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Le rapport Le Déaut pour la loi université et recherche - S. Huet, Blog {Sciences 2}, 16 janvier 2013

mercredi 16 janvier 2013, par Mariannick

Hier matin, Geneviève Fioraso rencontrait les journalistes de l’AJSPI. Elle a présenté le rapport que le député Jean-Yves Le Déaut a remis la veille au premier ministre comme une sorte de "livre blanc". Il est vrai que ce rapport n’est pas un projet de loi, mais une analyse et une liste de mesures à prendre présentées de manière qualitative. Ces mesures sont censées être au coeur de la loi issue des Assises de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui doit remplacer la loi LRU votée en 2007 sous Nicolas Sarkozy et Valérie Pécresse.

Voici [où trouver] ce rapport en pdf. Lire en fin de document un résumé des mesures proposées.

Il confirme le changement de ton et de discours du pouvoir politique, avec cette phrase du rapport : « Il s’agit de passer d’un modèle d’excellence par la compétition à un modèle de performance par la coopération. » Il propose donc une opération de simplification du paysage, avec non seulement des regroupements d’établissements universitaires, la réduction à 30 des contrats de sites (contre plus de 100), mais aussi la disparition de toute une série de structures (RTRA, CTRS), le remplacment de l’AERES par une agence (AUTEURE) qui délèguera l’évaluation des personnels et des équipes lorsque les organismes de recherche disposent déjà de systèmes d’évaluation, comme le Comité national du Cnrs.

Geneviève Fioraso a présenté l’expérience de Toulouse, où l’ex-Idex a été remanié par les nouvelles équipes élues, dont celle de Bertrand Monthubert à la présidence de l’Université Paul Sabatier, comme "un exemple à suivre" pour les opérations visant à réunir les universités de chaque métropole régionale en "communauté d’universités".

Les gouvernances seront changées avec des dispositions élargissant les conseils d’administration, l’exigence de la parité homme/femmes dans les listes se présentant aux élections, un rôle accru pour les conseils académiques (réunion des ex conseils scientifiques et de la vie étudiante).

Toutefois, le flou demeure sur les intentions du gouvernement sur des points décisifs. Ainsi, interrogée sur l’ampleur du "rééquilibrage" entre les crédits de l’ANR et les crédits accordés directement aux laboratoires pour des initiatives scientifiques et leur gestion courante, la ministre n’a pas indiqué si les 70 millions retirés à l’ANR et versés aux Organismes de recherche étaient un début ou une fin du rééquilibrage. Elle laisse entendre qu’il s’agit d’un début... mais sans quantifier la suite.

De même, le décisif problème des CDD reste pendant. Certes, la ministre a assuré avoir envoyé une lettre à l’INSERM lui demandant de "trouver une solution" pour ce cas d’une ingénieure de recherche de 32 ans, qui est brutalement virée après 11 années de travail où elle a signé 12 CDD et six avenants. Un procédé digne de patrons jouant avec la loi, le code du travail et le simple respect des personnes. Sauf que la ministre avance que cette ingénieure aurait "raté des concours de recrutement", pour expliquer la situation. Mais comme elle a de nouveau été embauchée en CDD après cet épisode, cela prouve simplement que le besoin en ingénieur de recherche n’était pas couvert par les postes aux concours et que cette personne correspondait au besoin et assez bien puisque la direction du laboratoire se tournait vers elle pour renouveler les CDD.

Où est le fond du problème et pourquoi la politique gouvernementale actuelle n’y répond pas ? Tout simplement, depuis dix ans, le refus de créer les postes d’Ingénieurs d’études et de recherche correspondant aux besoins des laboratoires, même financés, a conduit à créer environ 2000 postes de ce type (chiffre donné par Mme Fioraso hier) - qui concernent aussi des post-doctorants réalisant des travaux relevant d’Ingénieurs d’études et de recherche et non des travaux permettant de postuler ensuite à des postes de chercheurs.

Dans le budget 2013, il n’y a pas de création de postes d’ITA permettant d’intégrer ces personnes dans les effectifs pérennes, alors que leurs fonctions le sont. La seule solution affichant la "vérité des prix" serait de rompre avec la fiction selon laquelle il s’agit d’emplois non pérennes, comme si l’activité de recherche allait diminuer dans les années qui viennent. Et de mettre fin à un scandale social et à une pratique qui ralentit la recherche au lieu de l’accélérer. Pouvoir maintenir un flux de recrutement sur concours pour attirer les meilleurs candidats suppose que le pouvoir politique affiche un plan pluriannuel de recrutements fondé sur une augmentation des effectifs - ingénieurs et chercheurs - de la recherche publique et non sur sa stagnation, tout simplement parce que le discours sur la place et le rôle que l’on attribue à la recherche et à la technologie dans la politique de redressement du pays ne peut se transformer en réalités sans cette augmentation des effectifs. La recherche exige certes des instruments de plus en plus performantes, mais elle demeure une activité de cerveaux et de mains.

Le même raisonnement s’applique pour les postes de chercheurs. Il suffit de compter le nombre de postes mis aux concours par le Cnrs ou l’Inserm pour constater que, au mieux, on se prépare à une stagnation des effectifs.

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