuve, s’il en était besoin, de la place qu’elle occupe désormais dans le paysage universitaire. Celui-ci évolue, et l’ABG évolue avec lui au service des doctorants et des docteurs, au service de la recherche et du rayonnement des universités.

Si je suis tout particulièrement heureuse d’être avec vous ce soir, c’est que j’ai fait de la revalorisation du doctorat l’un des piliers des réformes engagées depuis trois ans. Mon objectif, vous le savez, c’est de replacer l’enseignement supérieur et la recherche au cœur de notre société et de notre économie. Et la pierre de touche de cette action, c’est précisément l’avenir professionnel des docteurs.

Parce qu’il incarne l’excellence de la recherche française, ce diplôme, le plus élevé et le plus exigeant de tous, doit devenir le diplôme-phare de notre enseignement supérieur. Le doctorat, ce n’est pas un diplôme comme un autre, c’est le symbole même de la formation par la recherche et de notre capacité d’innovation au service de l’économie tout entière.

Et vous le savez mieux que quiconque : dans notre pays, le doctorat n’occupe pas encore toute la place qu’il mérite. La raison, vous la connaissez : c’est la séparation, héritée de l’histoire, entre les grandes écoles et l’université : aux unes, il revenait de former les ingénieurs et les managers, aux autres, les docteurs. Et entre ces deux mondes, les passerelles étaient trop rares.

Le résultat, nous le connaissons également : à la différence des autres grands pays de science, nous formons les cadres de la Nation sans qu’ils aient, à un moment ou à un autre de leur parcours, à se frotter à la recherche – et cela n’est pas sans conséquence sur notre capacité à innover.

Et en retour, nos docteurs eux-mêmes peinent trop souvent à s’insérer en dehors du monde de la recherche, au point d’être plus durement frappés par le chômage que les diplômés de Master. Ce paradoxe français, Mesdames et Messieurs, je ne m’y résous pas. La raison d’être l’ABG, c’est d’y mettre fin. Eh bien, je voulais vous le dire ce soir : vous pouvez encore et toujours compter sur mon engagement total à vos côtés.

Car oui, il fallait agir, et c’est ce que nous avons fait. Pour en finir avec ce particularisme français, qui faisait du diplôme le plus prestigieux un passeport incertain pour l’emploi, nous avons amélioré le statut des docteurs, renforcé leur formation et transformé enfin les conditions de leur insertion professionnelle, pour faire du doctorat non seulement un titre d’excellence, mais une expérience professionnelle à part entière, reconnue comme telle par le monde de l’entreprise.

Ces trois enjeux, le statut, la formation, l’insertion, nous y avons répondu en créant à la rentrée 2009 le contrat doctoral, qui est désormais un vrai contrat de travail, avec des garanties sociales et une rémunération minimale assurée. Les années de thèse sont du même coup prises en compte dans l’ancienneté des chercheurs et enseignants-chercheurs, ce qui leur permet à la fois de commencer leur carrière à un échelon plus élevé, en étant mieux rémunérés et en cotisant plus tôt pour leur retraite.

C’est un grand progrès, dont on bénéficié en 2009 près de 5 500 doctorants. Et ce progrès, les docteurs en bénéficient également dans les entreprises, car là aussi, ils peuvent faire reconnaître leurs années de thèse comme des années d’activité.

Le contrat doctoral, c’est aussi la garantie d’une meilleure formation. Non seulement son bénéficiaire peut exercer tout type de mission liée aux métiers de la recherche – valorisation, missions de conseil ou d’expertise pour les entreprises ou les collectivités publiques, et bien sûr enseignement –, mais l’employeur est tenu de lui offrir la formation nécessaire à l’accomplissement de ces missions en même temps qu’une préparation à la poursuite de son parcours professionnel.

Car tel est bien l’enjeu : ouvrir aux jeunes docteurs non seulement les portes de la recherche publique, dont le potentiel sera bientôt démultiplié par les 22 Mds des investissements d’avenir, mais aussi celles de l’entreprise. Il faut le dire et le répéter : il existe aujourd’hui de véritables perspectives d’embauche pour les docteurs, en dehors même du champ académique et des emplois liés à la recherche. Leurs qualités d’analyse, de rigueur et d’autonomie sont enfin reconnues.

Pour cela, il était nécessaire que les docteurs et les entreprises se rencontrent. Il a fallu du temps. Parce qu’elles ne mesuraient pas toujours ce que pouvait leur apporter la recherche, les entreprises ont vu trop longtemps dans le doctorat un diplôme prestigieux, mais sans véritable dimension professionnelle. Et en retour, les doctorants et les docteurs eux-mêmes hésitaient bien souvent à se tourner vers les recruteurs privés.

