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Recherche et universités dans la présidentielle : livres et revues

jeudi 8 mars 2012

La Recherche, Le Blog des livres, 6 mars 2012

A lire sur le site de la Recherche

Le numéro de mars de La Recherche consacre, dans le cadre des présidentielles, tout un dossier aux « questions qui fâchent » à l’université et dans la recherche. Dont celles de l’autonomie des établissements universitaires et de leur financement, au cœur des réformes gouvernementales. Ces questions s’invitent depuis quelques jours dans la campagne, en témoigne le succès de l’ « Appel de l’enseignement supérieur et de la recherche aux candidats à l’élection présidentielle et aux citoyens » lancé le 23 février par un collectif d’association dont Sauvons la recherche (SLR) et Sauvons l’université (SLF) - associations nées de la très forte mobilisation de l’année 2004 (conclue par les Etats généraux de la recherche à Grenoble **). Le dossier de La Recherche met en perspective ce débat nécessaire et désormais ouvert.

V.D.

** Les Etats généraux de la recherche, 9 mars-9 novembre 2004, Paris, Tallandier, 2005, 477 p., 23 €. La mobilisation des chercheurs durant l’année 2004 a été exceptionnelle par la vigueur de ses manifestations mais aussi par l’ampleur des réflexions développées autour d’une interrogation simple : qu’est-ce qu’une politique de la recherche ?

Ce livre rend compte de ces dimensions en publiant l’intégralité du rapport des Etats généraux de la recherche en France et des assises nationales tenues à Grenoble les 27 et 29 octobre 2004. [...] Un des intérêts consiste dans l’interpellation des représentants des principaux partis politiques qui proposent des textes où on peut constater une plus ou moins grande compréhension des enjeux précis d’une politique scientifique pour aujourd’hui et pour demain. E.-E. Baulieu conclut assez juste titre : « A suivre ! ». Ce livre publié à chaud mais fruit de larges débats participe à éviter l’oubli politique toujours possible dès lors que la mobilisation des chercheurs n’a plus la même visibilité médiatique. Alain Chatriot (EHESS), extrait du « Livre du mois » de la Recherche, février 2005. Voir aussi Claire-Akiko Brisset (dir.), L’université et la recherche en colère, un mouvement social inédit, Broissieux, Editions du Croquant, 2009, 363 p., 22 €.

Compte-rendu du livre de Marc Lipinski, Les sciences, un enjeu citoyen. Une politique écologiste de la recherche et de l’innovation par Christopher Lecat, Lectures, Revues.org

A lire sur le site de de Revues.org

Marc Lipinski, Les sciences, un enjeu citoyen. Une politique écologiste de la recherche et de l’innovation, Paris, Les Petits Matins, 2012.

« Montrez moi que la recherche sert à quelque chose et je la soutiendrai » [1], cette citation de C. Haigneré, mise en lumière par M. Lipinski, décrit la place inconfortable de la recherche en France. Vice-président du conseil régional d’Ile-de-France chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche de 2004 à 2010, élu Verts, M. Lipinski a fait preuve d’inventivité et d’innovation, tant dans ses méthodes que dans ses projets, pour assurer aux chercheurs franciliens des conditions d’exercice acceptables.

Cet ouvrage est divisé en trois parties distinctes. La première décrit l’évolution de la recherche scientifique et du système universitaire depuis les années 2000. Loin d’une simple description, l’auteur propose ensuite des pistes pour réformer la recherche scientifique française de concert avec les acteurs de la société. Il conclura, dans une dernière partie imprégnée de militantisme, par quelques recommandations à appliquer d’urgence en 2012.

La première partie décrit les réformes ayant impacté le système universitaire et la recherche scientifique. Durant la décennie 2000, les réformes des laboratoires de recherche et du système universitaire ont profondément transformé leur budget, leur structure et leur fonctionnement. La Loi de Programmation pour la Recherche de 2006 en a donné les lignes directrices par la création de deux nouvelles institutions : l’Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (AERES) et l’Agence Nationale de la Recherche (ANR). L’ AERES a pour mission d’évaluer l’ensemble du système de recherche scientifique. L’ANR dispose d’un budget afin de financer les projets de recherche. Dans la volonté de reprise en main du système universitaire par « la droite », la Loi de responsabilité des Universités (LRU) reprend les volontés de la Stratégie de Lisbonne [2]
exacerbant la concurrence et les inégalités entre universités, laboratoires, et même entre chercheurs. Elle marque un désengagement financier de l’état et une autonomisation des budgets universitaires.

