Accueil > Revue de presse > Primaire socialiste : que pensent-ils de l’université ? - Philippe Jacqué, (...)

Primaire socialiste : que pensent-ils de l’université ? - Philippe Jacqué, blog "Peut mieux faire" du "Monde", 7 octobre 2011

vendredi 7 octobre 2011, par Laurence

Quelques jours avant le premier tour de la primaire socialiste, dimanche 9 octobre, comment se situent les six candidats par rapport aux grands enjeux de l’enseignement supérieur ? Le journaliste Michel Leroy, auteur d’une enquête sur le "grand chambardement" des universités, a posé les mêmes huit questions aux candidats, et cinq lui ont répondu. Seule Ségolène Royal n’a pas transmis ses réponses. Elle aborde peu l’université, mais fait de l’éducation l’une des ses priorités. Vous pouvez retrouvez les questionnaires complets sur le blog Universitas.

Pour lire cet article sur le Blog "Peut mieux faire" du Monde.

Parmi les conseillers "supérieurs" des candidats, on dénombre beaucoup de têtes connues.

Arnaud Montebourg est secondé par Bertrand Monthubert, le secrétaire national chargé du secteur au PS.

Martine Aubry l’est par de nombreux universitaires dont Vincent Berger, le président de Paris-Diderot, et Isabelle This-Saint-Jean, vice-présidente de la région Ile-de-France chargée du supérieur.

François Hollande est, lui, conseillé par les députés Geneviève Fioraso et Jean-Yves Le Déaut, sur la recherche, ainsi que par Lionel Collet, l’ancien président de Lyon-I et de la Conférence des présidents d’université, pour le supérieur.

Ces personnalités ont pour la plupart participé au développement du projet du parti socialiste, raison pour laquelle ce dernier transparaît très clairement dans leurs réponses, avec quelques variations et inflexions personnelles.

Petit tour d’horizon des grands sujets abordés.

La loi d’autonomie

Les cinq candidats s’accordent sur une chose : l’autonomie est une "bonne chose" en soi ; la loi qui la met en pratique, elle, ne l’est pas. Pour Martine Aubry, "la loi LRU, qui prétend l’instaurer, ne s’est pas accompagnée des moyens financiers et humains de la faire vivre".

De même, ajoute Manuel Valls : "Le risque est aujourd’hui de laisser reposer la politique de l’université sur la qualité personnelle de tel ou tel président et surtout d’ouvrir la porte, de manière plus systématique, à l’arbitraire."

Arnaud Montebourg estime que "cette loi renie les valeurs démocratiques, les pratiques de collégialité, l’indépendance académique qui sont au cœur du fonctionnement des universités dans le monde entier".

Jean-Michel Baylet assure que la loi "donne un grand pouvoir aux présidents d’université, qui peuvent désormais recruter des enseignants sans passer par le CNU".

Une fois ce constat posé, que faire ? Un "changement de cap radical" pour Arnaud Montebourg, une "remise à plat" général de tous les textes adoptés depuis 2007 (loi, mais aussi statut des enseignants-chercheurs, etc.) pour Martine Aubry, un "aménagement" pour Manuel Valls et François Hollande, ainsi qu’un cadrage plus national pour Jean-Michel Baylet.

Les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES)

Manuel Valls est le seul à être satisfait de la flexibilité de cet outil de coopération institutionnel. Jean-Michel Baylet estime qu’il "faut donner du temps au temps" à ces dispositifs. François Hollande demande un bilan avant d’envisager une évolution.

Enfin, Arnaud Montebourg et Martine Aubry, fidèles au programme socialiste, veulent remplacer les PRES par des réseaux territoriaux de la connaissance (RTC). Ces RTC réuniraient l’ensemble des institutions de l’enseignement supérieur d’un territoire (université, école, mais aussi classes préparatoires, BTS, etc.) dans un ensemble dont la gouvernance serait "démocratique".

Le financement de l’enseignement supérieur

Aucun candidat ne s’engage sur des moyens supplémentaires précis. Martine Aubry annonce un effort pour atteindre les 3 % de PIB de dépense en recherche et enseignement supérieur et annonce une baisse de l’horaire d’enseignement des professeurs (de 192 heures à 150 heures).

