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« Refondation de l’École de la République » ou destruction finale ? - Tribune, Mediapart, 8 avril 2013

lundi 8 avril 2013, par Mariannick

Le Ministère de l’Enseignement Supérieur annonce l’ouverture dès la rentrée 2013 des Écoles Supérieures du Professorat et de l’Éducation (E.S.P.E.), présentées comme « fer de lance » de la « refondation de l’École de la République ». Or, jamais l’École et la République ne se sont trouvées en si grand danger qu’avec la mise en place de ce « master à vocation professionnelle » censé former les futurs enseignants, du cycle primaire à l’université, et ce sous le couvert d’une prétendue « culture commune ».

L’essentiel de cette réforme est simple : elle allie économie des moyens et économie des connaissances, elle ampute la formation de la majeure partie de son contenu disciplinaire et renforce à l’excès la « professionnalisation », comme si les compétences ne se limitaient qu’à une pratique brute du métier. Demain, écoliers et étudiants auront devant eux des enseignants qui, certes, manieront avec dextérité la culture du numérique, seront des experts des « TICE », connaîtront les droits et surtout les devoirs du fonctionnaire, mais ils souffriront, sur le plan de la discipline qu’ils sont censés dispenser, de grandes carences qu’ils transmettront à leur tour à leurs élèves. Cette fabrique de l’ignorance est un coup mortel porté par le gouvernement actuel à l’École Publique.

Il faut obtenir l’arrêt de la mise en place forcée de ce projet dont les effets seront inverses à ceux recherchés : la destruction de l’enseignement et l’affaiblissement de la République. Nous n’entrerons pas dans cette tribune dans le détail des manœuvres autocratiques et grossières de son imposition à une communauté éducative et universitaire inquiète et angoissée, démobilisée et déprimée par le train des réformes lancé à toute vitesse ces dernières années.

Nous alertons car :

  • ce projet porte atteinte à la mission de formation des universités et est contraire au Code de l’Éducation, qui stipule (Article L123-2) : « Le service public de l’enseignement supérieur contribue : 3° À la réduction des inégalités sociales ou culturelles et à la réalisation de l’égalité entre les hommes et les femmes en assurant à toutes celles et à tous ceux qui en ont la volonté et la capacité l’accès aux formes les plus élevées de la culture et de la recherche ».
  • ce projet en son état actuel ne garantit pas, à travers la procédure d’accréditation régionale, une qualité égale de la formation des enseignants sur tout le territoire. Il est contraire à la Constitution Française, qui stipule (Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 – Article 13, Constitution du 4 octobre 1958) : « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État ».

L’État, garant du respect du Droit, doit mettre à la disposition des Universités les moyens nécessaires à une formation disciplinaire de qualité des enseignants sur tout le territoire. Il en va de l’avenir de ce pays.

Enseignants-chercheurs et fonctionnaires d’État, il relève de notre devoir d’alerter les familles et les citoyens de l’atteinte qui va être portée à l’enseignement tout entier, fondement de notre République, de sa cohésion, et de notre démocratie.

Roland Béhar, Maître de Conférences, Université de Lille 3
Cathy Fourez, Maître de Conférences, Université de Lille 3
Paul-Henri Giraud, Professeur des Universités, Université de Lille 3
Justino Gracia Barrón, Maître de Conférences, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3
Michèle Guillemont, Professeur des Universités, Université de Lille 3
Yves Macchi, Maître de Conférences, Université de Lille 3
Philippe Rabaté, Maître de Conférences, Université Paris Ouest-Nanterre La Défense
Claudie Terrasson, Professeur des Universités, Université Paris-Est Marne-la-Vallée