Les mentalités ont à présent changé : les conventions industrielles de formation par la recherche ont ouvert la voie, stimulant le développement de la recherche privée et, avec elle, le recrutement de jeunes docteurs. Et ça marche : car 96% des bénéficiaires de CIFRE trouvent un emploi en moins d’un an, dont 72% dans le secteur privé. Depuis 3 ans, le dispositif a véritablement décollé, passant d’environ 700 conventions chaque année à 1200. Nous devons accompagner sa montée en puissance en finançant d’ici 2013 les 200 conventions supplémentaires que nous demandent les entreprises.

Nous avons agi aussi avec le Crédit impôt recherche, dont l’un des objectifs est d’inciter au recrutement de jeunes docteurs.

Vous le savez, en stimulant la R&D dans le secteur privé, le CIR contribue au renforcement de la capacité d’innovation et de la compétitivité de nos entreprises. Il ouvre ainsi de nouveaux débouchés aux docteurs, dont l’embauche en CDI compte double dans l’assiette des dépenses éligibles. Il faut poursuivre dans cette voie, et c’est pourquoi je me suis battue à l’Assemblée nationale pour le maintien du dispositif « jeunes chercheurs » du Crédit impôt recherche.

Nous soutenons enfin l’appel à projet « Retour Post-docs », lancé en 2009 par l’ANR, qui a déjà permis à 25 jeunes chercheurs partis à l’étranger de revenir en France pour mener leur projet. Devant le succès de ce programme, j’ai décidé de porter le délai d’éligibilité de 3 à 5 ans après le doctorat pour que la France ne se prive d’aucun talent.

Récemment encore, les résultats du concours ERC pour les jeunes chercheurs ont confirmé l’attractivité de la France dans le paysage européen. 71 post-docs ont choisi de mener leur projet de recherche dans des laboratoires français, ce qui place la France en 2ème pays hôte derrière le Royaume Uni. C’est une bonne nouvelle, qui témoigne du chemin parcouru.

Une première étape est donc désormais franchie. Mais je veux aller plus loin encore, en encourageant les diplômés d’écoles des écoles d’ingénieurs et de management à faire eux aussi le choix du doctorat.

Le temps est désormais révolu, où un ingénieur avait intérêt à masquer son doctorat sur un CV. Un nombre croissant de jeunes diplômés s’engagent aujourd’hui dans les études doctorales. Leur pourcentage, qui se situe entre 7% et 15% des diplômés selon les écoles, avoisine même 30% pour celles qui disposent de plusieurs laboratoires communs avec une grande université scientifique. C’est le cas, par exemple, de l’École nationale supérieure de chimie de Paris.

Je veux saluer l’engagement des écoles, qui ont compris que le temps était venu de miser sur le doctorat et de multiplier les partenariats avec les universités. C’est une très bonne nouvelle.

Des écoles qui se consacrent davantage à la recherche, des universités plus soucieuses de l’insertion professionnelle de leurs diplômés : le rapprochement de ces deux cultures est la clef de l’avenir du doctorat.

Les PRES, en particulier, jouent désormais un rôle de coordination stratégique de l’offre de formation à l’échelle d’un territoire. Avec, à la clef, une organisation plus cohérente, des formations communes et une visibilité renforcée. Bordeaux a ainsi choisi une organisation des niveaux Master et Doctorat de type « graduate school » dans chaque grand domaine de compétence. Paris-Est pense son action par grands collèges thématiques : formations liées à la ville, à l’image et au son. Montpellier organise une offre unique inter-établissements en biologie-santé et en chimie. En matière d’ingénierie, les recompositions sont nombreuses : ParisTech, Clermont, Toulouse. A Lyon, la constitution du PRES a permis d’offrir un cadre commun aux 17 écoles doctorales, qui disposent désormais d’une charte des thèses et mutualisent leurs pratiques tout en conservant une marge d’autonomie.

Cette évolution doit se poursuivre. C’est pourquoi je soutiens la PPL déposée par les sénateurs Adnot et Dupont, qui vise notamment à renforcer les pouvoirs du PRES dans le domaine de la diplômation. Je souhaite également engager une contractualisation avec les PRES volontaires dès la prochaine vague contractuelle, dans une logique de subsidiarité avec les contrats existants.

Ce passeport pour l’emploi passe par la reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives, comme c’est déjà le cas dans la Chimie. Il passe aussi par l’ouverture de certains concours administratifs aux titulaires du doctorat, par des voies spécifiques qu’il nous reste à construire.

Dans ce domaine aussi, les investissements d’avenir ouvrent de nouvelles perspectives. Quelle que soit la formule retenue – coopération renforcée au sein d’un PRES de 2ème génération, université confédérale ou grand établissement –, les évolutions en cours vont dans le sens d’un resserrement des liens entre écoles et universités. Le renforcement des écoles doctorales et le développement de leur offre de formation contribueront à la reconnaissance pleine et entière du doctorat comme passeport vers les emplois hautement qualifiés dont nous avons besoin.

