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Au pays du mensonge déconcertant - Ou des travestissements de la réalité à l’art de la révérence - Communiqué de SLU, 29 septembre 2011

jeudi 29 septembre 2011

Le discours prononcé le 26 septembre 2011 par le président N. Sarkozy lors de la journée organisée par l’Institut Montaigne « 15 ans de réforme des universités : quels acquis, quels défis ? » mériterait une analyse détaillée tant de l’étonnante reconstruction historique à laquelle s’adonne le président, que de sa dimension prospective. Pour ne prendre qu’un exemple parmi ces affirmations éminemment contestables, comment croire que le président Sarkozy ait « remis les universités au coeur de la recherche », ou à propos de la recherche, que « 22 milliards d’euros […] iront directement dans les universités et les organismes de recherche » [1], ou sur les moyens, lorsqu’il rappelle le « gigantesque effort de la nation » qui a permis d’augmenter « de 2 000 euros par an » la dépense française par étudiant et de « rejoindre la moyenne de l’OCDE » ?

Comme souvent, il n’a pas fallu attendre 24 heures pour que des éléments de l’inlassable manipulation présidentielle sur l’enseignement supérieur et la recherche soient répercutés sur un blog accueilli cette fois par l’honorable quotidien du soir où l’on peut lire qu’« avec 1,4%, la France est un peu en dessous de la moyenne alors qu’elle est un peu au-dessus au global avec 6 % de son PIB consacré à l’éducation (5,9 % en moyenne dans les pays de l’OCDE). Un pourcentage en forte baisse par rapport à 1995 où il était de 6,6 %. Pour autant, la part de l’enseignement supérieur s’est elle stabilisée. (sic.) »

Énième variation sur le thème de la chance de l’ESR en France d’avoir vécu sous un règne éclairé depuis 2007. Rappelons que les chiffres de la dépense par étudiant ne veulent rien dire pour un enseignement supérieur qui rassemble des filières de formation aussi diverses que les classes préparatoires aux grandes écoles (14 850 euros dépensés par étudiant en 2009. Source MEN DEP,) et les universités (seulement 10 220 euros en 2009), sachant que depuis 2006, la réforme de la LOLF ne permet plus de distinguer les IUT des universités, ce qui conduit à augmenter artificiellement le niveau de dépense affiché par étudiant dans les universités (d’environ 8 000 euros à 10 000 euros). Une petite astuce comptable pour une vantardise présidentielle supplémentaire dans un océan de mensonges sur le sujet.

En effet, loin de cette stabilisation, l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) sont confrontés à une situation de décrochage durable et inquiétant de l’effort de la nation. Il suffit pour s’en convaincre de lire un autre rapport de l’OCDE, publié fin août 2011 [2]

Que montre-t-il ? Que le prétendu effort en faveur de la recherche, décisif pour le développement de l’ESR, est un mensonge éhonté. Les chiffres de la Dépense Intérieure de Recherche et Développement (DIRD) rapportée au PIB indiquent que loin de l’effort « historique » tant vantée par ce gouvernement, la politique de la droite française a trois caractéristiques :

1/ Depuis 2007, la part du PIB consacré à la recherche est continûment inférieure au niveau de… 2002 (2,23%). Loin des chiffres ministériels d’augmentation de crédits des universités et des organismes de recherche, les données d’Eurostat indiquent une diminution de la part de la recherche en pourcentage du PIB entre 2009 et 2010, selon les prévisions de l’organisme européen, cette proportion retomberait à 2,16% en 2010 ;

2/ Entre 2007 et 2009, l’effort de recherche est moins important en France que dans les autres pays de l’Union européenne. Entre 2007 et 2009, l’augmentation a été de 8,6% dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne, et de 6,7 % en France ;

3/ L’écart avec plusieurs grands pays s’est accentué depuis 2007 : l’effort allemand a crû de 11,5% sur la période, le danois de 18,4%, le finlandais de 17,5 pour ne prendre que des pays qui consacraient déjà avant 2007 une part plus importante de leur richesse nationale que la France à la recherche.

Nous sommes donc tombés de manière structurelle sous le niveau d’engagement du début des années 2000. Les classements dont semblent raffoler le gouvernement en attestent de manière indiscutable.
La France, 6e pays de l’OCDE pour son effort de recherche en 1995 (près d’un quart de point au-dessus de la moyenne de ses pays) est passée à la 11e place en 2005 et, de cette date à 2008, l’effort a constamment baissé (Rapport sur la politique nationale de recherche et formations supérieures, PLF 2010, p. 126). Depuis 2008, la France est désormais classée 13e pays de l’OCDE, chiffre en passe d’être confirmé pour 2009. Encore s’agit-il là de l’effort global.

La dernière parution de l’OCDE sur le sujet [3] confirme ce constat accablant : pour les seuls crédits de R-D civile, la France se classe 26e des pays de l’OCDE, très en deçà de la moyenne de l’Union européenne.

Il est enfin essentiel de rappeler par ailleurs, car c’est une part importante des difficultés de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, que les chiffres de l’encadrement dans l’ESR sont dramatiquement bas, de très loin inférieurs à ceux de pays comparables.

En 2007, les taux d’encadrement des universités françaises (aussi bien pédagogiques qu’administratifs) étaient très inférieurs à la moyenne des pays de l’OCDE. Le rapport étudiant/personnels biatoss était de 1 pour 7,5 dans les pays de l’OCDE, et de 1 pour 36 en France. Le rapport enseignant/étudiant était de 1 pour 15 dans les pays de l’OCDE, et de 1 pour 18 en France [4] Les universités françaises étaient donc sous encadrées. Elles le restent. C’est ce qu’indiquent les chiffres fournis par le Centre d’analyse stratégique en février 2011 : « Dans le supérieur les disparités sont les plus marquées entre la Grèce (4 enseignants pour 100 étudiants) ou la France (à peine 5 enseignants pour 100 étudiants) et la Suède qui compte 11 enseignants pour 100 étudiants. »

C’est aujourd’hui qu’il faut s’inquiéter des tendances lourdes dont on mesurera les effets dans quelques années et qui sont pourtant déjà bien visibles. Aussi Olivier Rollot serait-il bien inspiré d’envisager un billet sur l’état critique des finances de nombreuses universités qui sont au bord de l’asphyxie ou d’avoir une approche plus critique des chiffres éhontément jetés par N. Sarkozy et son gouvernement. Quand donc cessera la petite musique libérale et réformocrate ?

Sauvons l’Université !
29 septembre 2011


[1Voir nos articles "budget" "grand emprunt… http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?rubrique10

[2(OCDE. Principaux indicateurs de la science et de la technologie, 2011/1 - http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article4914

[3(Principaux indicateurs de la science et de la technologie, Volume 2011/1 – http://www.sauvonsluniversite.com/IMG/pdf/20110715_OECD_Main_Science_and_Technology_Indicators_01.pdf)

[4(Rapport du Sénat n° 382, 10 juin 2008, p. 44 – http://www.senat.fr/rap/r07-382/r07-3821.pdf).