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L’ouverture à Toulon de l’antenne d’une université portugaise fait polémique - Le Monde (AFP), 13 et 19 décembre 2012

mercredi 19 décembre 2012, par Mademoiselle de Scudéry

Sur le site de cette “université”, on peut lire ceci : « C’est dans un souci de mettre en cohésion l’enseignement supérieur et la réalité du monde que le recteur Salvato Trigo a fondé de toutes pièces l’Université Fernando Pessoa en 1995 à Porto.
Si l’Europe de la culture et de l’enseignement n’a cessé de démontrer sa vitalité, il n’en demeure pas moins que perdure, dans chaque pays de l’Union, des modes d’enseignement ne mettant pas suffisamment l’étudiant(e) au cœur d’un processus de la marchandisation incontestable du savoir. En vue de son insertion plus harmonieuse et efficace dans son univers professionnel.
 » (note de SLU)


L’avenir de l’université privée portugaise de Toulon semble compromis

Article d’Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde, 18 décembre 2012
À lire ici
Extrait : Ainsi, le Centre hospitalier intercommunal (CHI), qui accueille cette filiale de l’université Pessoa dans un bâtiment désaffecté a décidé de ne plus l’héberger : "On nous avait parlé de sciences humaines, mais lorsque nous avons découvert qu’il s’agissait d’études de santé, nous avons décidé de résilier la convention précaire d’un an", indique Frédéric Rodrigues, secrétaire général du CHI.


L’ouverture de l’antenne, il y a un mois dans le sud-est de la France, d’une université portugaise privée fait polémique : des étudiants qui dénoncent le coût des formations demandent sa fermeture et la justice a été saisie par le ministère de l’éducation.

L’université Fernando-Pessoa (UFP), ouverte le 12 novembre à La Garde, près de Toulon, dispense à destination – pour l’instant – d’une trentaine d’étudiants des cours en français en odontologie, pharmacie et orthophonie, et délivre des diplômes portugais, valables dans toute l’Union européenne.

"USAGE ABUSIF DU TERME ’UNIVERSITÉ’"

Dans un communiqué, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, a estimé que les responsables de cet établissement étaient dans l’illégalité, en se basant sur l’article L. 731-14 du code de l’éducation nationale, qui prévoit que "les établissements d’enseignement supérieur privés ne peuvent en aucun cas prendre le titre d’université". Mme Fioraso a par conséquent demandé à la rectrice de l’académie de Nice de saisir le procureur du tribunal de grande instance de Toulon sur deux points : "usage abusif du terme ’université’" et "non-respect des règles du régime de déclaration préalable nécessaire pour l’ouverture de ce type d’établissement".

Dans un communiqué, le ministère souligne que Mme Fioraso a "plusieurs préoccupations sur la qualité de la formation et de la capacité de la structure Fernando-Pessoa à répondre aux exigences d’un enseignement technique dans les disciplines de santé". Un syndicat étudiant, la Fédération des associations générales étudiantes, avait dénoncé mi-novembre le coût des formations (jusqu’à 9 500 euros par an, selon elle), qui va "à l’encontre du principe même de démocratisation de l’enseignement supérieur".

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« À Toulon, le Portugal forme les médecins français »

article d’Isabelle Rey, Le Monde du 5 décembre 2012

Devenir dentiste, pharmacien ou orthophoniste sans passer de concours... A Toulon, c’est en train de devenir possible depuis l’ouverture, à la rentrée, d’une antenne de l’université privée portugaise Fernando-Pessoa.

Installé dans un bâtiment désaffecté du centre hospitalier de LaGarde, commune voisine de Toulon, ce nouvel établissement ne compte, pour l’instant, qu’une douzaine d’étudiants en odontologie (chirurgie dentaire) et huit apprentis orthophonistes, admis sur dossier et contre un chèque de 9500 euros, pour les premiers, 7500 euros pour les seconds. Si tout va bien, ils décrocheront un diplôme portugais qui, en vertu des équivalences et des règles européennes, leur permettra d’exercer en France. Une stratégie redoutable pour éviter le numerus clausus qui bloque chaque année des dizaines de milliers d’étudiants français.

