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Geneviève Fioraso veut remodeler l’offre universitaire - Nathalie Brafman et Isabelle Rey-Lefebvre, Le Monde 14 janvier 2013

lundi 14 janvier 2013, par Mademoiselle de Scudéry

Où l’on voit se dessiner des fusions atomiques : CPGE-Universités, CS-CEVU, PRES…
Golum, golum !

C’est la dernière ligne droite. Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, peaufine son projet de loi sur l’université et la recherche qu’elle espère le "plus consensuel possible". Première en France, cette loi, qui sera présentée en mars en conseil des ministres, traitera à la fois de l’éducation et de la recherche. "L’enseignement supérieur et la recherche sont indissociables. La plus-value de l’université, c’est la recherche", souligne-t-elle.

Alors que Jean-Yves Le Déaut, député PS (Meurthe-et-Moselle) et rapporteur de la future loi, a remis lundi 14 janvier au premier ministre, Jean-Marc Ayrault, les conclusions de sa mission de préfiguration de la loi, Geneviève Fioraso détaille pour Le Monde son projet.

• La réussite de tous les étudiants

Trop foisonnante, souvent illisible, l’offre de formation devra être simplifiée. "Il faut en finir avec la jungle des formations, explique la ministre. Il y a 2 231 licences professionnelles et 1 420 licences générales avec des intitulés hyperpointus, souvent incompréhensibles pour les jeunes." Objectif : diviser le nombre de licences par 15 pour parvenir à une nouvelle nomenclature nationale d’une centaine d’intitulés de licences générales par grands domaines. Les licences professionnelles, discutées avec les organisations professionnelles, ne devraient pas être touchées. Les masters (1 400 mentions et 6 000 spécialités) seront eux aussi simplifiés. Afin de mettre un terme à la multiplication des diplômes, seuls ceux figurant dans la nouvelle nomenclature nationale pourront être délivrés par les universités accréditées.

La ministre souhaite également favoriser la réussite des bacheliers professionnels et technologiques exclus des filières pourtant créées pour eux (IUT et STS). Ils seront donc désormais "prioritaires" pour y accéder. Il reviendra aux recteurs de faire appliquer la loi.

La première année de médecine sera revue : lors des auditions des assises de l’enseignement supérieur, l’échec de la première année commune aux études de santé a été largement débattu. La loi permettra des expérimentations : orientation avant l’entrée en première année, licence d’études de santé, passerelles entre filières...

Autre sujet sensible et qui devrait soulever des résistances : le rapprochement entre les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) et les universités. L’une des premières conséquences sera "l’inscription automatique à l’université des étudiants en CPGE". Chaque classe prépa – qui resteront dans les lycées – sera rattachée à une université par une convention. Cela permettra aux enseignants de donner des cours dans les deux établissements. "Les proviseurs seront incités à proposer à leurs élèves des cours à l’université. Les élèves de CPGE seront ainsi immédiatement initiés à la recherche", souligne la ministre. Pour Jean-Yves Le Déaut, "il faut avancer pas à pas, la difficulté étant de convaincre les professeurs de prépas d’enseigner à l’université".

La pédagogie n’a pas été oubliée : pour être nommé maître de conférences, il faudra avoir suivi une formation dans les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ex-IUFM). Les étudiants évalueront leurs formations. L’évaluation des professeurs eux-mêmes, sujet hautement polémique, a été écartée. Chaque université devra proposer ses cours en ligne, une mesure ambitieuse qui devra être financée.

Enfin, Mme Fioraso souhaite coordonner les formations : "Il existe une centaine d’écoles scolarisant 50 000 étudiants qui dépendent d’un autre ministère ." Si la ministre, prudente, parle de "coordination", Jean-Yves Le Déaut, lui, estime qu’il faut "un pilote pour harmoniser la carte de la formation", et n’hésite pas à parler de "cotutelle".

• Gouvernance des universités

Hyperprésidentialisation, centralisation des pouvoirs... Les Assises ont révélé un large mécontentement à la suite de la loi sur l’autonomie votée en 2007 sur la gouvernance des universités : elle a conféré un pouvoir accru aux conseils d’administration, dominé par les présidents d’université. Pour compenser ses effets, la ministre souhaite introduire plus de collégialité et de démocratie.

Le conseil d’administration ne traitera que de la stratégie, du budget et du management : les collectivités locales, le Conseil économique et social régional, les organismes de recherche et les personnalités extérieures qui y siègeront obtiennent le droit de vote, y compris sur la désignation du président. Cette mesure déplaît à la Conférence des présidents d’universités car elle risque de fragiliser la position du président. Mais pour la ministre, "il n’est pas question d’avoir des sous-administrateurs !".

La loi proposera aussi de fusionner en un "conseil académique" le conseil scientifique, qui définit les axes de formation et de recherche et le conseil des études et de la vie universitaire. "Cette structure aura ses propres prérogatives, l’organisation des formations, de la recherche et de la vie étudiante." Petite révolution : la ministre souhaite la parité au sein des conseils d’administration et impose pour ce faire autant d’hommes que de femmes dans les listes électorales. Enfin, le scrutin pour élire le président se fera à deux tours et la prime majoritaire qui assurait à la liste arrivée en tête la quasi-totalité des sièges est supprimée.

• Une trentaine de grands pôles

Lors des assises de l’enseignement supérieur, les regroupements d’établissements (Pres, pôles de recherche et d’enseignement supérieur), créés en 2006, ont été vivement critiqués, jugés incompréhensibles et illisibles. Geneviève Fioraso veut que les universités fusionnent ou se fédèrent. "Il n’y a pas de modèle unique imposé mais il faudra une université chef de file qui sera notre interlocuteur".

Cette communauté mettra tous les établissements en réseau et passera avec l’Etat un contrat quinquennal aux objectifs précis, comme la réussite des étudiants, l’avancement de la numérisation... "Aujourd’hui, il y a 150 contrats quinquennaux, nous pensons qu’il y a de la place en France pour 30 contrats de site."

• L’État, stratège de la recherche

Le gouvernement veut que l’État s’affirme en stratège en définissant les grands axes de la recherche conformément à l’agenda européen (efficacité énergétique, énergies renouvelables, santé, vieillissement...). Un "conseil stratégique pour la science et la technologie" composé de scientifiques sera chargé de définir les axes de recherche.

Une partie des crédits de l’Agence nationale pour la recherche (ANR) sera réorientée vers le financement pérenne des équipes de recherche. Celles qui obtiendront des financements nationaux s’engageront à répondre à des appels d’offres européens. "La France participe pour 17 % au financement des programmes de recherche européens mais n’en obtient que 11,4 %, faute de projets", regrette la ministre. Quant à l’évaluation qui, dans l’ancien système, accaparait le temps et les moyens des chercheurs, elle sera confiée aux équipes elles-mêmes, l’État ne contrôlant que la fiabilité et la qualité des méthodes d’évaluation.

"La nouvelle loi n’ambitionne pas de tout régler", précise la ministre. D’autres textes réglementaires ou législatifs viendront en renfort, comme la loi sur la décentralisation qui créera un service public de l’orientation, confié aux régions.

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