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Vincent Peillon : « une grande réforme pour refonder l’école », entretien avec Charles Centofanti, VousNousIls, 2 décembre 2011

lundi 5 décembre 2011, par Sylvie

Vincent Peillon, député euro­péen (PS), est chargé de l’éducation dans l’équipe de cam­pagne de François Hollande, can­di­dat socia­liste à la pré­si­den­tielle. Il entame, ce lundi 5 décembre, une série de ren­contres avec le monde ensei­gnant. Entretien.

Si le PS revient au pou­voir en 2012, quelles seront les mesures d’urgence pour l’école ?

Il faut d’abord par­tir d’un diag­nos­tic. Le sys­tème sco­laire est confronté à des pro­blèmes struc­tu­rels : des temps sco­laires inadap­tés, qui ne favo­risent pas les appren­tis­sages, un échec sco­laire qui croît, de nom­breux élèves qui sortent du sys­tème sans qua­li­fi­ca­tion, des per­for­mances décli­nantes, des inéga­li­tés de réus­site crois­sante. Or les choix qui ont été faits ces der­nières années, au lieu de résoudre ces pro­blèmes, les ont accrus : on a divisé par trois l’accueil des jeunes enfants à la mater­nelle, on n’a pas fait les efforts néces­saires sur le taux d’encadrement au CP et en pri­maire, on a sup­primé la for­ma­tion des ensei­gnants, on a fra­gi­lisé les zones où se cumulent les plus grandes dif­fi­cul­tés... La consé­quence logique de cette œuvre de des­truc­tion, jus­ti­fiée par une approche comp­table mais sur­tout idéo­lo­gique, c’est une dégra­da­tion de la qua­lité pédagogique.
Face à cette situa­tion, nous avons un double objec­tif : cas­ser le noyau dur de l’échec sco­laire et mettre en place une réforme incluant la for­ma­tion des ensei­gnants, une remise à plat du temps sco­laire et des pro­grès concer­tés sur les méthodes et le métier. Les élec­tions ont lieu en mai, tout ne se fera pas immé­dia­te­ment. François Hollande l’a dit : les dés pipés de la ren­trée 2012 auront déjà été jetés par la droite. Il y aura quelques mesures d’urgence pour pal­lier le plus dif­fi­cile et réta­blir une confiance néces­saire. En revanche, nous pré­pa­re­rons dès l’été, en concer­ta­tion avec tous les acteurs de l’éducation, une loi de pro­gram­ma­tion qui devra être votée à l’automne.


François Hollande a annoncé, dimanche 27 novembre au Salon de l’éducation, vou­loir pas­ser « un nou­veau contrat avec l’école » en échange de « contre­par­ties ». C’est-à-dire ?

François Hollande estime que la nation tout entière doit être impli­quée dans le pro­jet de refon­da­tion de l’école, car l’école c’est la société de demain. La droite veut faire croire que l’école est un coût, alors qu’elle est un inves­tis­se­ment. Elle veut aussi faire croire qu’elle est un sys­tème clos sur lui-même, une cor­po­ra­tion, alors qu’elle est la France de demain. Cette idée est fon­da­men­tale et doit gui­der notre approche. Quant aux contre­par­ties, cela veut dire que si nous consi­dé­rons que la France n’a pas suf­fi­sam­ment investi dans son ave­nir, les moyens que nous allons mettre, sur­tout dans la période très dif­fi­cile que nous connais­sons et l’état cala­mi­teux des finances publiques que nous laisse la droite, doivent être utiles et donc s’accompagner d’une réforme du sys­tème. La réflexion est ouverte. Pour le dire autre­ment : les moyens n’ont de sens qu’au ser­vice de fina­li­tés débat­tues, cla­ri­fiées, assu­mées. Une grande réforme est néces­saire pour refon­der l’école et per­mettre à la nation de retrou­ver le che­min du progrès.


La pro­por­tion d’élèves en dif­fi­culté face à l’écrit est en aug­men­ta­tion(1) : près d’un élève sur cinq est concerné en début de 6e. Que proposez-vous pour lut­ter contre l’échec scolaire ?

Les chiffres sont très durs mais c’est une réa­lité qu’il faut regar­der en face : en 6e, 15% du public est en grande dif­fi­culté, 40% en dif­fi­culté. Ils signent l’échec d’un grand nombre d’élèves, ce qui est insup­por­table, mais aussi l’échec d’une poli­tique qui n’a cessé de jus­ti­fier ses réformes de régres­sion au nom de la lutte contre l’échec sco­laire. Le Ministre veut évaluer tout le monde tout le temps : il n’a que ce mot à la bouche. Mais les évalua­tions de sa poli­tique sont toutes très sévères : régres­sions sur tous les plans. Pour inver­ser la ten­dance, nous avons trois leviers pour agir : don­ner la prio­rité à la mater­nelle et à l’enseignement dès l’école pri­maire, avec une insis­tance sur le CP, et mener des actions spé­ci­fiques à des­ti­na­tion des élèves situés dans les zones en dif­fi­cul­tés. Cela pren­dra du temps et des moyens mais c’est fon­da­men­tal, tout comme un retour, et c’est le troi­sième levier, à la for­ma­tion ini­tiale et conti­nue des ensei­gnants pour leur don­ner les moyens péda­go­giques d’agir le plus effi­ca­ce­ment possible.


Comment comptez-vous reva­lo­ri­ser le métier d’enseignant et enrayer la crise des voca­tions actuelles ?

Tout a été fait pour déva­lo­ri­ser ce métier. Il y a eu des attaques sans pré­cé­dent des plus hautes auto­ri­tés de l’Etat : moque­rie sur l’enseignement de La Princesse de Clèves, affir­ma­tion que l’instituteur est infé­rieur au curé ou au pas­teur pour ensei­gner le sens de la vie... A tra­vers la moque­rie du savoir ou les attaques contre la laï­cité, c’est l’école de la République qui est atteinte. Pour nous, l’éducation natio­nale est une grande ambi­tion. Vouloir le bien de l’école, c’est vou­loir le bien de la France. Les ensei­gnants pré­parent la France de demain. Ce rôle doit leur être reconnu. Il jus­ti­fie d’être valo­risé, sou­tenu, respecté.
Dès lundi (5 décembre), à la demande de François Hollande et en lien étroit avec lui, nous com­men­çons une concer­ta­tion avec tous les acteurs de l’école. Il faut ouvrir la dis­cus­sion sur tous les aspects du métier : for­ma­tion ini­tiale et conti­nue, recru­te­ment et pré­re­cru­te­ment, méthodes et condi­tions de tra­vail, mis­sions du métier, dérou­le­ment de car­rière... Il n’y aura pas de réforme contre les ensei­gnants mais cha­cun sait, les ensei­gnants les pre­miers, qu’on ne peut pas en res­ter là. Il n’y a pas de sujet tabou dès lors que nous sommes conduits par une unique ambi­tion : la réus­site de tous les élèves, et donc de notre pays. François Hollande m’a demandé d’aller au bout de la concer­ta­tion. L’enjeu est trop impor­tant pour en res­ter à des pos­tures et ne pas trou­ver en nous les res­sources pour inven­ter du neuf. C’est la feuille de route qu’il m’a don­née et, avec l’équipe qui m’entoure, nous allons l’appliquer.

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