UN VIVIER INÉPUISABLE DES RECALÉS DU CONCOURS D’ENTRÉE EN MÉDECINE

Les effectifs sont très modestes, mais les ambitions sont grandes. "Nous accueillerons, à terme, cinquante étudiants par promotion en dentaire et pharmacie, trente en orthophonie. Nous avons prolongé les délais d’inscription jusqu’à mi-janvier pour permettre à ceux qui auront échoué à leur semestre de première année commune aux études de santé [Paces] de nous rejoindre", explique Bruno Ravaz. Professeur de droit, avocat et ancien président de l’université du Sud-Toulon-Var, M.Ravaz est vice-président de Fernando-Pessoa.

L’université privée, fondée par Salvato Trigo, qui en est le recteur, compte bien exploiter le vivier presque inépuisable des recalés du concours d’entrée en médecine : seuls 16 % des candidats passent directement en deuxième année. "Nous récupérons d’excellents élèves et leur proposons des méthodes pédagogiques personnalisées dans des amphis qui ne sont pas bondés. Nous avons déjà 282 pré-inscriptions", se félicite-t-il.

Les modalités pratiques du cursus restent, cependant, floues : où et comment se dérouleront les indispensables stages ? Qui seront les professeurs ? Le matériel, pour les dentistes par exemple, sera-t-il fourni ? "Le montant de 9500euros de frais d’inscription peut sembler élevé, mais le coût de revient d’un étudiant en odontologie s’élève, pour l’Etat, à au moins 15000 euros", rappelle Robert Garcia, président de la conférence des doyens des seize facultés de chirurgie dentaire.
Les porteurs du projet se sont assuré une caution scientifique de poids en la personne du neurologue et psychiatre Boris Cyrulnik, qui a accepté la présidence du conseil scientifique. Le site Internet le présente également comme directeur du département de psychologie, puisque cette université privée envisage de développer aussi des formations en sciences humaines. "Je souhaite créer une université de la petite enfance, pour former des professionnels à cette période-clé de l’éducation", explique-t-il, même si ce projet n’est mentionné nulle part dans les documents de l’université Pessoa.

L’initiative soulève un tollé parmi les universitaires et les syndicats professionnels. L’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD) a été la première à s’en émouvoir et à alerter les pouvoirs publics. "Cet établissement à caractère privé va à l’encontre du principe même d’équité de l’enseignement supérieur et détourne directement le système des formations de santé, notamment du numerus clausus", dit son communiqué. "Pour les dentistes, le nombre maximal d’étudiants admis a été fixé à 1200, soit des promotions de 25 à 100 étudiants sur l’ensemble des facultés, détaille Gauthier Dot, vice-président de l’UNECD. Et 50 étudiants de plus par an, ce n’est pas anodin."

La Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD) monte elle aussi au créneau : "Nous n’avons aucune garantie sur la qualité des enseignants comme sur les conditions de la formation clinique. Il y a, certes, de très bonnes universités au Portugal, mais nos confrères portugais ne nous ont pas caché que l’université Fernando-Pessoa n’offrait pas un bon niveau d’enseignement", confie Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD, pour qui "les règles européennes ne doivent pas favoriser une dérégulation des professions de santé".

ÉVENTUELLE ACTION EN JUSTICE

Au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’embarras est réel : on réfléchit à une éventuelle action en justice qui pourrait porter sur l’utilisation du terme "université", mais attaquer la légalité de ce montage n’est pas évident. Devant une tentative identique, l’Etat italien a, lui, révoqué l’autorisation d’ouverture de l’université Pessoa par décret du 23 février 2012. Il y précise qu’il garde la main sur les études en santé, partie intégrante de la politique de santé du pays. Une décision sans doute bientôt contestée devant la Cour de justice européenne. "Si la pression est trop forte, nous irons nous installer en Andorre ou au Luxembourg", avertit déjà M. Ravaz. En Espagne, elle attend l’accord de l’administration pour démarrer la construction d’une université dans les îles Canaries, qui en comptent pourtant déjà trois.

Depuis quelques années, des étudiants recalés au concours partent faire leurs études médicales ailleurs en Europe, là où aucun quota n’a été mis en place. La Belgique a été à la mode jusqu’à ce qu’elle limite les entrées. La Roumanie a suivi. Cette fois, c’est une université européenne qui vient aux étudiants.

Le conseil de l’ordre des dentistes constatait ainsi que, en 2011, 283 praticiens diplômés hors de nos frontières s’installaient en France, soit près du quart des 1 232 nouveaux inscrits à l’ordre. On retrouve les mêmes proportions chez les pharmaciens et les médecins, et le phénomène s’amplifie d’année en année.