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Les Guignols de l’ESR : cette semaine, "le Monde de l’Éducation" (12 janvier 2011)
samedi 15 janvier 2011, par
Rappelez-vous, le premier lauréat de ce prix décerné par SLU aux marathoniens de l’excellence et de la carotte, fut le Journal du CNRS qui jamais ne nous déçoit.
En ce début d’année (bonne annex !), prendre le train pour aller travailler dans son université peut réserver des surprises : un exemplaire du Monde de l’Éducation oublié sur une tablette de compartiment – gardant quelques relents de l’époque où l’on y fumait – s’offre soudain à votre regard languide. Le titre vous tire de la glauquitude des corrections de copies mâtutinales. Car, oui,
L’université joue l’excellence
Les sous-titres vous invitent à l’abandon provisoire de votre médiocrité hebdomadaire :
Comment le bac +5 est devenu la norme internationale
Neuf masters plébiscités par les étudiants et les entreprises
Prenons la deuxième rubrique, réintitulée "Quand les masters font la gloire de l’université", par Benoît Floc’h et Philippe Jacqué. En voici les premières lignes (la suite en document joint, intitulé Introduction).
"C’est la success story de la décennie. Moins de dix ans après sa création, le master trône en majesté dans l’enseignement supérieur français. Oubliés les maîtrises, les diplômes d’études approfondies (DEA) ou d’études supérieures spécialisées (DESS). Le master est devenu la référence des étudiants, des établissements, des entreprises. Selon l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur [AERES, note de SLU], plus de la moitié des 6500 masters d’université sont classés A ou A+ (sur une échelle allant jusqu’à C). Certains d’entre eux se sont même imposés comme des formations d’excellence.
Soudain, l’odeur du compartiment vous semble moins rancie, le paysage moins morne sous la grisaille du petit matin.
Certes, le coup de maître du master n’est pas sans ombre.
Inquiétude…… ?
Mais le constat de la primauté de ce diplôme à bac + 5 s’impose. A l’université, la majorité des étudiants souhaitent y parvenir, tandis que les grandes écoles ont troqué leur diplôme d’établissement contre un master.
Ce succès est d’abord celui du “processus de Bologne“, lancé en 1998 avec l’objectif de créer, au niveau européen, une structure harmonisée de l’enseignement supérieur. Dès lors, dans un contexte très prégnant d’internationalisation et de massification (avant dix ans, on attend 200 millions d’étudiants dans le monde dont une dizaine d’étudiants étudiera à l’étranger), un cycle s’est enclenché."
Car, vous le méditez sur fond d’annonce de retard de "28 minutes environ, la-SNCF-vous-présente-ses-excuses", le contexte est ce qui s’impose à tous, au processus de Bologne comme aux universités, et même à la crise. Le contexte est ce qui prègne.
Heureusement, pour vous aider à patienter dans les aléas-du-service-piblic, une oasis d’excellence se développe sur trois pages présentant neuf exemples de masters, bien localisés :
Biologie. la recherche en quête de modélisation (Université Paris-Sud ; master bio-informatique et bio-statique ; domaine = sciences, santé, technologie)
Archéologie. Avec un grand angle (Université de Nantes, Rennes-I et Rennes-II ; Master archéologie et histoire ; domaine = histoire)
Sport. Secteur où la gestion est la bien venue (université de Limoges. Master de management du sport ; domaine = droit et gestion)
A Toulouse, l’économie atteint des sommets (université de Toulouse-Capitole, Master Economie de la Toulouse School of Economics - TSE ; domaine = économie)
La géologie, une affaire de terrain avant tout (université de France-Comté, master sciences environnementales, géologie appliquée ; domaine = sciences)
Arts et lettres tirent leur épingle du jeu (université de Grenoble III ; master Lettres et arts, mention "Arts du spectacle : théâtre européen" ; domaine = lettres modernes, arts du spectacles )
La cognition, science transversale (Université de Grenoble [encore !], master ingénierie de la cognition, de la création et des apprentissages ; domaine = neurosciences, linguistique)
La cancérologie, une formation propre (université Paul-Sabatier de Toulouse ; master biosanté ; domaine = biologie, santé)
L’édition, le prix du rêve (ESCP Europe (Paris), mastère [tiens, ça ne s’écrit plus pareil] spécialisé management de l’édition en coopération avec le centre de formation du Syndicat national de l’édition (Asfored)) ; domaine = droit et gestion).
Vous pouvez lire ces présentations en documents joints.
Ach !
Votre université n’est pas représentée ? C’est qu’il fallait être plus excellent que ça.
Votre discipline n’apparaît pas ? Il n’y a plus de discipline (le mot ne figure pas), mais des "domaines" (de compétence, sans doute).
Et le diplôme national dans ce palmarès ? Qu’est-ce que c’est, un diplôme national ? À quoi ça sert ?
Vous croyiez qu’à l’université, on était mauvais, qu’on enseignait mal, qu’on cherchait mal ? Ça, c’est avant : quand ils ont survécu à la nullité de leurs enseignants de licence, les étudiants deviennent excellents en master, c’est prouvé.
Vous aviez lu que l’université ne se relevait pas de quarante ans de postérité de 68 ? Ça c’était avant 2007. Depuis Sarkozex, on s’améliore d’année en année.
On vous avait dit que le journalisme d’investigation, c’est différent de la propagande ? bip bip bip bip...
Que "le Monde", c’était mieux que "le Temps" ?
En toute logique, la page 12 de cette publicité de douze pages pour les réformes de Valérie Pécresse, donne la parole à la modeste auteure de la-réussite-du-quinquennat : "Mes chantiers pour 2012 : cadrer la licence, favoriser l’innovation, augmenter l’attractivité".
Et, en guise de bonus, un encadré non signé intitulé "Vous n’allez pas vendre des couches-culottes !". Allez, encore un effort de lecture, c’est parce que vous le valez bien qu’on recopie le texte :
"Mademoiselle Léna. C’était le nom de mon professeur de terminale. Une femme d’exception. Avec elle, la philosophie n’était pas une discipline scolaire, mais une vraie réflexion sur la vie. Elle avait une pensée très libre, nous faisait lire aussi bien Bergson que le manifeste des fondateurs de Solidarnosc. Quand je lui ai annoncé que j’allais m’inscrire en prépa HEC, elle qui me voyait en hypokhâgne, m’a répondu : "Valérie…pas vous. Vous n’allez pas vendre des couches-culottes !"
Sa remarque ne m’a pas fait changer d’avis. Sans doute par peur de l’hypokhâgne, où seuls quelques heureux élus intégraient Normale Sup.
Rétrospectivement, je n’ai jamais appris autant de choses qu’en école de commerce. Parce que cette culture était aux antipodes de la mienne. Apprendre à se vendre, à gérer, être autonome était tellement loin e la souris de bibliothèque que j’étais, que cela m’a épanouie.
Melle Léna me connaissait à 17 ans sans doute mieux que je ne me connaissais moi-même. Sa réaction m’est souvent revenue à l’esprit. Notamment lorsque j’ai opté pour le service public. Aujourd’hui, j’ai envie de lui dire qu’on peut faire une école de commerce sans y laisser son âme, et aller jusqu’au bout de ses rêves."