Arnaud Montebourg évoque la création de 5 000 postes supplémentaires par an pendant cinq ans et la réorientation des moyens du grand emprunt ou du plan campus. François Hollande annonce 12 000 postes par an pendant cinq ans pour l’ensemble de l’éducation et du supérieur et veut débloquer de moyens supplémentaires pour le secteur lors du quinquennat.

Jean-Michel Baylet estime que les régions devront plus investir, tandis que Manuel Valls demande que le privé paie plus pour le supérieur.

La formation des maîtres

Il existe un consensus général pour revoir complètement la "mastérisation" de la formation des maîtres. Martine Aubry veut un concours plus tôt, avant l’entrée en master, ainsi qu’une entrée dans le métier plus progressive.

Arnaud Montebourg défend un concours en fin de master 1 et la titularisation en fin de master 2.

Alors que la tendance est à la simplification du paysage universitaire, François Hollande évoque la création d’"écoles régionales" pour la formation des enseignants. Manuel Valls défend la réintroduction de l’année de stage après le master.

Enfin, Jean-Michel Baylet se désole du manque de formation sans proposer de solution précise.

L’évaluation dans l’enseignement supérieur

Si tous les candidats défendent l’idée d’évaluation, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Aeres) en prend pour son matricule. Elle est pour les cinq candidats trop opaque, trop bureaucratique, pas assez démocratique, et mal acceptée par la communauté.

Ils attaquent notamment la "notation" de l’Aeres (de C à A+) et l’évaluation sanction en lieu et place d’une évaluation plus positive qui aiderait les laboratoires ou les établissements à évoluer.

Bref, les candidats entendent changer l’Aeres en concertation avec les acteurs du supérieur.

Les frais d’inscription à l’université

Les propositions de Terra Nova ont semé la zizanie chez les candidats. Surtout celle conseillant d’augmenter les frais d’inscription à l’université. Arnaud Montebourg est le plus direct : la position de Terra Nova est "absurde", car l’objectif est d’augmenter le nombre d’étudiants. Augmenter les droits d’inscription aurait l’effet inverse, selon lui. Martine Aubry est sur la même ligne : "Je suis formellement opposée à l’augmentation des frais d’inscription".

François Hollande ne répond tout simplement pas à la question, tandis que Jean-Michel Baylet ne s’offusque pas d’une augmentation des frais d’inscription. Manuel Valls a la vision la plus proche de Terra Nova : pourquoi pas envisager une hausse équilibré des droits d’inscription, mais seulement après avoir mis en place l’allocation d’autonomie des étudiants pour aider les plus en difficulté. Comme le projet du PS le prévoit, les candidats défendent tous cette allocation d’autonomie.

Elle serait sous condition de ressource pour François Hollande qui ajoute :"Dans le cas de certaines filières présentant un intérêt stratégique pour le pays et garantissant des débouchés en matière d’emploi mais qui ne parviendraient pas à attirer suffisamment d’étudiants, des bourses spécifiques, complémentaire de l’allocation d’autonomie, seront attribuées". Martine Aubry veut mettre en place une allocation d’autonomie prenant en compte "la situation réelle du jeune, ses ressources comme son niveau d’autonomie".

La sélection en master

De nombreux universitaires la demandent, de nombreux étudiants la redoutent : une sélection à l’entrée du master au lieu d’une sélection "après" la première année du master. Martine Aubry et François Hollande la proposent.

Le logement étudiant Tous les candidats sont d’accord : il faut relancer la construction de logements étudiants. Martine Aubry et Arnaud Montebourg reprennent l’objectif du PS de construire 8 000 nouveaux logements par an. François Hollande ne se hasarde pas à avancer de chiffre, tandis que Manuel Valls veut récupérer des fonds du Plan campus pour financer les logements supplémentaires.

Pour Jean-Michel Baylet, les régions devront encore mettre la main à la poche pour ces logements.

La première mesure à prendre

Enfin, Michel Leroy a demandé à chaque candidat quelle serait leur première "mesure université" une fois au pouvoir.

Martine Aubry, Arnaud Montebourg et François Hollande annoncent des assises ou une grande concertation dès 2012 afin de créer "un choc de confiance", comme l’écrit Martine Aubry.

Jean-Michel Baylet veut élaborer des contrats Etat-régions pour les universités. Manuel Valls travaillerait en premier lieu sur la "professionnalisation des cursus".

Philippe Jacqué