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Les enseignants-chercheurs refusent eux aussi de candidater à la PES (SLR, 25 mars 2011)

dimanche 27 mars 2011, par Giovanni

Alors que des centaines de chercheurs de divers organismes ont refusé la PES ces dernières années (ici et ici), des enseignants-chercheurs approuvant la démarche de leurs collègues se sont demandés si eux aussi pouvaient manifester leur rejet de cette désastreuse politique de prime. Un collègue vient d’envoyer une lettre ouverte en ce sens à la présidente de son université. Vous la trouverez ci-joint et ci-dessous. Pour rappel, au 9 Février 2011, il y a 556 chercheurs sur la liste publiée par SLR et la pétition "Pour une amélioration des salaires et des carrières" recueille 4690 signataires.

Alors que s’ouvre, dans les universités, une nouvelle campagne annuelle d’attribution de la PES, plus que jamais refusons de candidater à cette prime inique !

Un collègue vient d’envoyer une lettre ouverte en ce sens à la présidente de son université. Vous la trouverez ci-dessous.

Jean-Charles Vegliante professeur des universités Dép.t d’Études Italiennes et Roumaines Sorbonne Nouvelle - Paris III à Madame la Présidente de l’université Sorbonne Nouvelle - Paris III Paris, le 21 mars 2011

Madame la Présidente et chère collègue,

La prime d’excellence scientifique instituée depuis Juillet 2009 sous le prétexte de rendre plus attractive la carrière et la rémunération des enseignants-chercheurs et des chercheurs va, pour moi, à l’encontre de ce qui fait l’essence de notre métier d’enseignant et de chercheur. L’excellence est bien sûr notre ambition, mais le terme prête à ambiguïté : avec la diminution des crédits pérennes et l’individualisation concurrentielle, en effet, « est apparue une autre excellence, qu’on peut qualifier, comme le type d’évaluation qu’elle présuppose, de gestionnaire » (S. P.). De plus, notre travail à l’université, qu’il s’agisse de la recherche ou de l’enseignement, est avant tout un travail collectif. Chacun bénéficie du travail de tous et tous bénéficient du travail de chacun au sein d’équipes équilibrées. Le système de primes prétendument « au mérite » que met en place progressivement le gouvernement ne peut que casser, à terme, cette dynamique, en instaurant un climat délétère de concurrence et de clientélisme malsains. La rédaction de dossiers dématérialisés de plus en plus complexes enlève un temps considérable naguère consacré à la préparation de l’enseignement et à la recherche. En fin de compte, ce système aboutira à la lassitude de ceux, même discrets, dont la conscience professionnelle et l’investissement permettent le fonctionnement de nos institutions. L’ancienne prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR) pouvait se justifier parce qu’elle était attribuée avant tout pour des activités d’encadrement doctoral, objectivement mesurable, et que les personnels concernés devaient « souscrire l’engagement d’effectuer, en plus de leurs obligations statutaires, une activité spécifique en matière de formation à la recherche et par la recherche pendant quatre ans ». Elle n’en était pas moins déjà contestable dans son attribution, du fait surtout d’une pénurie chronique, que nos collègues élus du CNU essayaient de gérer au mieux. L’excellence, en revanche, implique d’emblée un jugement de valeur : elle se mesure comment, et par qui ? - on ne le sait pas très bien... ou parfois trop bien. Par un mécanisme symétriquement inverse de celui, dit de la "double peine", cette PES est aussi accordée, a priori, à certaines catégories d’enseignants chercheurs et de chercheurs déjà distingués par ailleurs (Institut, médailles, etc.), ce qui semble particulièrement choquant. Enfin, la mise en place de la PES ne répond en rien aux demandes de revalorisation des salaires de l’ensemble des personnels de l’enseignement supérieur, et ses critères et modalités d’attribution, différents d’une université à l’autre, ne pourront prendre en compte toutes les situations : excluant, de fait, des enseignants-chercheurs tout aussi méritants que les bénéficiaires désignés. Sans parler du modèle de classement sous-entendu par la référence à l’excellence, qui ne peut qu’être connoté négativement : si vous n’avez pas la PES, vous êtes forcément nuls. C’est pourquoi j’ai décidé de refuser publiquement de déposer une demande de PES. J’appelle également tous mes collègues à refuser de s’engager dans un tel processus d’individualisation des rémunérations, dont on ne peut que prévoir qu’il génère des effets délétères sur notre statut même et en tout cas sur l’organisation collective de la recherche et de l’enseignement. Vous comprendrez donc, j’espère, que je veuille rendre cette lettre "ouverte", après un délai de courtoisie raisonnable puisqu’elle vous est adressée. Veuillez agréer, Madame la Présidente et chère collègue, l’expression de mes sentiments respectueusement dévoués,
Jean-Charles Vegliante

Voir la liste des premiers Enseignants Chercheurs refusant la PES sur le site de SLR