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"Bienvenue dans la machine HEC", Blog La Machine à Trier, Libération.fr, Brice Le Roy, 16 janvier 2012

lundi 16 janvier 2012

La Machine à Trier, on peut en sortir avec les honneurs puis renoncer aux avantages qu’elle procure. Fanny (son nom a été changé) fait partie de ces – rares – excellents élèves à tourner le dos à une carrière dorée.

Dans l’élite, les gens "pètent des cables"

Elle a pourtant commencé par suivre la voie royale : prépa, HEC, des portes qui s’ouvrent en pagaille, des appels du pied, des crédits octroyés les yeux fermés… puis, les désillusions et le revirement.

Quand j’avance l’hypothèse que, « le « problème », c’est que vous cherchez à être passionnée par votre travail », Fanny me dit que j’ai tout faux : elle cherche juste « à travailler dans une société où les gens ne pètent pas des câbles. » Voir les collègues partir en burnout l’un après l’autre, ça suffit.

Après quelques expériences traumatisantes, elle choisit de reprendre des études en sociologie plutôt qu’être embauchée dans un grand cabinet de conseil : « J’avais envie de prendre du recul et d’acquérir des connaissances, du contenu. »

HEC, Machine à consanguinité ?

A l’entendre, ce « contenu », ce n’est pas à HEC qu’elle l’a reçu. « Je n’ai pas beaucoup aimé mes années HEC. J’en tire certes les bénéfices sur le plan du label, c’est clairement un atout. Mais ce n’est pas la période qui m’a le plus formée. En arrivant à HEC, ils nous ont dit « Bienvenue, bienvenue dans la machine HEC. » C’était horrible. »

Fanny s’étonne d’ailleurs du formatage de ces élites qu’elle connaît bien :

« Mes anciens camarades, ce sont aussi les fruits de cette Machine à trier. Ils sont l’aboutissement de ce mode de sélection. Derrière, ça frise la caricature. Je ne peux pas croire que, quand on ne met que des gens identiques dans une salle, on arrive à innover. Pour moi, c’est une contradiction fondamentale. »

Instaurer davantage de diversité relève pourtant de la gageure :

« La diversité n’est pas une valeur en soi. On ne peut pas fixer des règles pour l’instaurer. C’est quand on ne fait pas confiance aux gens qu’on crée des règles. Simplement, le constat est qu’aujourd’hui, il y a des organisations qui ne laissent pas la place aux profils différents. C’est là où le système est pernicieux : quelqu’un qui se sentira illégitime n’y arrivera pas. »

Dans les propos de Fanny, on retrouve Bourdieu et sa dénonciation d’un système éducatif qui aurait pour but d’assurer la reproduction des élites.

D’où cette question, sur laquelle Fanny conclut : « l’éducation est-elle faite pour que l’on acquière un statut ou un capital culturel ? ». A votre avis ?