Mesdames et Messieurs,

Depuis plus de 3 ans, nous avons engagé un effort sans précédent en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche, un effort qui s’ajoute à l’augmentation du budget de nos universités et aux opérations que l’État finance par ailleurs.

De nouveaux campus vont voir le jour, qui ouvriront la voie à des partenariats toujours plus étroits avec les entreprises : l’expertise et le talent de nos doctorants seront autant d’atouts pour accélérer encore l’innovation et le transfert technologique. Car dans la société de la connaissance, les docteurs sont partout.

Ce nouvel âge d’or qui s’ouvre pour la recherche française marquera aussi, j’en suis sûre, une nouvelle étape dans l’histoire de l’ABG. Depuis 30 ans, vous travaillez inlassablement à l’insertion professionnelle des jeunes docteurs et à la promotion de la formation à la recherche et par la recherche dans le monde socio-économique. Vous participez à leur formation et développez des outils d’accompagnement toujours plus performants.

Aujourd’hui, plus que jamais, vous avez un rôle essentiel à jouer : d’information des doctorants, mais aussi d’interface avec les entreprises. L’augmentation des recrutements dans le secteur privé, stimulée par le Crédit impôt recherche, ne nous dispense pas, vous le savez, de travailler encore plus étroitement avec les écoles doctorales, les universités, les organismes de recherche, les entreprises et les collectivités territoriales pour bâtir, dans la continuité des efforts engagés depuis 3 ans, une véritable reconnaissance du doctorat.

Pour cela, vous vous êtes dotés en mai dernier de nouveaux statuts qui reflètent la vocation partenariale de l’ABG. La composition de vos instances témoigne de votre volonté de renforcer vos liens avec l’ensemble des acteurs concernés.

Surtout, vous avez multiplié ces dernières années les initiatives et les projets qui sont autant de nouveaux services offerts aux jeunes chercheurs et aux entreprises.

Je pense au Nouveau chapitre de la thèse, qui a permis en 2009 à 400 doctorants de valoriser les compétences acquises au cours de leur formation et à la nouvelle collection de guides que vous avez lancée, avec le soutien des éditions Eyrolles, dont je salue aujourd’hui l’engagement.

Mais l’ABG, aujourd’hui, c’est aussi toute une gamme de services aux entreprises que vous souhaitez développer au cours des prochains mois : une banque de 1 000 CV constamment actualisée de candidats bénéficiant d’un conseil personnalisé délivré par les correspondants de l’ABG ainsi que des services personnalisés conçus pour répondre aux besoins des entreprises adhérentes : alerte pour les nouveaux CV, présélection de candidatures, club des entreprises sur les bonnes pratiques en matière de recrutement et de gestion des carrières des docteurs.

Le bilan est impressionnant, et les projets ne manquent pas. J’en retiendrai trois, parmi les plus emblématiques de votre volonté d’aller de l’avant et de perfectionner les outils que vous mettez à la disposition des doctorants et des docteurs :

Le premier, c’est le projet de plateforme collaborative sur la carrière des docteurs dans l’entreprise, qui doit placer les PRES et les écoles doctorales au cœur du dispositif.

Le second, c’est la fusion du site propre de l’ABG et du portail de l’emploi scientifique, afin d’offrir aux acteurs économiques et académiques une vision globale et décloisonnée des offres d’emplois et des compétences disponibles.

Vous souhaitez enfin développer la dimension européenne et internationale de votre action, en lien notamment avec le programme Euraxess, et favoriser les coopérations transnationales – je pense à l’antenne ABG de l’université franco-allemande.

Pour mener à bien ces actions, vous souhaitez faire évoluer le modèle économique de l’ABG, car c’est la condition de la pérennité de votre action.

Mais le plus important, et sans doute le véritable succès de l’ABG, c’est d’avoir su se construire sur une logique de réseaux : réseau de conseillers dans les universités, écoles et organismes, réseaux d’entreprises, de recruteurs, de partenaires, réseau enfin des anciens de l’ABG, qui compte déjà près de 2 200 membres..

C’est en fédérant les initiatives et en mutualisant les moyens, en œuvrant, comme l’indique votre devise, à faire se rencontrer les grands esprits, que vous continuerez demain à servir la cause des docteurs, qui est la cause de nos écoles et de nos universités.

Vos missions et vos valeurs n’ont pas changé, vos méthodes et vos outils évoluent et s’adaptent à un contexte en profonde mutation. Nous partageons la même ambition pour les docteurs et pour la recherche. Je suis heureuse et fière que nous continuions à la servir ensemble comme nous l’avons fait depuis trois ans. Car le doctorat, Mesdames et Messieurs, a de très beaux jours devant lui !

Je vous remercie.