Accueil > Revue de presse > Les astuces des universités pour gonfler la note - Lucie Delaporte, (...)

Les astuces des universités pour gonfler la note - Lucie Delaporte, Mediapart, 18 juillet 2012

vendredi 20 juillet 2012, par Mariannick

On savait bon nombre d’universités financièrement exsangues. Pour pallier leur manque chronique de ressources, certaines continuent de ponctionner leurs étudiants à travers ce que l’Unef dénonce depuis longtemps comme des « frais d’inscription illégaux ». Depuis sept ans, le syndicat étudiant majoritaire publie un palmarès des « universités hors la loi » en matière de frais d’inscription. Si le cru 2012 fait apparaître quelques progrès, il pointe aussi l’apparition de nouvelles pratiques de contournement plus insidieuses. « Dans une situation de pénurie budgétaire, nombreux sont les établissements qui cherchent à compenser le désengagement financier de l’État par une plus grande contribution de leurs étudiants », dénonce le rapport.
Pour s’affranchir des plafonds légaux définis par les ministères de l’enseignement supérieur et du budget, soit cette année 180 euros pour une licence et 250 euros pour un master, certaines universités ont mis en place des « frais complémentaires » aux contours bien flous.
« Six universités et écoles demandent cette année des frais supplémentaires supérieurs à 400€ contre treize l’année dernière. Certains établissements se détachent du lot : Grenoble 2 (800€), IAE (Institutd’administration des entreprises) de Paris (750€), l’École Nationale des Ponts et Chaussées (676€), Strasbourg (600€), Toulouse (575€) », pointe le rapport de l’Unef.

À Grenoble 2, en tête du palmarès de l’Unef, l’IAE demande ainsi à ses étudiants de s’acquitter de 800 euros en plus des 250 euros autorisés pour accéder à un « package multimedia », qui consiste essentiellement en un accès à un intranet. L’étudiant y « trouve toutes sortes d’informations : son emploi du temps personnalisé, les contacts de sa promotion ou encore les polycopiés de cours numérisés », nous explique Christian Defélix, directeur de l’IAE. 800 euros pour accéder à un intranet ? Le coût n’a rien d’exorbitant pour ce directeur. « C’est un intranet collaboratif qui a beaucoup de supports et qui nécessite un certain travail de maintenance », précise-t-il. Pour lui, surtout, ces frais n’ont rien d’obligatoires.
C’est l’un des points sur lequel insiste le rapport de l’Unef, qui souligne que nombre d’universités entretiennent le flou sur le caractère facultatif de ces frais complémentaires. « Très souvent, les universités (…) se contentent de réclamer un chèque global sans qu’il ne soit jamais notifié à l’étudiant le caractère facultatif de certains paiements. » Une petite pression à l’oral lors de l’inscription de l’étudiant suffit parfois à vaincre les résistances, note le syndicat étudiant. Une vision des choses que réfute fermement le directeur de l’IAE de Grenoble 2. « Plus de 90 % des étudiants prennent notre « package multimedia », non pas parce que nous faisons pression sur eux, mais pour ne pas avoir le sentiment de faire partie de l’université du pauvre, au regard notamment de ce qui se fait dans la concurrence », rétorque ainsi Christian Defélix, pour qui le rapport de l’Unef a au moins le mérite de rappeler que l’université souffre de la concurrence d’écoles bien mieux dotées financièrement.

Frais de dossier
Les frais complémentaires demandés par certaines universités sont également illégaux, rappelle le syndicat étudiant, dès lors qu’ils couvrent les missions normales de l’université. Ainsi des « Droit de parking », « accès aux salles informatiques », ou autre « droits sportifs », qui n’exonèrent d’ailleurs pas l’étudiant de payer une cotisation à l’année pour telle ou telle activité sportive.
À l’école centrale de Nantes, en complément des frais classiques de 596 euros pour le cycle ingénieur, chaque étudiant doit débourser 235 euros de « frais spécifiques », comme les polycopiés ou une carte d’accès au campus.
L’Unef relève que ces « contributions complémentaires » correspondent aussi parfois à un service indispensable pour les étudiants. Comment imaginer en effet qu’un doctorant se passe de l’« accès aux laboratoires de recherche », ou, plus généralement, qu’un étudiant puisse économiser sur l’ « accès aux bibliothèques des UFR » ?
Parmi les mauvaises pratiques dénoncées par le rapport figurent aussi des « frais de dossier » particulièrement salés. À l’Université technologique de Belfort Montbéliard, déposer sa candidature en master coûte ainsi 95 euros de « frais de dossier ». Autre dérive décrite par l’Unef, certaines universités, hors de tout cadre légal, font payer des droits spécifiques aux étudiants étrangers. C’est le cas à l’université de Pau, qui leur fixe un droit d’entrée de 2 500 euros lors de l’inscription.
Plus préoccupant, car dans une zone grise de la légalité, les facs sont de plus en plus nombreuses à proposer des diplômes d’université qui, contrairement aux diplômes nationaux, échappent au contrôle du ministère et qui, bien souvent, correspondent à des « masters déguisés », selon l’Unef, mais sont, eux, hors de prix. Ainsi un diplôme d’université de sciences, équivalent master, à l’Université d’Aix Marseille peut coûter jusqu’à 9 000 euros, alors qu’un master de droit à Paris 2 peut atteindre 15 000 euros.
Une autre pratique qui se développe, consiste à coupler dans la scolarité de l’étudiant un diplôme national à l’un de ces diplômes d’établissement. À l’université de Strasbourg, le master mention droit des affaires apparaît joint à un diplôme d’université de juriste et conseil d’entreprise (DJCE), facturé, lui, 600 euros. Contactée, l’université de Strasbourg nous a précisé que ce diplôme était bel et bien « indépendant et facultatif ». Même si, sur vingt-deux étudiants inscrits à ce master, un seul n’était pas également inscrit au DJCE…

À lire ici