Dans une deuxième partie, M. Lipinski expose les pistes d’amélioration du système en commençant par la scission entre universités et grandes écoles, débat historique qui n’a jamais porté ses fruits, bien que les Pôles de Recherche et d’Enseignement supérieur (Pres), élaborés depuis 2006, permettent de rapprocher ces deux institutions. D’après l’auteur, c’est un changement culturel qu’il faut impulser pour endiguer la reproduction de cette oligarchie élitiste.

A partir de son expérience de terrain en tant qu’élu local chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche, M. Lipinski retrace la manière dont il a transformé le rôle du Conseil Régional dans le domaine de la recherche scientifique. Ce chercheur en cancérologie s’est d’abord attaché à accroître les financements publics des laboratoires et à trouver de nouveaux fonds pour les études doctorales. Par la suite, l’essentiel de son travail a résidé dans la création de nouvelles instances œuvrant au rapprochement entre les sciences et la société dont les Partenariats Institutions-Citoyens pour la recherche et l’innovation (Picri) et la Maison d’initiation et de sensibilisation aux sciences (MISS). La réconciliation des citoyens avec le monde scientifique offrirait de nouvelles possibilités et des avancées démocratiques pertinentes pour appréhender au mieux le tournant vers une économie fondée sur la connaissance. La transformation culturelle doit, selon, l’auteur, se faire dès le plus âge. C’est par la découverte de la démarche scientifique et l’expérimentation au sein des MISS que les individus appréhenderont mieux le monde dans lequel ils vont évoluer.

Dans la dernière partie de son ouvrage, l’auteur formule quelques recommandations importantes à suivre dès la nouvelle échéance présidentielle, afin de mettre un terme à la dégradation du système scientifique français. La question de la méthode est importante. Après une décennie de réformes qui a transformé en profondeur le système scientifique français, doit-on faire table rase ou peut-on réformer ce qui a été bouleversé ? L’AERES et l’ANR sont significatives de ce dilemme. Ces institutions présentent tout de même des aspects positifs à conserver. Si l’on poursuit ce raisonnement, les projets de financement en cours ne peuvent être annulés tout de go, bien que cela ne doive pas être un prétexte au statu quo.

La principale tâche du nouveau président – ou de la nouvelle présidente – serait de réorienter l’innovation vers le "mieux vivre". Autrement dit, une innovation orientée vers les besoins sociétaux, répondant aux attentes formulées par les forums citoyens. Les recommandations touchent de nombreux domaines, à plusieurs niveaux d’action, dont l’organisation universitaire, la recherche scientifique, et les politiques économiques et énergétiques. Mettant en valeur sa couleur politique, il serait primordial pour l’auteur de transformer le Commissariat à l’Energie Atomique en « Commissariat aux Energies d’Avenir ». Ces nouvelles prérogatives seront la recherche sur les énergies alternatives et les méthodes de démantèlement des centrales nucléaires. Quant à la recherche scientifique, le Crédit d’Impôt Recherche [3] devrait également voir ses modalités d’attribution repensées en faveur les PME responsables favorisant des recherches orientées vers des besoins sociétaux. L’AERES, et a fortiori le rôle de l’évaluation scientifique, ne doit plus servir à créer une élite. Elle devrait avoir pour objectif, dans la lignée de l’évaluation par les pairs, d’aider les évalués à s’améliorer et à combler leurs lacunes. Le panel de propositions que l’auteur énumère, nous invite à la réflexion. Cependant, les regrouper en grandes thématiques selon leur niveau d’application en aurait amélioré la lisibilité.

Fort de son expérience politique chez les Verts, d’élu et de chercheur, M. Lipinski soulève ici les principales thématiques relatives à la connaissance et oriente notre réflexion sur les problèmes scientifiques et académiques actuels. Finalement, « mettre la science au cœur et au service de la société » [4] résume bien sa volonté. Le développement des partenariats entre chercheurs et citoyens offre d’importantes possibilités de créativité. La clé de cette avancée réside dans la confiance que l’on accorde aux citoyens, de croire en leur capacité d’analyse, de critique et de réflexion, dès lors qu’ils sont correctement informés et éduqués. C’est, selon l’auteur, la véritable définition de la vision écologiste de la science.


[1Propos de la Ministre déléguée à la Recherche et aux Nouvelles techniques de 2003, cités in M . Lipinski, Les sciences, un enjeu citoyen, Les Petits matins, 2012, p.23

[2A ce propos, lire l’ouvrage d’Isabelle Bruno, A vos marques, prêts… Cherchez ! La stratégie de Lisbonne vers un marché de la recherche, Editions du Croquant, 2008, 256 p.

[3Les Crédits d’Impôt Recherche ont coûté plus de 10 milliards d’euros à l’état en 2009 et 2010, bien loin du demi-milliard de 2003.

[4M. Lipinski, op. cit. p.197