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SNCS Hebdo, 12, n° 14, 10 octobre 2012 : "Le char des "assises" et ses chevaux de retour".

mercredi 10 octobre 2012, par Jara Cimrman

Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, promises, annoncées, ouvertes enfin cet été en grande pompe par la ministre sous les ors de l’Institut de France, seront-elles autre chose que le sacre des opportunismes ?
Les assises territoriales ont déjà donné, partout, l’image de défilés mondains où se pressent toutes les puissances de la « nouvelle territorialité ». Ces fastes ne peuvent masquer que la recherche et l’enseignement supérieur sont en lambeaux. Comme le révèle le dossier de présentation du budget 2013 de l’enseignement supérieur et de la recherche, la participation des équipes françaises aux programmes de recherche européens a chuté en un quinquennat de 18 à 12 % ! En guise de thérapie, la ministre offre à tous les appétits locaux l’occasion de continuer le dépeçage …
Les conclusions des assises sont déjà écrites. Auraient-elles été sincères qu’on aurait, pour réfléchir sans contrainte, arrêté les IDEX dès le mois de mai. Mais on les laisse courir et l’on nomme même comme rapporteur général des assises un président de bureau d’IDEX ! Celui-ci a le front de qualifier telle position des organisations syndicales de « minoritaire ». C’est bien là une logique d’Ancien régime, où noblesse et clergé voulaient compter pour deux et ne laisser au Tiers état qu’une seule voix … Il est temps, plus que jamais, de se débarrasser de l’Ancien régime.
Christophe Blondel, trésorier national du SNCS-FSU


Nous pressentions que les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, telles qu’annoncées par madame Fioraso au début de l’été, risquaient de n’être que le paravent de l’immobilisme. Nous avons dénoncé le risque que pendant la préparation des assises, des organes nuisibles, dont les IDEX, installés précipitamment par le gouvernement Fillon finissant, profitent de cet immobilisme pour s’installer.

La suite de l’histoire semble hélas confirmer nos craintes. Au lieu d’être confiées à la communauté scientifique, les assises territoriales ont été mises entre les mains des présidents de région, des préfets de région et des recteurs… lesquels ne sont plus nécessairement des docteurs ! Incidemment reviendra-t-on sur le décret du 29 juillet 2010 qui a permis cette décadence ? Ce serait, pour les assises nationales, une idée qui ne coûterait pas cher et irait tout à fait dans le sens de la « sécurisation de l’insertion de nos docteurs » (comme dit le texte d’orientation).

Sous ces tutelles, en attendant, les assises territoriales, qui s’enorgueillissent de faire la part belle aux « représentants du milieu économique » (comme si la recherche et l’université pouvaient être « hors sol » !), ressemblent plus à des foires où l’on met les charrues avant les bœufs qu’aux lieux de renaissance de l’Université française qu’elles auraient dû être.

Quant à la consultation nationale, ses auditions sont organisées suivant la recette bien connue du pâté mi-cheval mi-alouette : un cheval, une alouette. C’est un impressionnant défilé d’institutionnels dans lequel la représentation des personnels est réduite au strict minimum. L’audition simultanée du SNCS et du SNESup au titre de la FSU n’a certes pas posé de problème de convergence entre nos deux syndicats, mais le temps était rationné. Le temps n’a pourtant pas manqué pour les auditions d’AXA, de Total, des Alliances et même de la (trop) célèbre Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) ! On a les modèles d’organisation qu’on peut… À côté de cela, la voix des principaux représentants des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche aurait mérité, dans une répartition équitable, d’être écoutée plus longtemps que pendant cette petite heure en tout.

La contribution officielle des établissements compense-t-elle ce rationnement ? Hélas la direction du CNRS, en particulier en défendant les IDEX, ignore et contredit carrément ce qu’a écrit l’organe officiel de prospective qu’est le Comité national. Celui-ci a demandé par la voix du C3N que les IDEX disparaissent (1). Les directions de l’Inserm, l’Inria, l’Inra et du CEA défendent l’existence des Alliances qu’elles dirigent, avec l’arrière pensée de piloter leurs domaines de compétences respectifs sans instances scientifiques élues.

Le rapporteur général des Assises, dont on n’attendra évidemment pas, étant donné sa très haute implication dans l’IDEX Sorbonne-Paris-Cité, qu’il donne un écho exagéré aux critiques contre la « nouvelle territorialité », ose dire au Monde (le 20 septembre) que les partisans de l’abrogation de la loi LRU sont « très minoritaires ». Tout dépend évidemment de la façon dont on compte. On a vu comment les organisateurs des assises s’étaient arrangés pour ne faire compter les voix du SNCS et du SNESup que pour une unité. Qu’ils se rappellent que l’histoire a tranché pour le vote par tête et que nous sommes des !

Monsieur Berger dit encore que les organisations syndicales décrivent les personnels comme « déboussolés ». Mais non, monsieur le rapporteur général, nous ne sommes pas des « déboussolés », qui attendraient d’être pris par la main dans des « initiatives » salvatrices ! Les chercheurs et enseignants-chercheurs savent très bien ce qu’ils veulent : la restauration d’une Université et d’organismes de recherche nationaux munis des moyens de leur propre orientation et de leur développement, pour une recherche scientifique libre et vivante. Nous ne sommes pas « déboussolés », nous sommes exaspérés de voir que ces assises sont en voie d’être confisquées par les zélateurs d’une « nouvelle territorialité » à vue aussi courte que « le chauffage et la lumière ».

Le culte de « l’excellence » qui a littéralement coulé la recherche française, comme en témoigne la chute de sa participation aux programmes européens, l’arrogance de l’ANR qui prétend dominer la politique scientifique du pays alors qu’elle n’aurait jamais dû dépasser le niveau d’une force d’appoint, les Alliances, les « EX » de tout poil qui nous étouffent, ça suffit ! Si les assises ne donnent pas un écho convenable à nos revendications qui sont celles de la majorité des chercheurs et enseignants-chercheurs aujourd’hui, nous les dirons alors directement et plus fort.